Trafic de drogue à Canteleu : "Rien dans ma vie n'est comparable à ce qu'ils sont", explique l'ancienne maire jugée avec 18 autres prévenus

À la barre, Mélanie Boulanger a montré ses distances avec le clan Meziani, mis en cause dans un large trafic de stupéfiants dans cette ville proche de Rouen.
Article rédigé par franceinfo
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L'ancienne maire de Canteleu était entendue à la barre mercredi 19 juin 2024. (THOMAS SAMSON / AFP)

L'ancienne maire de la ville de Canteleu (Seine-Maritime) était entendue mercredi 19 juin par le tribunal correctionnel de Bobigny. Mélanie Boulanger comparaît avec l'un de ses adjoints pour complicité dans un dossier de trafic de stupéfiants de grande ampleur. Tous deux sont accusés d'avoir aidé les trafiquants, aux côtés desquels ils comparaissent d'ailleurs. À la barre, l'ancienne maire a clamé son innocence.

"Je suis très loin des autres prévenus, martèle-t-elle. Rien dans ma vie n'est comparable à ce qu'ils sont." De fait, l'ancienne élue, aux cheveux blonds coupés au carré, tenue soignée, porte une rhétorique bien rodée. Dans la salle d'audience, elle tranche avec les trafiquants qu'elle est accusée d'avoir aidés.

Ce sont pourtant ses liens avec eux qui sont étudiés par la cour, et tout particulièrement ses liens avec la famille Meziani. Ce clan connu pour être à l'origine d'un vaste trafic de stupéfiants et pour terroriser cette commune de 14 000 habitants. "Mais je suis innocente, assure Mélanie Boulanger. Cela fait 32 mois que l'on dresse un portrait faux de moi, ma ville. Je suis détruite", sanglote l'élue dans une tirade visiblement bien préparée.

Alerte lancée jusqu'à l'Élysée

Devant le tribunal, la maire de Canteleu a surtout expliqué sa solitude face à un trafic qui gangréné sa ville et à cette famille qui l'a menacée. Elle raconte un échange avec un membre de la préfecture à qui elle explique sa détresse face à un trafic très important. "Il m'a répondu, plein de testostérone, que quand on était une femme et qu'on avait peur, on ne devenait pas maire de Canteleu, raconte l'élue. Je me suis jurée de lui donner tort". Alors, Mélanie Boulanger alerte à tous les étages, dit-elle : la police, la préfecture, le ministère… Et jusqu'à l'Élysée. "Mais on me répondait que Canteleu, ce n'était pas Marseille ni la Seine-Saint-Denis", explique l'ancienne maire.

Elle décrit aussi sa solitude face aux menaces dont elle se dit victime de la part des Meziani. Elle raconte, à la barre, cette fois où un membre de la fratrie vient lui réclamer un logement social. Face à son refus, il lui dit connaître son adresse et l'école de sa fille. "Pourquoi n'avez-vous pas déposé plainte ?", interroge le président. "J'ai demandé à ce qu'on protège ma fille. On m'a répondu de faire confiance à la justice. Mais quand on veut s'en prendre à la prunelle de ses yeux, c'est difficile et j'en suis restée là", explique Mélanie Boulanger.

Des informations transmises à la famille Meziani

L'ancienne maire assure aussi qu'elle n'a jamais cédé aux menaces et assure même avoir donné le nom des Meziani à tout le monde : police, préfecture, justice. Mais "à force de voir que la situation n'est pas prise au sérieux, je me dis qu'il faut que je leur fasse savoir que ça va barder", explique Mélanie Boulanger.

C'est pour cette raison, dit-elle, qu'elle utilise alors son adjoint et amant Hasbi Kolak, chargé du commerce à la mairie mais surtout proche des Meziani, qu'il connaît depuis l'enfance. "Hasbi, c'est une pipelette, je sais qu'il parle, donc je lui dis qu'il va y avoir des patrouilles, de grosses enquêtes en cours", explique l'élue. "Du bluff", avait expliqué hier son adjoint à la barre. Une complicité estime au contraire l'accusation, qui ajoute que les informations livrées par la maire et son adjoint ont aidé les Meziani à faire prospérer leur trafic.

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