Comment truquer un match sans se faire prendre?
Il existe quelques techniques qui ont fait leurs preuves…
HANDBALL - PARIS SUSPECTS – Dans le film Les Seigneurs, le patron d'un petit club de foot à la dérive parie la trésorerie du club sur la défaite de son équipe, qui affronte l'OM en Coupe de France. Coup de chance : son équipe fait un match fantastique, mais s'incline finalement aux tirs au but. Son club est sauvé, la morale moins. Toute ressemblance avec une affaire de paris suspects qui agite le monde du handball est purement fortuite. Et pourtant, depuis une dizaine d'années, une littérature abondante a été écrite sur le sujet. Le B.A.-BA du pari truqué, c'est de…
Parier contre son équipe
La règle de base pour truquer un match et connaître son résultat à l'avance pour miser en toute sécurité, c'est de mettre le moins de personnes possible dans la confidence. L'idéal, c'est un sport individuel, comme le tennis ou la boxe. Dans le cas des sports collectifs, le journaliste Declan Hill, dans son livre Comment truquer un match de foot, a mis en évidence qu'il faut corrompre au moins trois joueurs pour assurer la défaite d'une équipe : le gardien, un défenseur central et un attaquant, encadrés par un parieur professionnel.
Ce type de truquage n'est pas vieux comme le monde, mais presque. Le premier scandale mondial de matchs arrangés, le truquage des World Series de baseball par les White Sox de Chicago en 1919, fonctionnait sur ce modèle. Faire exprès de perdre est extrêmement difficile à prouver. Souvent, les rencontres de haut niveau se jouent sur quelques détails. Et c'est beaucoup plus discret que d'acheter l'arbitre : Declan Hill montre dans son livre qu'il y a deux fois plus de penalties sifflés dans les matchs où l'arbitre a reçu une enveloppe que lors des parties où seuls des joueurs sont dans la confidence.
Faire attention aux sommes mises en jeu
Il y a deux façons de repérer les mises suspectes : quand le total des paris dépasse les sommes pariées habituellement sur un match, et quand l'origine géographique des paris est inhabituelle. Parier de grosses sommes sur un marché, le foot par exemple, où on parie beaucoup ne se voit pas. Le handball n'attire que 2% des mises des parieurs français, et l'équipe de France concentre le gros des mises. Quand on parie 80 000 euros sur un match de handball où les mises avoisinent plutôt 2 000 ou 3 000 euros par rencontre, comment espérer passer inaperçu ? En plus, d'après le procureur de Montpellier, 99,94% des paris allaient en faveur d'une victoire de Cesson, l'outsider de la rencontre, alors que géographiquement, le gros des mises a été effectué dans la région de Montpellier.
Sans parler du fait que certains parieurs ont misé jusqu'à 15 000 euros via 150 bulletins de 100 euros, la somme maximale proposée sur un pari par la Française des Jeux. La base, quand on mise beaucoup sur une rencontre dont on connaît le résultat, est d'avoir recours à des "barbes", le surnom des intermédiaires chargés d'aller parier à votre place. Dans l'Angleterre du XIXe siècle, les parieurs indélicats mettaient une fausse barbe pour revenir incognito chez le bookmaker. La technique a changé, mais l'idée reste la même.
Choisir un match déséquilibré
Quitte à parier sur la défaite de son équipe, autant le faire pour un match qu'elle n'a aucune chance de gagner, écrivent trois chercheurs britanniques de l'université de Salford qui ont publié un rapport (PDF en anglais) sur les paris sportifs en 2008. Lors du scandale du match de cricket arrangé entre l'Angleterre et l'Afrique du Sud, en 2000, le capitaine sud-africain Hansie Cronje a reconnu avoir manqué des points exprès, pour précipiter la défaite de son équipe, déjà pas favorite. "J'ai touché de l'argent pour trois fois rien", s'est-il défendu ensuite. N'empêche, il a été suspendu à vie, avant de disparaître dans un accident d'avion considéré comme louche par la police, note le Guardian (lien en anglais).
Le Cesson-Montpellier-par-lequel-le-scandale-est-arrivé ne fait pas partie des matchs où le fan moyen s'attend à une défaite héraultaise. Au détail près qu'il intervient en fin de saison. "Quand un match a une grande importance pour une équipe, et pas du tout pour une autre, la différence de motivation est susceptible d'influencer grandement le résultat", peut-on lire dans une étude de l'université de Swansea sur les résultats sportifs improbables (PDF en anglais, p. 7). A lire leur démonstration, considérer que Cesson, luttant pour son maintien, allait l'emporter sur un Montpellier démobilisé, déjà champion, et battu par Nîmes deux semaines plus tôt, n'avait rien d'illogique. Mais l'importance des paris sur la victoire de Cesson a déséquilibré la cote du match, et a mis la puce à l'oreille de la Française des Jeux.
Eviter de passer par le réseau légal
Morale de l'histoire : même si la ministre des Sports, Valérie Fourneyron, annonce un renforcement du contrôle des paris sportifs dans une prochaine loi, le système d'alerte et de traçabilité des paris a fonctionné. "Cette affaire est la preuve que le système de contrôle des paris fonctionne bien", estime Antoine Meunier, du site spécialisé Ruedesjoueurs.com. L'Etat a accès aux bases de données de tous les organismes de paris et peut effectuer des croisements pour déterminer qui a parié sur tel résultat.
Dans ces conditions, le tricheur n'a plus qu'à tenter sa chance sur un site illégal pour tenter de passer à travers les mailles du filet, même si des sociétés comme Betradar scannent le marché mondial. En février, l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) tirait dans La Tribune la sonnette d'alarme face au retour de parieurs de plus en plus nombreux sur les sites illégaux, plus lucratifs et où on peut parier sur des faits de jeu (premier but, premier carton jaune…) sans conséquence sportive, ce qui est interdit en France.
Pas étonnant que l'adjoint aux sports de Montpellier ait qualifié les handballeurs de "pieds nickelés", "si les faits sont avérés".
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