Fillette tuée à Calais : l'interdiction du territoire n'était "pas applicable" au suspect
Cette mesure avait été prononcée en 2010 à l'encontre du Polonais de 38 ans soupçonné du viol et du meurtre de Chloé, 9 ans, à Calais (Pas-de-Calais).
Le drame a suscité une vive émotion. Un Polonais de 38 ans a reconnu, jeudi 16 avril, avoir violé et tué Chloé, âgée de 9 ans, à Calais (Pas-de-Calais), la veille. Le suspect faisait l'objet d'une interdiction de territoire après deux précédentes condamnations en France, mais elle n'était "pas applicable" au regard des infractions alors commises. Explications.
Qu'est-ce qu'une interdiction du territoire français ?
L'interdiction du territoire français (ITF) empêche un étranger de se trouver ou de se maintenir en France. C'est une sanction prononcée par le juge pénal à l'encontre d'un étranger coupable d'un crime ou d'un délit. Elle peut être temporaire (10 ans maximum), ou définitive.
L'ITF peut être infligée, dans plusieurs cas, comme peine principale ou comme peine complémentaire à une peine d'emprisonnement ou d'amende. Elle représente une des clauses du jugement qui condamne l'étranger et qui lui est notifié par écrit par le tribunal.
Le suspect était-il concerné par ce type d'interdiction ?
Effectivement, le ressortissant polonais a été condamné à six ans de prison assortis d'une interdiction du territoire français pour extorsion et tentative de vol aggravé en récidive, le 30 mars 2010, par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Or, cette interdiction n'a pas été effective, selon le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer Jean-Pierre Valensi.
"Le tribunal a prononcé une interdiction définitive de territoire français qui ne pouvait pas être amenée à exécution puisque son prononcé n'était pas légalement encouru pour les faits pour lesquels il a été condamné", a précisé le procureur lors d'une conférence de presse jeudi à la mi-journée. "Ce n'était pas applicable au regard de la loi, donc le tribunal ne pouvait pas prononcer cette peine", a-t-il ensuite confirmé auprès de l'AFP.
En clair, qu'est-ce que cela signifie ? Pour ce type d'infraction, l'extorsion et la tentative de vol aggravé en récidive, le tribunal ne peut pas prononcer ce type de peine complémentaire. "Dans ce cas, la peine est illégale, donc impossible et pas mise à exécution", indique à francetv info Nicolas Steimer. Responsable de l'Union syndicale des magistrats de la cour d'appel de Douai (Nord), il ne connaît pas le fond du dossier, mais selon lui, c'est l'explication "la plus cohérente" qui existe pour comprendre les propos du procureur. "Souvent, l'erreur est observée au moment de l'inscription de la peine au casier judiciaire, soit après le rendu du jugement."
De fait, dans le cas d'une extorsion, selon le code pénal, une interdiction du territoire peut être prononcée seulement si l'extorsion est aggravée. Par exemple, si les violences ont entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours chez la victime, ou si elles ont été commises sur personne vulnérable. Mais si l'extorsion est simple, la peine principale encourue (jusqu'à sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende) "ne peut être associée à une peine complémentaire d'interdiction de territoire", explique Nicolas Steimer.
Comment a-t-il été remis aux autorités polonaises ?
"Le tribunal de Varsovie (Pologne) a sollicité la remise de l'intéressé aux autorités polonaises dans le cadre d'un mandat européen délivré le 24 avril 2010 pour des faits de cambriolage commis en 2000 à Varsovie", a déclaré le procureur de Boulogne-sur-Mer. Le suspect a bien été remis aux autorités polonaises le 27 mars 2014, à l'issue de sa peine purgée en France, a-t-il ensuite confirmé.
C'est donc seulement dans ce cadre que cet homme a pu être expulsé en Pologne, et pas suite à sa condamnation en France. Depuis, il n'était pas revenu dans le Nord-Pas de Calais, selon ses dires. En effet, le suspect a raconté aux enquêteurs être arrivé mercredi matin à Calais pour aller voir sa sœur à Southampton, en Angleterre, sans toutefois posséder de titre de transport.
"Le suspect, expulsé, était sous la responsabilité des autorités polonaises, souligne la ministre de la Justice, Christiane Taubira. L'enquête fera la lumière sur les conditions dans lesquelles le suspect a fait l'objet d'une expulsion."
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