Aubervilliers : ce que l'on sait de la collision mortelle entre un jeune homme à scooter et une voiture de police
Un jeune conducteur de scooter de 18 ans a succombé à ses blessures, mercredi soir. Il a été percuté par une voiture de police à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), après une course-poursuite. Le passager, légèrement blessé, a été hospitalisé. La mairie a lancé un appel au calme, jeudi 14 mars, appelant à ce que l'affaire "soit traitée avec la plus grande rigueur et dans les meilleurs délais". Voici ce que l'on sait de cette affaire.
Le parquet évoque un refus d'obtempérer, une thèse réfutée par des témoins
Dans un communiqué publié jeudi matin, le procureur de la République de Bobigny, Eric Mathais, a donné une chronologie des faits. Mercredi, aux alentours de 20h30, deux personnes à scooter refusent un contrôle de police. Le conducteur et son passager prennent la fuite, "en commettant de multiples infractions au Code de la route". Un équipage de la Brigade anticriminalité (BAC) est alors appelé en renfort.
C’est à ce moment-là que le policier qui conduit la voiture de la BAC se retrouve "contraint de faire une embardée pour éviter un véhicule qui ne respectait pas une priorité". Il entre alors "en collision avec le scooter qui arrivait en sens inverse", selon le parquet. La scène a été filmée par les caméras de la ville d'Aubervilliers et les premières exploitations des "vidéos de voie publique" confirment ce déroulé des faits, ajoute le procureur de Bobigny. "Le véhicule de police a dû se déporter de la file de circulation, en raison d'une priorité non respectée d'un véhicule en cours d'identification, et s'est ainsi retrouvé face au scooter qui arrivait en sens inverse à vive allure après avoir déboîté pour doubler", résume Eric Mathais dans son communiqué.
Un témoin de la scène, avec qui France Télévisions a pu échanger, affirme, lui, que c'est la voiture de la BAC qui a "barré la route" au scooter, avant que ce dernier ne rentre "dans la camionnette en face". Des images obtenues par France 2 montrent le conducteur du scooter rentrer en collision avec une voiture qui évitait un taxi. La thèse policière du refus d'obtempérer a par ailleurs été réfutée par d'autres témoins rencontrés dans la nuit par l'AFP.
Le conducteur du scooter tué, le passager blessé
Agé de 18 ans et habitant de La Courneuve, commune proche d’Aubervilliers, le conducteur du scooter a immédiatement été transporté à l’hôpital. Grièvement blessé, il a succombé à ses blessures dans la soirée, vers 23 heures, d’après le procureur de Bobigny. Le passager, âgé de 19 ans, est blessé, mais son pronostic vital n’est pas engagé. Une vidéo, tournée juste après les faits et obtenue par France 2, montre les policiers trainer le passager sur le trottoir pour attendre les secours. Il a été placé en garde à vue pour "complicité de refus d’obtempérer". Cette garde à vue a été levée jeudi matin "pour permettre l'accomplissement des soins".
Les trois policiers présents dans le véhicule ont également été emmenés à l'hôpital. "L'ensemble des dépistages réalisés (alcoolémie et stupéfiants) se sont avérés négatifs", précise le procureur.
Deux enquêtes ouvertes
Une enquête pour "refus d'obtempérer aggravé" a été confiée au service de traitement judiciaire des accidents, selon le procureur. Une autre, pour "homicide involontaire et blessures involontaires", vise les policiers et a été confiée à l'IGPN. Les deux services se sont déplacés sur les lieux.
Les images filmées par une caméra de la ville pourront être analysées par l'IGPN, qui doit aussi entendre les policiers.
Des députés LFI dénoncent "la doctrine policière"
Dans un communiqué posté jeudi midi sur son compte X, Bastien Lachaud, député LFI de la 6e circonscription de Seine-Saint-Denis, incluant Aubervilliers, déclare que "personne ne devrait, jamais, mourir pour un refus d'obtempérer". "Et pourtant, ces situations se reproduisent, encore et encore", poursuit-il, assurant que "douze personnes ont été tuées suite à un refus d'obtempérer, sur la seule année 2022. Des jeunes, encore et encore. Nous ne pouvons le tolérer."
Thomas Portes, député LFI de la 3e circonscription de Seine-Saint-Denis, a, lui aussi, fait part de sa "colère", appelant "à changer la doctrine de la police de fond en comble".
Un appel au calme lancé par la municipalité d'Aubervilliers
Dans un communiqué publié jeudi matin, la Ville d'Aubervilliers transmet ses pensées "à la famille et aux proches de la victime" et salue "le travail exemplaire" de la police municipale, "intervenue rapidement".
La maire d'Aubervilliers, Karine Franclet (UDI), assure avoir pris contact avec le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, afin que l'affaire "soit traitée avec la plus grande rigueur et dans les meilleurs délais". En attendant les résultats des enquêtes, elle appelle "les habitants d'Aubervilliers, en particulier les plus jeunes, à faire preuve de responsabilité et de calme".
Fin juin, Nahel, 17 ans, avait été tué par un tir policier lors d'un contrôle routier à Nanterre (Hauts-de-Seine). Sa mort avait déclenché plusieurs nuits de violences urbaines de très forte intensité dans le pays.
"Ce n’était pas un mec méchant, ni agressif"
Au lendemain du drame, sa famille a raconté cette soirée dans la presse : on apprend que la victime s'appelait Wanys. "Moi, en fait, on m'a appelé, on m'a dit qu'il avait eu un accident de moto. J'ai couru, on a trouvé l'hôpital où il était, on a dit qu'il était mort, mais on ne sait pas de quoi, pas pourquoi il est mort, ni comment, dans quelles circonstances", détaille un de ses frères à RTL.
Son père, Farid, raconte au Parisien qu'il a pu se recueillir longtemps devant sa dépouille à la Pitié Salpêtrière, à Paris, où son fils a rendu l'âme. Selon lui, 300 personnes, des amis de Wanys, ont aussi fait le déplacement dans la nuit. "Tout le quartier était là", a-t-il assuré au quotidien.
L'adolescent n'était plus scolarisé : il avait quitté l’école avant le bac et passait son permis de conduire car il voulait travailler dans les transports, "comme son père qui avait été chauffeur de poids lourd", précise Le Parisien. "Il était très généreux. Il enlevait sa veste pour te la donner. Ce n’était pas un mec méchant, ni agressif", assure le père de Wanys.
Son frère demande à ce que "justice soit rendue pour (son) petit frère et qu'on sache exactement le pourquoi du comment. On ne veut rien d'autre. On veut juste la paix, et que ma mère s'en remette, c'est tout".
Plusieurs collisions de ce type ces derniers mois
Ce drame vient s'ajouter aux nombreux cas récents de jeunes morts ces derniers mois en France lors de courses-poursuites avec la police. En décembre dernier, deux adolescents de 17 ans sont décédés des suites de l'accident de leur scooter à Chelles (Seine-et-Marne). Une semaine plus tard, un homme de 22 ans a perdu la vie dans des circonstances similaires à Marseille.
Auparavant, dans la nuit du 6 au 7 octobre, un homme de 23 ans est mort dans un accident de scooter alors qu'il était poursuivi par des policiers municipaux à Saint-Priest (Rhône). Deux mois plus tôt, dans la nuit du 5 au 6 août, à Limoges, deux jeunes circulant à scooter sont décédés après avoir percuté un véhicule en tentant d'échapper à un contrôle de police.
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