Enseignante accusée d'avoir frappé une élève de 3 ans : six questions qui se posent après l'ouverture d'une enquête préliminaire

Lundi, une vidéo montrant une enseignante asséner un violent coup au niveau du dos à une petite fille en larmes, dans une école maternelle du 15e arrondissement de Paris, a circulé sur les réseaux sociaux et provoqué de nombreuses réactions. L'institutrice a, depuis, été suspendue.
Article rédigé par franceinfo
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L'école des Frères-Voisin, dans le 15e arrondissement de Paris, où une enseignante a été filmée en train de frapper une élève de 3 ans, le 5 septembre 2024. (BENJAMIN DERVEAUX / LE PARISIEN / MAXPPP)

Les images ont suscité une vague d'indignation. Une enquête préliminaire a été ouverte, mardi 10 septembre, à la suite d'une plainte déposée par les parents d'une fillette de 3 ans. Dans une vidéo diffusée lundi sur les réseaux sociaux, on voit l'enfant en pleurs être frappée et arrosée d'un liquide par son institutrice dans une école maternelle du 15e arrondissement de Paris. L'affaire est remontée en haut lieu puisque la ministre démissionnaire de l'Education nationale, Nicole Belloubet, a parlé de "honte pour notre école". L'enseignante a été suspendue à titre préventif.

Par qui cette vidéo a-t-elle été filmée et diffusée ?

Cette vidéo a été postée sur le réseau social X lundi en début d'après-midi par Vanessa Edberg, avocate au barreau de Paris, qui se présente comme "spécialisée dans les droits de l'homme et des étrangers" et adjointe au maire du 16e arrondissement à la voirie, aux transports et à la sécurité routière. Elle annonce alors qu'une plainte a été déposée et qu'elle représente la famille de la fillette frappée. Les images, qui avaient été vues 1,7 million de fois mercredi matin, montrent l'enseignante taper dans le dos cette élève en train de faire une crise de larmes. Celle-ci tombe par terre puis court se réfugier près de la porte. La maîtresse se saisit alors d'un verre rempli vraisemblablement d'eau et en jette le contenu sur l'enfant en lançant : "Voilà ! Ça fait du bien là ?" Elle ajoute en la pointant du doigt : "Tu vas voir quand papa va revenir ce que je vais lui dire."  

Comme l'a indiqué Vanessa Edberg à l'AFP, la scène filmée remonte au 5 septembre, soit trois jours après la rentrée scolaire, et se déroule dans une classe de petite section de maternelle de l'école des Frères-Voisin, dans le 15e arrondissement de la capitale. "La vidéo a été tournée alors qu'il y avait une autre maman, on sent que l'institutrice se contient", a affirmé l'avocate.

Quels faits vise la plainte déposée le soir même ?

Sollicité par France Bleu Paris, le parquet de Nanterre a confirmé "l'existence d'un dépôt de plainte à Issy-les-Moulineaux le 5 septembre en début de soirée de la mère d'une enfant âgée de 3 ans domiciliée à Paris". Et cela pour "des faits qualifiés à ce stade de violences sur mineur de 15 ans sans incapacité". Une enquête préliminaire a été ouverte, confiée au commissariat d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Le parquet de Nanterre précise qu'il "devrait se dessaisir une fois les actes conservatoires réalisés concernant la victime en vue de déterminer une éventuelle incapacité, au profit du parquet du lieu des faits (Paris 15e)".

Selon Vanessa Edberg, citée par l'AFP, d'autres faits, datant du 3 septembre sont également dénoncés dans cette plainte. La fillette de 3 ans, qui effectuait sa première rentrée scolaire, aurait précédemment fait part à sa mère de "coups" de la part de l'enseignante.

Que sait-on de cette enseignante ?  

Selon les informations de franceinfo, il s'agit d'une enseignante expérimentée, titulaire depuis vingt ans, dont la moitié passée dans cette école. Comme l'a précisé sur BFMTV Philippe Goujon, maire Les Républicains du 15e arrondissement, elle "connaît bien l'école, les parents, les élèves, et c'est une enseignante qui a une cinquantaine d'années", "qui [ne] se laisse pas emporter normalement par ses émotions".

