Procès "Air Cocaïne" : "Le trafic a gangrené le pays", selon l'auteur d'un livre sur l'affaire en République dominicaine
Jérôme Pierrat, co-auteur du livre "L'Affaire Air Cocaïne : mafia et jets privés", affirme que l'enquête, en République dominicaine, qui implique des Français, a été "nébuleuse".
"On ne s'est pas tellement penché sur les conditions de l'enquête dominicaine. Cela aurait valu le coup car elle est assez nébuleuse", a déclaré lundi 18 février sur franceinfo Jérôme Pierrat, co-auteur, avec Marc Leplongeon, du livre L'affaire Air Cocaïne : mafia et jets privés, (Seuil, 2015). Le journaliste livre ses réflexions alors que le procès du volet français de ce trafic de drogue international présumé s'ouvre devant la cour spéciale, sans jurés, des Bouches-du Rhône, à Aix-en-Provence.
franceinfo : Après enquête, vous êtes-vous forgé une conviction sur le rôle des Français ?
Jérôme Pierrat : Il est difficile de se forger un avis tant le dossier est épineux, je souhaite bonne chance à la cour d'assises spéciale. Le cœur du dossier est quand même de savoir si ces pilotes étaient au courant, les pilotes du Falcon 50 où on aurait trouvé ces 700 kilos de cocaïne. On aurait tendance à se dire que non, ils n'étaient pas au courant, qu'ils auraient peut-être péché par inconscience, négligence et pas, a priori, par faute professionnelle. D’abord parce que, dans le droit international, ils n'ont pas à connaître le contenu des bagages des clients qu'ils transportent sur leur vol. C'était un vol de transport public, un avion loué à des fins commerciales. Comme un chauffeur de taxi n'irait pas ouvrir votre valise lorsqu'il l'embarque dans son coffre de voiture, ces pilotes n'avaient pas à vérifier le contenu des bagages. On peut leur reprocher d'avoir embarqué, depuis une destination sulfureuse qu'est la République dominicaine, un passager avec 26 valises, tout seul. Mais, légalement, on peut difficilement leur reprocher.
Quand l'affaire éclate, on pense à un trafic de drogue. Était-ce effectivement un grand réseau criminel comme l'ont dit les autorités dominicaines ?
En tous cas, les personnes qui ont été arrêtées en République dominicaine n'ont pas le profil des trafiquants internationaux, on est loin d'El Chapo ou d'Escobar. Quatre personnes ont été arrêtées en République dominicaine : deux pilotes d'avion, anciens militaires de l'aéronavale et deux passagers : le courtier ex-pilote qui a mis en relation le client et la compagnie privée et le représentant du client. Aucun d'eux n'est titulaire d'un casier judiciaire de trafiquant de drogue. Vu de l'extérieur, on n'a pas à faire à un dossier classique.
La défense des accusés français regrette que le dossier, jugé à Aix, ne prenne pas en compte le "haut degré de corruption lié aux narcotrafiquants" en République dominicaine. Qu’en-dites-vous ?
C’est un euphémisme de parler de 'haut degré de corruption lié aux narcotrafiquants' en République dominicaine. On ne s'est pas tellement penché sur les conditions de l'enquête dominicaine. Cela aurait valu le coup car elle est assez nébuleuse. Plusieurs responsables de cette enquête sont tombés eux-mêmes, par la suite, pour trafic de drogue, complicité et corruption. Régulièrement, la République dominicaine effectue des opérations 'mains-propres' au sein de ses instances dirigeantes, dans la police, dans l'armée, dans toutes les institutions qui luttent contre le trafic de drogue. La République dominicaine, depuis des années, est un supermarché, une plateforme de distribution de la cocaïne, produite en Amérique du Sud, à destination de l'Europe et on y trouve pléthore de trafiquants. Le trafic a gangrené le pays et ses hautes sphères de l'Etat.
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