: Infographies Des incendies plus intenses et plus étendus... Les forêts françaises souffrent déjà des effets du dérèglement climatique
Les conditions climatiques favorisent les départs de feux. Les bassins aquitain et méditerranéen ne sont plus les seuls exposés.
Des flammes et de la végétation calcinée le long de la route des vacances, de la fumée dans le ciel bleu azur, des Canadair qui siphonnent la mer tout près des plages... Chaque été, les feux de forêt font rage. Lundi 16 août, c'est à Gonfaron (Var) qu'un incendie s'est déclaré, brûlant plusieurs milliers d'hectares en quelques heures. Ce spectacle est devenu presque habituel. En 2019, "15 000 hectares de forêt ont brûlé en France, soit l'équivalent de 21 000 terrains de football", rappelle le ministère de la Transition écologique, qui a lancé début juin une campagne de prévention pour limiter le risque d'incendies.
Ce chiffre alarmant pourrait bien encore grimper à cause du dérèglement climatique. Baisse de la pluviométrie, sécheresses plus fréquentes, canicules à répétition... "Des températures plus élevées favorisent la transpiration des plantes et la diminution de l'eau contenue dans les sols. La végétation s'asséchant, le risque de départ de feu est plus fort", avertit Météo France.
Une augmentation du risque de départ de feu
D'après les scénarios de l'institut, "les conditions de l'été 2003 se retrouveront une année sur quatre en 2040 et une année sur deux en 2060", alertait un rapport réalisé en 2010. Une prévision confirmée par le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Selon le document, notre pays va connaître plus de conditions météorologiques propices aux feux au fil du XXIe siècle, tout particulièrement le pourtour méditerranéen.
Depuis les années 1980, l'indice forêt météo (IFM), qui évalue le risque météorologique de feux de forêts et trouve écho dans le nombre de départs réels, a déjà "augmenté de 18% entre la période 1961-1980 et la période 1989-2008", rapporte Météo France. Depuis 2006, date à laquelle les données ont commencé à être regroupées dans la base de données sur les incendies de forêts en France (BDIFF), le nombre de feux annuels a certes peu évolué. Mais c'est en partie grâce à l'amélioration des moyens de lutte contre les incendies. On peut en revanche noter que la surface brûlée a, elle, augmenté, jusqu'à atteindre plus de 23 000 hectares brûlés en 2017.
Les scientifiques observent aussi l'évolution préoccupante de la "sensibilité feu météorologique", c'est-à-dire du risque de voir un incendie se déclencher en raison uniquement de la météo et non de la main de l'homme. Sur les soixante dernières années, avec des étés plus chauds et une diminution des précipitations, ils constatent une "augmentation de la sensibilité feu météorologique, à la fois en intensité moyenne, mais aussi en augmentation du nombre des jours de sensibilité", explique à franceinfo Mathieu Regimbeau, ingénieur en agrométéorologie et feux de forêt chez Météo France.
Des incendies qui remontent vers le Nord
Les incendies sont non seulement plus intenses, mais ils touchent aussi une zone plus étendue, comme le montre la carte animée ci-dessous. Si, d'ordinaire, les territoires les plus touchés se trouvent dans le Sud-Ouest avec le massif aquitain et dans le Sud-Est avec les forêts méditerranéennes, le risque incendie remonte petit à petit vers le Nord. Le nombre de départs de feux s'y est accru au cours des dernières années. Alors qu'on comptait 290 incendies en 2006, 162 en 2007 ou encore 210 en 2008 en dehors des deux zones habituées aux incendies, il y en a eu 585 en 2017, 378 en 2018 – année particulièrement pluvieuse, comme le soulignait Le Figaro – et 737 en 2019.
On remarque une "remontée de la sensibilité feu météorologique sur des territoires qui n'étaient historiquement pas concernés. En dehors des zones Sud et Sud-Ouest, on a pu notamment constater des feux de végétation sur l'ensemble du territoire métropolitain durant les dernières campagnes 2019 et 2020", rapporte Mathieu Regimbeau. Si les "surfaces sensibles représentent actuellement environ un tiers des surfaces forestières métropolitaines", elles "pourraient augmenter de 30% à l'échéance 2040", alerte encore Météo France.
Les experts craignent aussi que la saison propice aux incendies ne dure plus longtemps à l'avenir. Les premiers feux pourraient ainsi se déclarer au début du printemps et se prolonger jusqu'à l'automne. Pour Mathieu Regimbeau, le changement se fait même déjà ressentir : "Ces dernières années, [il y a eu] des démarrages de saisons feux plus précoces au printemps et des fins plus tardives jusqu'à fin septembre, mi-octobre."
Des forêts qui pourraient ne pas se régénérer
Face à ce risque accru, la forêt française pourrait en être durablement altérée. "L'augmentation de grands feux, entraînant une grande répétition du passage des incendies sur de courtes périodes (tous les dix à vingt ans), pourrait entraîner de fortes régressions des peuplements forestiers dans les régions les plus exposées", signale une communication du ministère de la Transition écologique (PDF).
La campagne de prévention actuelle invite donc à proscrire tout comportement dangereux aux abords des forêts, à l'origine de neuf départs de feu sur dix. Plus largement, le Plan national d'adaptation au changement climatique fait de la lutte contre les feux de forêts l'un de ses axes forts : "L'Etat et les établissements publics veilleront à ce que la gestion forestière soit adaptée progressivement à l'accroissement prévisible des risques d'incendies en termes de fréquence d'occurrences et de surfaces concernées, tant en métropole que dans l'outre-mer."
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