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Le chanteur marocain Saad Lamjarred jugé pour viol à Paris

Son nom est peu connu en France mais il est une icône de la pop music dans tout le Moyen-Orient. Le chanteur marocain Saad Lamjarred est jugé devant la cour d’assises de Paris pour viol aggravé. Les faits remontent à 2016.
Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
Saad Lamjarred sur scène à Carthage (Tunisie) le 31 juillet 2016 (FETHI BELAID / AFP)

Une silhouette très entretenue, des vêtements impeccablement taillés, un sourire éclatant dont il semble rarement se départir, Saad Lamjarred apparaît se déhanchant dans la plupart de ses clips. La recette de son succès, depuis sa participation remarquée au plus grand télé-crochet de la télé libanaise en 2007 ? Une allure soignée donc, mais aussi des paroles sucrées parlant de séduction, et des rythmes orientaux modernisés qui donnent envie de bouger.

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Malgré ses déboires judiciaires, la pop star marocaine continue de multiplier les succès. Issu d’une famille d’artistes proches du pouvoir, Saad Lamjarred a bénéficié du soutien du roi quand en octobre 2016, il a été placé en garde à vue, accusé de viol à Paris. Mohammed VI s’était même alors engagé à lui payer ses frais d’avocats et l’avait mis en relation avec son propre conseil, un certain Eric Dupond-Moretti.

Le soutien royal semble un peu moins évident sept ans plus tard, pour celui qui encourt 20 ans de prison. Ses avocats sont aujourd’hui les ténors du barreau parisien Thierry Herzog et Jean-Marc Fedida. Si à deux reprises à l’issue de l’instruction, le parquet a pris des réquisitions de non-lieu pour les qualifications de viol, retenant seulement l’agression sexuelle, c’est bien pour viol que le prince de la pop arabe est finalement jugé.

Les faits remontent au mois d'octobre 2016

Laura P. raconte avoir rencontré le chanteur le 25 octobre au soir dans une discothèque huppée de Paris, Le Matignon. La jeune Française a à l’époque 20 ans et lui 31. Ils dansent, poursuivent la soirée avec un couple d’amis dans la chambre de ces derniers à l’hôtel Intercontinental. Vers 6 heures du matin, la jeune Iséroise suit le chanteur jusqu’à l’hôtel Marriott des Champs-Elysées, où il réside. Elle explique qu’elle avait compris que le couple d’amis devait les rejoindre. Il n’en sera rien.  

Saad Lamjarred avait consommé alcool et cocaïne. Il embrasse la jeune femme puis, quand il tente de réitérer le geste, elle se dérobe. Laura P. explique qu’elle n’avait pas pour projet d’avoir alors avec lui une relation sexuelle. Selon elle, il était convenu qu’ils se découvrent plus le lendemain, en allant ensemble visiter Paris. Elle raconte que face à sa résistance, le chanteur l’a violemment attrapée par les cheveux, l’a frappée à plusieurs reprises avant finalement de la violer. Quand elle finit par fuir la chambre d’hôtel, Laura P. a le t-shirt déchiré. La femme de chambre qui l’a recueillie a décrit une jeune fille choquée, en pleurs et encore apeurée. Les médecins qui l’ont examinée rapidement ont relevé des ecchymoses et hématomes à plusieurs endroits de son corps. Et un mélange de son ADN et de celui qu’elle accuse de l’avoir violée a été mis en évidence sur ses sous-vêtements.

Saad Lamjarred est très vite placé en garde à vue et met toute son énergie à contester les accusations. Selon lui, c’est Laura P. qui, alors qu’ils se rapprochaient, s’est mise sans raison à le griffer. C’est seule, "en se blessant avec quelque chose", que la jeune femme se serait retrouvée avec la lèvre supérieure gonflée. Et si son t-shirt s’est retrouvé déchiré, c’est selon lui car il a essayé de la retenir afin de l’apaiser quand celle-ci a quitté sa chambre. À l’issue de cette garde à vue, le chanteur marocain fait six mois de détention provisoire à la prison de Fleury-Mérogis. 

À l’époque, le ministre marocain de la Culture dit dans la presse de son pays suivre avec attention les développements de cette affaire. En avril 2017, Saad Lamjarred est libéré, mais doit porter un bracelet électronique. Depuis, il a été contraint de rester sur le territoire français, bénéficiant toutefois d’autorisations ponctuelles de quitter l’hexagone pour des motifs professionnels ou familiaux. C’est ainsi qu’il s’est rendu il y a quelques mois au Maroc pour se marier, ou encore aux Maldives dernièrement avec son épouse.   

D'autres procédures en cours

Pour le procès qui commence lundi 20 février et doit durer cinq jours devant les assises de Paris, la pop star a contre lui les autres dossiers dans lesquels il a été accusé d’agressions sexuelles ou de viols dans des conditions très proches de celles décrites par la jeune Française. Dès 2010, alors qu’il avait seulement 25 ans et n’avait pas le même succès qu’aujourd’hui, Saad Lamjarred a dû faire face aux accusations d’une jeune Américaine. Celle-ci avait expliqué avoir dîné avec lui à New-York, puis l’avoir suivi à son domicile. Elle avait alors refusé ses avances, ce qui selon son témoignage lui avait valu d’être frappée et violée. 

Saad Lamjarred avait été arrêté, incarcéré puis libéré sous caution. Il encourait jusqu’à 25 ans de prison mais a quitté les Etats-Unis pour ne plus jamais y revenir. Il y aura finalement dans ce dossier abandon des poursuites après une transaction passée avec la jeune femme. Transaction dont on ignore le montant. En novembre 2016, une jeune Franco-marocaine a, elle aussi, porté plainte pour viol à Paris. Elle évoquait des faits qui se seraient produits à Casablanca, 18 mois plus tôt dans l'appartement du chanteur. "Par peur", la jeune femme a ensuite retiré sa plainte. Les juges ont finalement prononcé un non-lieu. 

Enfin, Saad Lamjarred devra être jugé dans une autre affaire de viol. Il n’y a pas encore de date pour cette audience-là. Elle aura lieu devant les assises du Var. Une jeune femme accuse l’artiste de l’avoir violée dans une boîte de nuit de Saint-Tropez. Des faits qui se sont déroulés en 2018, donc deux ans après ceux pour lesquels il est jugé cette semaine. 

Malgré ces déboires judiciaires, Saad Lamjarred reste populaire au Maroc. Ses fans dénoncent sur les réseaux sociaux notamment des mensonges, un complot, parlent de rumeurs inventées par des femmes qui ne savent que faire de leur vie et veulent juste lui soutirer de l’argent. Tout ce qui lui arrive serait en somme la rançon de la gloire. Des fans qui sont allés pour certains jusqu’à menacer sur internet et même par téléphone la jeune Laura P. après sa plainte et l’incarcération fin 2016 de leur protégé. "J’ai reçu tellement d’insultes et de menaces de mort. J’ai peur pour ma sécurité", témoignait la jeune femme dans une vidéo mise en ligne fin 2017. 

Aujourd’hui, Laura P, d’après son avocat Jean-Marc Descoubes, est toujours très marquée, mais surtout déterminée à l’approche du procès, pour lequel elle ne demandera pas de huis-clos.  

 

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