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"Pourquoi n'a-t-on pas pu éviter la catastrophe ?" : après 34 morts dans des incendies en Algérie, des voix s'élèvent contre les autorités "débordées"

Le dôme de chaleur plane toujours sur la Méditerrannée et touche de manière particulièrement violente le Maghreb. Ces derniers jours, l'Algérie et la Tunisie sont victimes de gros incendies et enregistrent des températures frôlant les 50 degrés à l'ombre.
Article rédigé par franceinfo, Christian Chesnot - Gwendal Lavina
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un feu de forêt près de la ville de Melloula, au nord ouest de la Tunisie, à la frontière avec l'Algérie, le 24 juillet dernier. (FETHI BELAID / AFP)

Tout le Maghreb suffoque ces derniers jours, touché par un dôme de chaleur particulièrement intense. En plus de températures bien supérieures aux normales de saison, la Tunisie et l'Algérie sont confrontés à de graves incendies. Ces derniers jours, au moins 34 personnes sont mortes dans des feux, dont 10 militaires qui venaient en aide à des habitants. Selon le ministère de l'Intérieur algérien, ils se sont retrouvés encerclés par les flammes à Beni Ksila, sur la côte méditerrannéenne. 

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En deux jours, Alger a enregistré 97 départs de feu sur son territoire. Selon la protection civile, il ne resterait plus que 13 foyers actifs : le porte-parole s'est montré rassurant et espère annoncer prochainement leur extinction complète. "La protection civile a pu éteindre la majorité des incendies, soit 80%, après une mobilisation ininterrompue durant la nuit de lundi à mardi", a précisé le ministère de l'Intérieur dans un communiqué, mardi 25 juillet. 

Les incendies les plus violents touchent actuellement le nord-est de l'Algérie, notamment en Kabylie. À cause des vents forts, les feux ont atteint par endroits des zones d'habitation, où 1 500 personnes ont dû être évacuées. Jusqu'à 8 000 agents de la protection civile et 525 camions étaient à pied d'œuvre, mardi 24 juillet.

Des Canadair... qui n'arrivent pas

Des images de médias locaux ont montré des champs et des maquis en feu, des voitures calcinées et des devantures de magasins réduites en cendres. Des stations balnéaires du littoral prisées des estivants ont également été détruites par les flammes. Les villages touchés, dont une bonne partie situés dans la région montagneuse de Kabylie, sont très boisés et soumis depuis des semaines à une intense canicule qui a asséché la végétation, rendue vulnérable au moindre départ de feu. 

Si les incendies sont malheureusement devenus un feuilleton dramatique chaque été en Algérie, cette année, ils sont particulièrement violents et les forêts facilement inflammables, tant elles sont polluées et peu entretenues. Sur place, la population subit les conséquences de ces incendies et de ces chaleurs suffocantes et dénonce des autorités "débordées". "Au regard de toutes ces mesures, pourquoi n'a-t-on pas pu éviter la catastrophe ?", s'interroge mardi le site d'information TSA, se demandant "ce qui empêche l'acquisition de canadair, en nombre suffisant", pourquoi "les villages en lisière de forêt ne sont-ils pas suffisamment protégés", "qui est responsable de la déforestation" et quelles sont "les responsabilités des habitants et des autorités locales".

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Et puis, il y a aussi un manque de moyens aériens : Alger avait pourtant sonné la mobilisation générale dès le printemps dernier en se procurant des bombardiers d'eau, dont six loués en Amérique du Sud. Elles avaient aussi passé des commandes de canadair à la Russie, mais ces derniers ne sont jamais arrivés à cause de la guerre en Ukraine. Les autorités avaient aussi aménagé des aires d'atterrissage d'hélicoptères dans 10 préfectures et mobilisé des drones de fabrication locale pour la prévention des incendies. "C'est l'éternel polémique. On se demande toujours pourquoi les autorités n'ont pas de Canadair, alors que les moyens financiers existent", regrette le journaliste Karim Kébir. Il y a également une forme d'incurie des autorités algériennes sur des mesures préventives, comme le creusement de fossés antifeu dans les zones à risques ou le débrouissaillage des forêts et leur entretien régulier.

Une situation invivable pour les habitants 

Si les incendies sont si violents, c'est aussi à cause de la chaleur, étouffante, qui assèche la végétation. Poussés par le vent, ces incendies se sont ensuite propagés à la Tunisie voisine. Dans la station balnéaire de Tabarka, à la frontière algéro-tunisienne, Mongi Zaouwi, patron d'un club de plongée, a dû mettre ses bateaux à disposition pour évacuer les touristes. "Les gens étaient entre le marteau et l'enclume, entre le feu et la mer", raconte Mongi. Le gérant assure que c’est la première qu'il en arrive à cette situation, où il se retrouve à aider la population. Des scènes identiques ont été partagées sur les réseaux sociaux : des habitants ont dormi sur des plages. 

En Tunisie, les températures enregistrées sont supérieures de six à dix degrés aux normales de saison. Lundi matin, dans le centre de Tunis, le mercure est grimpé jusqu'à 49 degrés à l'ombre, et même jusqu'à 56 degrés en plein soleil à la mi-journée avenue Bourguiba selon un écran de pharmacie. En Algérie voisine, la situation est similaire. Les autorités locales ont placé cinq préfectures en "vigilance orange" canicule. Dans ces zones, le mercure atteint les 48°C.

En plus de l'air irrespirable, la vie quotidienne est devenue infernale pour la population. Plusieurs Tunisiens expliquent sur les réseaux sociaux que l'eau qui coule lorsqu'ils ouvrent leur robinet est chaude : les tuyaux qui alimentent les logements sont souvent exposés au soleil ou enterrés très peu profondément. 

De nombreuses coupures de courant sont aussi rapportées. Toujours en Tunisie, la compagnie publique d'électricité a mis en place des délestages pour préserver la performance du réseau. Ces coupures d'une durée de 30 minutes à une heure sont vitales pour éviter une surchauffe. En Algérie, il y a également des délestages depuis plusieurs jours maintenant. La situation devrait toutefois s'améliorer puisque les températures vont redescendre à des températures habituelles pour un mois de juillet, autour de 39° tout de même.

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