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"Ce sont à nouveau des cauchemars, de l'angoisse", confie une patiente de l'un des deux dentistes marseillais jugés en appel pour des mutilations dentaires

Deux dentistes ont été condamnés en première instance à huit et cinq ans de prison pour avoir dévitalisé près de 4 000 dents saines. Leur procès en appel s'ouvre ce jeudi.
Article rédigé par Hugo Charpentier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Les anciens dentistes Lionel et Jean-Claude Guedj, lors de leur procès en septembre 2022, devant le tribunal judiciaire de Marseille. (FRANCK PENNANT / MAXPPP)

L'affaire des mutilations dentaires de Marseille est rejugée en appel à partir de ce jeudi 25 mai. En première instance, ils ont été reconnus coupables de violences volontaires ayant entraîné des mutilations sur quelque 320 patients, d'escroquerie au préjudice de la Sécurité sociale et de complicité de faux et d'usage de faux. Les anciens dentistes, Lionel Guedj et son père, avaient alors été condamnés en septembre dernier à de lourdes peines : huit et cinq ans d'emprisonnement respectivement. 

>> Marseille : deux dentistes jugés pour des mutilations sur 322 patients

Les prévenus espèrent une décision plus clémente de la cour d'appel d'Aix-en-Provence à l'occasion de ce nouveau procès qui s'annonce encore une fois hors norme. En raison du grand nombre de parties civiles, la cour d'appel d'Aix-en-Provence se délocalise : les audiences vont se dérouler au tribunal judiciaire de Marseille qui dispose d'une salle pouvant recevoir 400 personnes. 

Revivre ce procès, c'est une épreuve pour les victimes comme Zohra qui, après être passée entre les mains du docteur Guedj, avait perdu 17 de ses dents, dévitalisées sans aucune justification : "Ce sont à nouveau des cauchemars, de l'angoisse. Je ne tiens plus debout. Je suis sous traitement antidépresseur, c'est très éprouvant. Je sais que n'importe quel être humain a le droit de faire appel, c'est comme cela donc j'essaie de me préparer comme je peux mentalement à revivre cela. Cela fait mal, mais j'ai besoin de cela", explique-t-elle. 

Des patients des quartiers défavorisés de Marseille

Au total, 3 900 dents saines ont été dévitalisées dans la bouche de plus de 300 patients originaires des quartiers pauvres de la cité phocéenne. Dans son jugement de 857 pages, le tribunal correctionnel avait pointé un système mis en place par Lionel Guedj et son père dans un seul but mercantile. Pour Me Lionel Febbraro, l'un des avocats des parties civiles, il n'y aucune ambiguïté : "Il me paraît indéniable que cet homme a mutilé ces gens. Qu'il ait du mal à l'accepter, c'est quelque chose d'assez humain, mais pour moi, la cause est entendue".

"Le jugement est extrêmement motivé, mais le dossier est extrêmement fourni"

Me Lionel Febbraro, l'un des avocats des parties civiles

à franceinfo

"Au-delà de la condamnation par la justice, M. Guedj est surtout face au jugement de ses pairs. Il y a quand même un défilé d'experts qui condamnent ces pratiques et qui considèrent qu'il s'agit de mutilations, d'actes non-nécessaires donc c'est sans appel si j'ose dire", estime cet avocat. 

"Nous contestons formellement les faits de violences volontaires"

En 2010, le docteur Guedj était devenu le dentiste le mieux rémunéré de France. Il s'offrait alors des villas, des yachts, des voitures de luxe et des œuvres d'art. Aujourd'hui, son avocat, Me Julien Pinelli ne conteste pas les faits, mais réfute le caractère intentionnel. "Mon client ne conteste pas avoir pu se rendre coupable de quelques négligences au cours de son exercice. Je ne pense pas qu'il n'existe aucun dentiste qui puisse se prévaloir d'être infaillible. Ce n'est pas le cas de mon client qui est parfaitement lucide sur ce point. En revanche, nous contestons formellement la prévention qui pèse aujourd'hui sur lui, à savoir des faits de violences volontaires"

Actuellement en détention, Lionel Guedj va comparaître dans le box des détenus. Ce n'est pas le cas de son père qui a été libéré en mars dernier, dans l'attente de ce procès en appel qui doit durer jusqu'au 30 juin. L'audience doit démarrer ce jeudi 25 mai, dès 13h30.

Le reportage d'Hugo Charpentier

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