Tony Meilhon dit sa vérité devant la cour d'assises de Nantes
L'accusé du meurtre de Laëtitia Perrais est sorti de son silence au premier jour de son procès. Principalement pour se défausser.
Lors de sa dernière audition devant les juges, il y a plus d'un an, Tony Meilhon s'était muré dans le silence. Au premier jour de son procès devant la cour d'assises de Nantes (Loire-Atlantique), mercredi 22 mai, le jeune homme de 33 ans a parlé. Posément. Longuement.
Accusé du meurtre et du démembrement de Laëtitia Perrais, 19 ans, en janvier 2011, ce multirécidiviste à la "personnalité psychopathique" a apporté une toute nouvelle version des faits, impliquant un mystérieux complice. Il a également dévidé le fil de son enfance, chaotique et violente. Francetv info revient sur ce qu'il faut retenir de cette journée d'audience.
L'attitude : contrition et auto-apitoiement
Cheveux longs noués en catogan, veste noire et teint livide, Tony Meilhon a dévisagé la salle d'audience en pénétrant dans la petite cour d'assises de Nantes ultramoderne, aux hauts murs vermeils. Entouré de quatre membres du GIPN cagoulés, l'accusé a passé les premières heures d'audience tête baissée, esquissant de temps à autre un petit sourire. Comme à l'évocation des noms d'oiseaux dont il a pu affubler sa mère, petite femme blonde qui a vu sa demande de constitution de partie civile rejetée par la cour.
Invité à s'exprimer après l'exposé des faits par le président, Tony Meilhon a pris tout le monde de court. Loin du personnage mutique, provoquant, voire outrageant décrit dans les rapports d'enquête, le jeune homme s'est montré prolixe, racontant avec calme et assez précisément ce qui s'est passé, selon lui, dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011 à Bernerie-en-Retz. Dans une attitude de contrition mais aussi d'auto-apitoiement, Tony Meilhon a ensuite passé en revue son enfance et son adolescence, avant son arrivée en prison à l'âge de 16 ans. Un parcours ponctué de ruptures familiales et de violences, corroboré par l'instruction. "Je vais arrêter de me faire passer pour une victime car je suis responsable aussi, finit-il par concéder. Mais c'est une cause à effet."
La phrase : "C'est le procès de ma vie"
En un an, Tony Meilhon a changé. Et pris conscience de ce dont on l'accuse. C'est ce qu'affirme, en tout cas, son avocat, Fathi Benbrahim, en marge de l'audience. A la procureure, qui lui demande "pourquoi avoir attendu deux ans pour donner (sa) vérité", l'accusé répond qu'il a vu le père de Laëtitia Perrais à la télévision, qu'il a perçu sa douleur. "Je me dois de donner la vérité, je le dois à sa famille, à ses proches… Je le dois à Laëtitia."
Pour autant, Tony Meilhon en profite aussi pour parler de son histoire, et changer son image de dangereux "prédateur". Un qualificatif qu'il s'est pourtant auto-attribué lors d'une audition devant les juges. "C'est le procès de ma vie. Il faut que j'en dise le plus possible. J'en ai marre que les gens disent 'c'est un violent'. Je veux qu'on arrête de me décrire comme celui qui a pourri la vie de ma mère et de mon beau-père."
Ces deux figures apparaissent centrales dans la dérive de Tony Meilhon. Entre cette mère honnie et chérie, qui s'est "débarrassée" de lui dans des foyers, et ce beau-père détesté, qui le provoquait volontiers, de l'aveu de sa grande-sœur, l'accusé affirme avoir "reproduit ce qu'il avait connu". Et cédé à "son cerveau reptilien", agissant souvent avec impulsivité, "sous l'effet de la colère".
L'élément nouveau : "Monsieur X", un complice présumé
Tony Meilhon a fait entrer un nouveau personnage dans son équation personnelle. "Monsieur X". Devant une cour d'assises médusée, il a formellement affirmé qu'il n'avait pas découpé lui-même le corps de Laëtitia Perrais, mais qu'un complice s'en était chargé. Refusant de livrer son identité ni de dire si cette personne compte parmi les témoins cités dans l'affaire, l'accusé a expliqué l'avoir appelé le matin suivant la mort de Laëtitia Perrais. "Il m'a dit : 'T'es fiché mon gars, faut se débarrasser du corps.'"
Assurant ne pouvoir supporter la vue du sang, Tony Meilhon raconte la scène, dans toute son horreur : "J'ai essayé de le découper. Dès que ça a touché l'os, la vibration dans la scie à métaux, je n'ai pas pu." Le mystérieux personnage se serait alors chargé du sale boulot. Chacun serait ensuite allé porter les morceaux de la dépouille dans deux étangs différents.
Pour sa défense, Tony Meilhon persiste à nier l'homicide volontaire. Il maintient avoir cru Laëtitia morte après l'avoir percutée accidentellement avec sa voiture, "phares éteints", dans la nuit. Alors que l'autopsie atteste que la jeune fille est morte par strangulation, le trentenaire admet avoir tenté de l'étrangler dans la soirée, mais sans la tuer. L'asphyxie mortelle a été provoquée, selon lui, par la bâche avec laquelle il a enroulé le corps de Laëtitia après l'accident, la croyant "décédée". Quant aux coups de couteau - 44 plaies ont été relevées sur les restes de la victime - il reconnaît pour la première fois les avoir portés post-mortem. Ceci dans le but de faire croire à un crime de sang, alors qu'il a le projet d'abandonner le corps dans la forêt. Puis, paniqué à l'idée d'être confondu par ses traces ADN, il appelle finalement "cet ami". Vérifier son existence sera l'un des nouveaux enjeux de ce procès.
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