"Disparues de Perpignan" : Jacques Rançon, le prédateur sexuel qui a échappé à la police pendant seize ans
L'homme de 55 ans vient de reconnaître le meurtre de Marie-Hélène Gonzales, quelques mois après avoir avoué celui de Mokhtaria Chaïb. L'épilogue d'une affaire qui avait créé une psychose à Perpignan en 1998.
Jacques Rançon n'était qu'un suspect parmi une centaine d'autres dans l'enquête sur les "disparues de Perpignan", en 1998. A l'époque, après vérification, les policiers n'ont retenu aucune charge contre lui.
Dix-sept ans après les faits, ce magasinier au chômage de 55 ans a avoué les meurtres de deux des trois victimes du dossier, à quelques mois d'écart. Il a été mis en examen, mercredi 10 juin, pour avoir tué Marie-Hélène Gonzales. Francetv info revient sur le parcours et la personnalité de cet homme décrit par la partie civile comme un "prédateur sexuel".
Une famille "nombreuse et très modeste"
Jacques Rançon a grandi à Hailles, un village d'environ 500 habitants situé au sud d'Amiens (Somme). Fils de manœuvre et de femme au foyer, il a été élevé dans une famille "nombreuse et très modeste" qui vivait dans une "vieille baraque", se rappelle l'ancien maire de la commune, Jacques Van Oostende, dans une interview au Courrier Picard publiée à l'automne 2014. "Il a fait sa scolarité ici, jusqu’à son entrée au collège, puis la famille est partie vers Moreuil", une petite ville voisine, précise-t-il.
La famille était si pauvre que "leur propriétaire ne leur demandait plus de loyer", poursuit l'ancien élu. "Il voulait juste qu’ils s’en aillent." Pour autant, Jacques Rançon "n'a pas eu une enfance malheureuse", nuance son avocat, Xavier Capelet, à la même époque. Peut-être est-ce parce qu'il est resté avec ses parents alors que tous ses frères et sœurs ont été placés en famille d'accueil.
Prédateur dès l'adolescence
Le parcours criminel de Jacques Rançon commence très tôt. A 14 ans, en 1974, le dernier de la fratrie compte déjà une agression à son actif. Un samedi, il attaque Marie-Line, 15 ans. "Alors que je longeais un petit bois, un homme a surgi, m’a fait tomber et a tenté de m’étrangler. Il était déjà balaise ", raconte-t-elle à Paris-Match. Les cris de l'adolescente attirent l'attention d'une voisine. Jacques Rançon tente de prendre la fuite, mais il est rattrapé par le père de la victime qui lui met "une bonne raclée". Le jeune agresseur est traîné chez les gendarmes, mais il n'est pas inquiété : la famille de la victime ne porte pas plainte.
Jacques Rançon continue de jouer de sa carrure. A 16 ans, il est videur dans des bals de villages pour se faire un peu d'argent. C'est également à partir de cette année-là qu'il travaille à l'usine de chaussettes Kindy. Il est licencié en 1981. D'après le magazine, il a été mis à pied après avoir cambriolé le bureau du comptable.
Violences conjugales et viol
Les années passent et Jacques Rançon finit par retrouver un emploi. En 1988, il devient responsable de la surveillance des entrepôts Gedis, à la coop de Moreuil. La même année, il emménage avec une femme. Leur adresse devient connue des pompiers qui doivent souvent s'y rendre à cause des coups répétés que Jacques Rançon porte à sa compagne, toujours d'après Paris-Match. L'histoire d'amour tourne court. Après avoir accouché, la jeune femme quitte Jacques Rançon et ne le laisse pas reconnaître l'enfant. Cet épisode n'empêche pas l'homme de se marier avec une autre femme, dans son village natal, quelques années plus tard. Il a deux enfants, aujourd'hui majeurs.
La première agression pour laquelle Jacques Rançon est condamné date de 1992, année de la mort de sa mère, précise France 3 Picardie. Il a 32 ans. Un jour, il prend en filature une secrétaire de 20 ans qui sort de discothèque et rentre chez elle en voiture. Il lui fait une queue de poisson, ce qui oblige la jeune femme à s'arrêter. Il monte alors dans son véhicule, la menace avec un couteau et l'emmène sur un petit chemin isolé. Il la viole, lui dérobe de l'argent et la laisse partir. Incarcéré dès 1992, Jacques Rançon est condamné deux ans plus tard par la Cour d'assises d'Amiens à huit ans de prison. Il est libéré en septembre 1997.
Meurtres et mutilations méthodiques
Pour se faire oublier, il quitte sa région natale et s'installe à l'autre bout de la France, à Perpignan (Pyrénées-Orientales). Il se fait embaucher comme magasinier au marché Saint-Charles. Il vit alors dans une "chambre miteuse d’un hôtel tout près de la gare", précise Libération. Quelques mois plus tard, le 20 décembre, le cadavre de Mokhtaria Chaïb, une étudiante en sociologie de 19 ans, est retrouvée sans vie près de la gare de Perpignan. Son corps est atrocement mutilé : ses organes sexuels et ses seins ont été prélevés, et le corps a été vidé de son sang.
