Contrôle d’identité au faciès : six associations mettent en demeure l’Etat pour stopper "ces pratiques discriminatoires"
Ces associations veulent dénoncer "la défaillance fautive de l’Etat" face à "l’ampleur et la persistance de cette pratique". Elles exigent " des réformes profondes" pour que ces faits cessent.
Le Premier ministre Jean Castex, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti ont été mis en demeure mercredi 27 janvier par six associations ou ONG, dans le cadre de la "toute première action de groupe contre les contrôles d’identité discriminatoires", selon les informations de franceinfo.
La mise en demeure a été adressée aux ministres concernés en tant que "responsables de la conception et de l’exercice de l’action policière" par Me Antoine Lyon-Caen, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Cette mise en demeure "ouvre une période de quatre mois" où le gouvernement peut "engager des discussions avec les organisations". Si les associations estiment, à la fin de cette période, que les mesures prises ne sont pas satisfaisantes, elles "pourront décider de saisir la justice".
Le but de cette action est donc de "faire constater une discrimination frappant un ensemble de personnes" et ainsi imposer à l’Etat de prendre "des réformes profondes", "des mesures propres à faire cesser" cette discrimination.
L'Etat déjà condamné pour faute lourde
La Maison communautaire pour un développement solidaire (MCDS), Pazapas Belleville, le Réseau égalité antidiscrimination justice interdisciplinaire (REAJI), Amnesty International France, Human Rights Watch et Open Society Justice Initiative se sont rassemblées pour "cette initiative inédite". Ces associations veulent dénoncer par cette action de groupe "la défaillance fautive de l’Etat" face à "l’ampleur et la persistance de cette pratique" et veulent ainsi "exiger des réformes profondes" pour que ces faits cessent.
Cette pratique est condamnée tant au niveau international qu’au niveau national. En novembre 2016, la Cour de cassation, plus haute juridiction judiciaire, a condamné l’Etat pour faute lourde, après la plainte de trois jeunes hommes pour des contrôles d’identité jugés discriminatoires, "à raison de leurs caractéristiques physiques associées à leur origine réelle ou supposé".
Emmanuel Macron a lui-même reconnu, dans un entretien à Brut le 4 décembre 2020, l'existence de ce type de contrôles. Ces contrôles au faciès "ne peuvent être discriminatoires", a rappelé le Conseil constitutionnel le 24 janvier 2017.
Plusieurs études accablantes
D’après différentes études, le constat est alarmant : "En 2009, les individus perçus comme noirs et ceux perçus comme arabes sont respectivement 6 et 8 fois plus contrôlés que les personnes d’apparence blanche", selon une étude menée par le CNRS et publiée par Open Society Justice Initiative, "Police et Minorités Visibles", en juillet 2009.
Une enquête du Défenseur des droits en janvier 2017 a également permis de constater que "80% des jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes déclarent avoir été contrôlés dans les cinq dernières années et que les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes ont une probabilité 20 fois plus élevée que les autres d’être contrôlés".
Enfin, des enfants perçus comme noirs ou arabes sont contrôlés dès l’âge de 12 ans en France, selon un rapport de l’ONG Human Rights Watch publié en juin 2020.
Modification du Code de procédure pénale
Ces associations exigent notamment "la modification du Code de procédure pénale pour interdire explicitement la discrimination dans les contrôles d'identité", mais aussi "la création d'un système d'enregistrement et d'évaluation des données relatives aux contrôles d'identité et une preuve du contrôle", et "la création d’un mécanisme de plainte efficace et indépendant".
Si dans un délai de quatre mois, les mesures prises ne sont pas satisfaisantes, les associations saisiront la justice.
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