Haut-Rhin : ce que l'on sait de la découverte de cinq bébés morts
Quatre cadavres de nouveau-nés en état de décomposition avancée avaient été retrouvés dans des sacs poubelles près de Mulhouse en 2003. Un cinquième corps a été retrouvé après l'interpellation d'une mère de famille.
Quatorze ans après la découverte de quatre corps de nouveau-nés dans une forêt près de Mulhouse, une mère de famille a été interpellée mardi à son domicile avec son conjoint. Cette Alsacienne de 53 ans a été mise en examen pour "homicides volontaires" sur ses enfants, a annoncé jeudi 30 novembre le procureur de Mulhouse (Haut-Rhin) lors d'une conférence de presse. Son compagnon a été remis en liberté. L'enquête avait été close en 2009 faute de preuves, mais une concordance ADN relevée lors d'une bagarre entre voisins en 2013 a permis de relancer les investigations. Sylvie H. encourt la réclusion à perpétuité. Voici ce que l'on sait de cette affaire.
En 2003, quatre cadavres de bébés sont découverts dans la forêt
La découverte des corps remonte au 21 octobre 2003. Philippe Gava, un habitant de la région, découvre trois sacs plastique dissimulés sous des ronces sur une parcelle de la forêt de Galfingue qu'il vient de débroussailler, rappelle France 3 Grand Est. A l'intérieur des sacs, l'homme retrouve des restes humains décomposés, des ossements, un placenta et du linge tâché de sang. Des cordelettes pendent autour du cou de certains nourrissons. L'un d'entre eux a le cordon ombilical arraché, décrit France Bleu Alsace.
Les gendarmes procèdent à des relevés et prélèvements ADN. Les premiers résultats montrent qu'il s'agit de trois filles et d'un garçon. Au moins trois d’entre eux sont issus de la même mère et du même père. Les analyses montrent que les enfants étaient viables à la naissance et que certains ont été tués par strangulation.
Très isolée, la parcelle n'a pas été fréquentée depuis plusieurs mois et la date de la mort des enfants ne peut pas être établie, précise France 3. "L'état de
décomposition avancée des corps n'a pas permis de déterminer quand ils ont été tués et encore moins quand ils ont été déposés à cet endroit", explique le procureur de la République de Mulhouse de l'époque, Régis Delorme, cité par Le Parisien. Au terme de l'enquête en flagrance, une information judiciaire contre X pour "homicides volontaires" est ouverte.
En 2009, l'enquête est close faute de preuves
Une cellule d’enquête spéciale est créée et nommée Infanticide 68. Les enquêteurs explorent toutes les pistes : mouvement sectaire, réseau de prostitution, IVG réalisées illégalement... Mais chaque piste est finalement écartée, raconte France 3 Grand Est. Les enquêteurs procèdent à de nombreuses auditions et enquêtes de voisinage.
L’ADN de plus de 300 personnes de la région est relevé, il est même envisagé de mener une opération de prélèvement auprès de 6 000 habitants de la région, mais l’idée est abandonnée. Les analyses permettent de déterminer un profil génétique pour les parents, mais aucune correspondance n'est trouvée dans le fichier national des empreintes génétiques, reprend France Bleu Alsace.
Les investigations ne donnant rien, la cellule d'investigation est fermée en 2005. Un non lieu est prononcé le 4 février 2009 par un juge d'instruction.
En 2016, Sylvie H. est impliquée dans une affaire de voisinage
Cinq ans plus tard, en 2013, Thierry Moser, avocat de l’association Enfance majuscule, partie civile dans cette affaire, demande au procureur de la république de rouvrir une information judiciaire, considérant que les progrès de la science peuvent permettre de découvrir des correspondances aux ADN retrouvés dans la forêt à ceux intégrés au FNAEG, le fichier national des empreintes génétiques. En avril 2016, un nouveau juge d'instruction est saisi.
En septembre 2016, la gendarmerie de Mulhouse est appelée "sur une affaire de violences entre voisins dans la commune du Petit-Landau et qui implique cette dame [Sylvie H.], son concubin et leur fils, à l'époque âgé de 31 ans", révèle le procureur de Mulhouse, Dominique Alzeari, jeudi 30 novembre. Une enquête est menée et l'empreinte génétique des suspects est prélevée.
En 2017, l'ADN de la mère est confondu...
En octobre 2017, ces trois prévenus sont condamnés pour "violence volontaires" et font appel de la décision. Surtout, l'enquête permet de confondre l'ADN de la quinquagénaire avec celui retrouvé dans les sacs plastique en 2003, remarque L'Alsace. Les enquêteurs arrêtent le couple mardi 28 novembre. "Ils ont été placés en garde à vue, et la suspecte a été déferrée et mise en examen", précise le procureur de Mulhouse. Lors des perquisitions effectuées au domicile du couple à Petit-Landau (Haut-Rhin), les enquêteurs découvrent un autre corps. "A l'état, les analyses médico-légales montrent qu'il s'agit encore du meurtre d'un petit corps", détaille Dominique Alzeari, procureur de Mulhouse.
Le couple est parent de trois enfants et aucun d'entre eux n'aurait été au courant de ces meurtres. Selon le procureur, "le père, le fils et les autres enfants n'étaient absolument pas informés de ce qui s'est passé. Les grossesses ont toutes été dissimulées". Les accouchements ont eu lieu au domicile de la mère, sans personne présent. Les faits se sont déroulés durant une dizaine d'années, du début des années 1990 à 2003.
... et Sylvie H. avoue les meurtres
Sylvie H. précise lors de son interrogatoire qu'elle "a agi seule" et raconte avoir "elle-même transporté" ses enfants "dans des sacs, dans les lieux où ils ont été découverts". Chacune de ses grossesses est arrivée à terme. L'Alsacienne n'a jamais parlé à son entourage. "Elle ne voulait pas ses enfants, elle ne vivait pas ses maternités", décrit le procureur.
Lorsque les gendarmes sont venus l’interpeller mardi, la quinquagénaire "a tout de suite compris pourquoi on venait la chercher" et sa déclaration a été "presque comme une délivrance", rapportent Les Dernières nouvelles d'Alsace. Elle a reconnu "l'intégralité de ces faits d'homicides sur ses enfants qui venaient de naître". Sylvie H. doit prochainement comparaître devant un juge des libertés et de la détention qui statuera sur son éventuel placement en détention.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.