Selon le médecin légiste, il a fallu entre une heure trente et deux heures pour mutiler le corps de cette façon.
"L'opération a été faite avec des outils de chirurgien", rappelle Le Parisien-Aujourd'hui en France, en 2002, citant un policier. Il faut attendre octobre 2014 pour que Jacques Rançon avoue être l'auteur de ce crime. "Il reconnaît les mutilations, mais il ne les explique pas. Il est confus", indique alors une source judiciaire au quotidien régional Midi Libre.
Les autorités et la population ne s'inquiètent pas particulièrement après cette première découverte macabre, en 1998. A tel point qu'une autre violente agression, près de la gare, le 9 mai, n'interpelle pas les policiers. Pourtant, la victime, qui avait alors 19 ans, a échappé à la mort in extremis, comme elle l'a raconté en mars 2015 au Parisien/Aujourd'hui en France. Une attaque que Jacques Rançon reconnaît finalement en juin 2015 et pour laquelle il est mis en examen.
Mais à l'époque, l'homme demeure impuni après ces méfaits. Le corps de Marie-Hélène Gonzales, 22 ans, est découvert le 26 juin 1998 après avoir disparu près de la gare de Perpignan. Comme dans le cas de Mokhtaria Chaïb, les parties génitales de la jeune femme ont été prélevées. Mais ce n'est pas tout : la victime est décapitée et amputée de ses mains. C'est ce meurtre que Jacques Rançon avoue le 9 juin 2015.
En 1998, la nouvelle découverte met en alerte les autorités et affole les habitants de l'agglomération. Le quartier de la gare est évité par les jeunes femmes.
Il frappe sa nouvelle concubine
Une grande enquête est lancée en 1998. Jacques Rançon fait partie d'une centaine de suspects. Son domicile est perquisitionné, mais l'homme n'est pas inquiété davantage. On ignore ce qu'il a fait et où il était dans les années qui suivent. Une chose est certaine : en 2005, à Perpignan, il rencontre une adolescente, Marie, alors âgée de 16 ans. Il lui cache ses crimes et les deux amants se pacsent. Ensemble, ils ont deux enfants, qui ont aujourd'hui 4 et 7 ans. Sur Facebook, Jacques Rançon se montre en photos avec eux.
Il a toujours un lien particulier avec le quartier de la gare de Perpignan. C'est ce que suggère un détail révélé par son ex-compagne, Marie : "Il partait la nuit, on se demandait ce qu'il faisait. On n'a jamais su, à part soi-disant, faire le tour de la gare. C'était son lieu favori, c'est toujours l'endroit qu'il a préféré."
Après sept années de vie commune, Marie le quitte. Elle affirme que Jacques Rançon la battait. "Il m'a menti, menacée, rabaissée, frappée", témoigne-t-elle auprès de RTL en octobre 2014. L'homme ne supporte pas la rupture et tente de la tuer.
Il a voulu nous écraser et il m'a suivi dans la rue avec un couteau
Elle porte plainte contre lui en 2013. Jacques Rançon écope finalement d'un an de prison pour menaces de mort sur son ex-concubine. Il sort en juillet 2014 et gagne sa vie tant bien que mal en étant cariste-magasiner en intérim. Sans le sou et sans domicile fixe, il se met à fréquenter le Samu social et les hôtels bon marché.
C'est la plainte de Marie qui a finalement permis aux enquêteurs des "disparues de Perpignan" d'arrêter Jacques Rançon, dix-sept ans après les faits. Pendant la procédure lancée après la plainte de Marie, l’ADN de Jacques Rançon est enregistré au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg). De son côté, la police scientifique parvient à prélever un ADN masculin partiel sur une chaussure de Mokhtaria Chaïb. L'ADN étant exploitable, les policiers lancent une recherche dans leurs fichiers, dont le Fnaeg. En octobre 2014, Jacques Rançon est confondu.
"Il a envie de solder un certain nombre de choses"
Xavier Capelet, avocat de Jacques Rançon, demande une prise en charge psychiatrique de son client, en octobre 2014, lorsque ce dernier avoue le premier meurtre. Il évoque un état mental "fragile" : "Il a clairement un aspect pathologique, qui n'a pas été pris en charge, et il faudra savoir pourquoi", explique-t-il au Midi Libre.
A la suite des derniers aveux de son client, il émet une hypothèse pour expliquer sa sortie du silence : "Je crois qu'il a envie de solder un certain nombre de choses. Il est fatigué, il vient de passer plusieurs mois à l'isolement en prison, ça lui a permis peut-être de réfléchir. C'est pour ces raisons-là, je suppose, qu'il a souhaité s'expliquer."
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