A Rosny-sous-Bois, un immeuble soufflé et un quartier bouleversé
Au lendemain de l'explosion qui a tué huit habitants en Seine-Saint-Denis, les proches des victimes leur ont rendu hommage, lundi, dans une ambiance lourde.
Ce matin, il a dû changer d'adresse pour avaler son café de 10 heures. Le facteur de l'avenue Jean-Jaurès avait pour habitude de faire halte au Bar du marché, qui a été soufflé par une explosion, dimanche 31 août, à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Au lendemain de l'accident, David, descendu de la selle de son vélo jaune, retient ses larmes et sirote un café au restaurant-bar l'Adega régional, quelques dizaines de mètres plus bas.
"C'était une crème", dit-il au sujet d'Alain, le patron du Bar du marché, qui avait repris ce commerce sans charme cinq ans plus tôt. "Il était très gentil, j'étais toujours bien accueilli." Le "grand brun grisonnant et assez costaud" a été retrouvé mort dans les décombres, comme sept autres habitants. David les connaissait "tous" et égrène leurs noms, surtout les retraités, à qui il pouvait remettre directement les recommandés quand il passait en milieu de matinée.
"Il n'y a plus rien", se lamente le facteur, à moitié absent. Il met fin à sa pause à 10h15, comme tous les jours, avant de poursuivre sa tournée "avec dégoût". Certaines enveloppes n'ont probablement plus de destinataires.
Des fenêtres fissurées à 150 m de l'explosion
A mi-chemin entre le marché couvert et la gare RER de Rosny-sous-Bois, le Bar du marché se situait au rez-de-chaussée de l'immeuble dévasté. Une des rares vitres intactes annonce encore un plat du jour à 8,50 euros et des sandwichs à 3 euros. A l'intérieur, les étagères du bar sont à la diagonale et les banquettes multicolores à la renverse.
Une extrémité de l'immeuble s'est effondrée, laissant apparaître l'intimité de foyers ordinaires, avec leur collection d'autocollants sur le frigidaire. Les pompiers, secondés par deux tractopelles, extraient des gravats des vêtements, un tableau encadré, un ordinateur portable ou encore une peluche du personnage de jeu vidéo Luigi. Au deuxième étage, un fauteuil blanc fait face au vide et un siège de toilettes n'est plus soutenu que par la canalisation, qui a mieux résisté que le sol de l'appartement.
"L'explosion a fissuré la vitre de mon salon", raconte Mekki, un coiffeur installé à 150 mètres des lieux du drame. "Le souffle a même ouvert les fenêtres chez une des voisines du dessus." La détonation a été entendue à des kilomètres de l'immeuble, réveillant, à 7h20, dimanche, un quartier aujourd'hui bouleversé.
Des fleurs, une bougie et un mot d'adieu
A 800 m des débris, un gymnase a été converti en chapelle ardente. Sur le parking, pendant que les familles se recueillent sur les premiers cercueils, voisins et amis affluent, en silence, sous le soleil. Un bouquet dans une main, un mouchoir blanc, serré nerveusement, dans l'autre. Un groupe de femmes entoure et embrasse un homme endeuillé. La présence des micros et des caméras, parfois envahissante, suscite la gêne de l'une d'elles, qui demande du "respect".
La rentrée des classes n'a lieu que le lendemain mais des collégiens se retrouvent, déjà, sans cartable ni euphorie. Quatre jeunes filles tiennent des fleurs, une bougie et un mot destiné à Yann, leur camarade retrouvé mort avec son frère.
Près de la grille où des policiers filtrent les entrées, Hugo, 14 ans, polo gris et chaussures de skate, fond en larmes en évoquant Yann, son "meilleur ami", qu'il connaissait depuis "plus de dix ans". "Il venait de rentrer de vacances et il m'avait proposé de passer chez lui, samedi, mais je n'y étais pas allé, raconte-t-il. Hier, quand j'ai appris qu'il y avait eu une explosion, j'ai pris mes rollers et j'ai vu que c'était son bâtiment. J'ai attendu toute la journée devant."
"S'il était allé chez Yann, il serait sans doute resté pour la nuit, comme il le faisait souvent", souligne sa mère, abritée derrière des lunettes de soleil. "J'espère que ça va lui faire du bien de lui dire au revoir."
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