Le rectorat confirme de son côté que le dossier de cette professeure est vide. L'avocate Vanessa Edberg affirme toutefois auprès de franceinfo que "d'autres mamans se sont rapprochées de moi pour me dire qu'à la faveur de cette histoire, les langues se sont déliées et que d'autres faits similaires auraient été rapportés". Selon elle, plusieurs parents de l'école envisagent ainsi de déposer plainte à leur tour.

"On essaye de ressortir une affaire ancienne" datant de 2012, dénonce de son côté auprès de franceinfo l'avocat de l'enseignante, Laurent Hazan. Selon ce dernier, sa cliente avait fait l'objet d'un signalement en 2012 pour des faits similaires dans la même école. "Je tiens à signaler qu'il n'y a jamais eu aucune enquête sur ces faits. Simplement un courrier de dénonciation au rectorat auquel il a été répondu. Point", ajoute-t-il.

S'agissant des faits du 5 septembre, l'enseignante est "en état de choc" et "regrette profondément son geste et a une pensée émue pour la jeune élève", affirme son avocat. Selon le rectorat, elle a immédiatement reconnu les faits, présenté ses excuses, et évoqué une classe surchargée – 26 élèves ce matin-là – dans une ambiance agitée.

Que risque-t-elle sur le plan professionnel et judiciaire ?

La ministre démissionnaire de l'Education, Nicole Belloubet, a annoncé dès lundi soir sur X avoir demandé "sans délai le lancement d'une procédure disciplinaire, avec une suspension immédiate de la professeure". L'enseignante doit être reçue dans les prochains jours par le rectorat. "J'ai signé ce [mardi] matin l'arrêté de suspension de cette enseignante, ce qui n'est pas une sanction mais une mesure de protection", a déclaré lors d'un point presse le recteur de l'académie de Paris, Bernard Beignier. L'enquête administrative ouverte "pourra conduire très certainement à un conseil de discipline, voire des sanctions qui vont du blâme à la révocation", a précisé le recteur.

Sur le plan judiciaire, les violences "n'ayant entraîné aucune incapacité de travail" sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises sur un mineur ou une personne vulnérable par une personne chargée d'une mission de service public, précise le Code pénal.

Comment va la fillette depuis ?

Selon sa mère, qui s'est confiée à France Télévisions, la petite fille est prostrée depuis quatre jours chez elle, terrifiée lorsqu'on lui parle de l'école. "Elle me dit : 'Non, je ne retourne pas dans cette école, elle est toujours là-bas la maîtresse'", rapporte-t-elle, assurant qu'elle ne fait pas la démarche de parler publiquement simplement pour sa fille. "Je parle pour les autres élèves de l'école." 

Une petite fille de 3 ans en petite section a été aspergée de spray et frappée par sa maîtresse le 3 septembre dernier. La famille de l'élève a porté plainte.
Enseignante accusée d'avoir frappé une élève de 3 ans : la famille de la fillette porte plainte Une petite fille de 3 ans en petite section a été aspergée de spray et frappée par sa maîtresse le 3 septembre dernier. La famille de l'élève a porté plainte. (France 2)

"La fillette a déjà vu un médecin, va en revoir un pour évaluer son ITT (incapacité temporaire de travail). Le premier médecin a évalué son préjudice psychologique à 'sévère', car la fillette ne regarde pas les autres dans les yeux ou en face et refuse de parler de la maîtresse", a de son côté détaillé l'avocate Vanessa Edberg auprès de l'AFP.

Comment réagissent les parents d'élèves ? 

Une cellule d'écoute a été mise en place pour les parents des élèves de l'école par la mairie du 15e arrondissement. Ceux qui ont vu la vidéo se disent stupéfaits. "Elle est toujours souriante, cette maîtresse. Je n'ai jamais remarqué qu'elle pouvait faire ça, je suis un peu choquée", témoigne une mère d'élève auprès de France Télévisions. "Ça aurait pu être ma fille", commente une autre, dont l'enfant est entrée en petite section dans la classe de l'enseignante suspendue. "J'ai déjà entendu que la maîtresse était un peu dure avec les autres enfants. Moi, je n'ai pas eu de problème. Mon fils a 11 ans aujourd'hui, il a été en petite section avec elle et tout s'est très bien passé. Mais ça m'a vraiment choquée et déçue surtout", poursuit-elle auprès de franceinfo

Interrogée par franceinfo, une Atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles) de l'école refuse d'abord de commenter : "C'est ma classe, mais pas de commentaire." Avant de confier n'avoir "jamais vu ça".

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