Reportage "On fait attention à ce qui se passe autour de nous" : dix ans après l'attentat de l’Hypercacher, l'émotion est toujours vive chez les riverains

Le 9 janvier 2015, le terroriste Amedy Coulibaly tuait quatre personnes dans cette supérette de la porte de Vincennes, à Paris. Une cérémonie d'hommage est prévue jeudi. Les clients rencontrés devant l'Hypercacher racontent comment ils vivent avec ce traumatisme, dix ans après.
Article rédigé par Thomas Séchier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
L'entrée de l'épicerie Hypercacher, porte de Vincennes (Paris), le 6 janvier 2025. (ANNA KURTH / AFP)

Les commémorations des attentats de janvier 2015 se poursuivent, après Charlie Hebdo et la policière Clarissa Jean-Philippe tuée à Montrouge, une nouvelle cérémonie est prévue jeudi 9 janvier devant l'Hypercacher de la porte de Vincennes, à Paris, l'initiative du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France). Une cérémonie pour marquer les 10 ans, jour pour jour, de la prise d'otages dans cette supérette.

Le 9 janvier 2015, le terroriste Amedy Coulibaly avait tué quatre personnes, toutes juives, avant d'être abattu lors de l'assaut du Raid et de la BRI. Dix ans après, la communauté juive est encore profondément marquée par le drame. Devant la supérette, repeinte en blanc, c'est un ballet habituel de camions de livraisons et de clients qui entrent et sortent du magasin. Seule une plaque discrète sur la façade, en hauteur, vient rappeler les noms des quatre victimes du 9 janvier 2015.

Laurence vient d'y faire ses courses. "Je n'ai pas besoin de la plaque pour m'en rappeler. Le cousin de mon beau-père est mort dans l'attentat, raconte-t-elle. La grille était quasiment fermée. Il voulait acheter ce qu'on appelle des hallot, c'est du pain pour shabbat. La vendeuse lui disait : 'Non, non, non, il ne faut pas rentrer !'"

"Il y avait le terroriste juste à côté. Il a insisté et le terroriste a levé le rideau pour le faire rentrer et il s'est fait tuer parce qu'il a acheté du pain."

Laurence, une habituée de l'Hypercacher

à franceinfo

Eva, elle, ne connaissait pas les victimes mais n'a rien oublié de ce terrible vendredi après-midi. "Je venais d'avoir une petite fille deux semaines avant, j'ai vu à la télévision l'alerte pour l'Hypercacher. C'était l'horreur totale, se souvient-elle. Mon mari travaillait juste à côté, on fréquentait ce magasin, donc on savait qu'il y aurait vraiment du monde dans le magasin, car avant shabbat, avant d'aller chercher les enfants à l'école, les gens font leurs courses. C'était terrible."

Dix ans après, si les employés ont tous changé, les habitants du quartier restent fidèles à l'Hypercacher, non sans, parfois, une certaine appréhension. "On ne se sent pas particulièrement en insécurité, mais quand on rentre dans une boutique cacher, on fait un peu plus attention à ce qui se passe autour de nous", confie un client.

"On fait attention mais les attentats pour nous, c'est monnaie courante malheureusement, on vit avec."

Un client régulier de l'Hypercacher

à franceinfo

Et alors que des étoiles de David viennent encore d'être taguées à quelques dizaines de mètres de là, Patricia ne peut contenir son émotion. "Plus que la prise d'otages, c'est tout ce qui se passe maintenant qui pose problème, estime-t-elle. Je suis née en France, j'aime la France, mais je crois que si ça continue, je serai obligée de partir, et ça me fait de la peine, parce que je ne pensais pas que ça arriverait un jour. J'ai l'impression que maintenant tout le monde est contre les juifs. Je viendrai aux commémorations, je vais bien sûr acheter Charlie Hebdo, mais j'ai du mal en fait. Je ne sens plus d'empathie." Un sentiment décuplé, selon elle, depuis la reprise de la guerre à Gaza.

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