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Quatre questions sur les contrôles d'identité, contestés en France

La mort de George Floyd aux Etats-Unis et la multiplication des manifestations pour dénoncer les violences policières a fait ressurgir en France le débat autour des contrôles d’identité, souvent qualifiés de "contrôle au faciès".

Article rédigé par Joanna Yakin - Perrine Roguet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un contrôle d'identité par des policiers sur la voie publique pendant le déconfinement à Paris, le 12 mai 2020.  (BRUNO LEVESQUE / MAXPPP)

Depuis la mort de George Floyd, cet homme afro-américain tué par un policier blanc aux Etats-Unis, la question des violences policières a également ressurgi au coeur des débats français, et avec elle, le débat autour des contrôles d’identité soupçonnés d’être souvent réalisés “au faciès”. La cellule Vrai du Faux fait le point sur ce que l’on sait de ces contrôles en France.

De quoi s'agit-il ?

Le site internet de l’administration française référence trois types de contrôles d'identité : le contrôle préventif, le contrôle pour infraction et le contrôle Schengen. Ce dernier est lié aux accords de libre circulation des personnes dans l’Union européenne. Les douaniers peuvent toujours faire des contrôles, que ce soit aux abords des frontières ou sur les autoroutes, par exemple. 

L’administration écrit que le contrôle d’identité lié à une infraction n’est pratiqué que "s’il existe des raisons plausibles laissant penser que la personne contrôlée" a commis ou s’apprête à commettre des actes allant de l’infraction au crime, ou alors si elle peut donner des informations à ces sujets. Le procureur de la République peut aussi ordonner des contrôles ciblés lorsqu’une personne est recherchée. C’est par exemple le cas lorsqu’un barrage de police est mis en place. 

Le contrôle préventif est celui dont la définition est la plus floue. Il "a pour but de prévenir les atteintes à l'ordre public (...). Il peut avoir lieu dans une rue ou une gare et concerner toute personne, quel que soit son comportement".

Combien en sont réalisés chaque année ?

Dans tous les cas, aucun document n’est établi après un contrôle de police. "Aucune statistique d'ensemble n'était disponible", expliquait le ministère de l'Intérieur dans un rapport du Sénat de 2016.

"C’est un phénomène massif puisque, selon les chiffres d’Open Society ou ceux avancés par des députés ces dernières années, notamment M. Gilles Carrez (LR), cinq à dix millions de contrôles sont effectués chaque année" peut-on lire dans un rapport rendu en 2018 par le député La France insoumise Eric Coquerel.  

Pour pallier ce flou, Jacques Toubon, le Défenseur des droits, demande depuis plusieurs années, la mise en place d’un document (récépissé) à chaque intervention. La question a déjà été discutée par l’Assemblée nationale en 2016 et n’avait pas été retenue. Parmi les motifs évoqués : des manques de moyens financiers et humains. 

Quelles sont les personnes contrôlées ?

Le code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie dispose que "lorsque la loi l’autorise à procéder à un contrôle d’identité, le policier ou le gendarme ne se fonde sur aucune caractéristique physique ou aucun signe distinctif pour déterminer les personnes à contrôler, sauf s’il dispose d’un signalement précis motivant le contrôle".

Pourtant, selon l’enquête du Défenseur des droits en 2016, les relations avec les forces de l’ordre sont plus fréquentes pour les personnes habitant dans une ville de plus de 100 000 habitants, dans une cité ou un grand ensemble. L’enquête rappelle que "voir son identité contrôlée dans l’espace public par des forces de l’ordre reste un fait minoritaire". Seulement 16% des sondés en 2016 avaient subi un contrôle sur les cinq dernières années. Toutefois, le fait d’être un homme et d’être jeune augmente les risques de connaître un contrôle puisque 51,5% d’entre eux ont été contrôlés dans les cinq dernières années.

Le dernier rapport de Jacques Toubon confirme ces résultats qui selon lui suggèrent "un ciblage des contrôles d’identité". On peut par ailleurs y lire que les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes sont davantage contrôlés puisque "ces derniers ont alors 20 fois plus de chance que les autres d’être contrôlés".

Quelle est leur efficacité ?

Il est difficile de juger de l’efficacité de ces contrôles de manière objective. Cependant, une expérimentation a été menée en 2014 par la Direction générale de la police nationale (DGPN). Le nombre de contrôles d’identité demandés par le procureur de la République ainsi que leurs suites ont été comptabilisés. 

Résultat, dans le seul département de l’Hérault, 95,45% des contrôles n'ont donné lieu à aucune suite (sur près de 9 000 personnes contrôlées en six mois) et seulement 4% à des interpellations. Des taux sensiblement similaires ont été relevés dans le Val-d’Oise, avec 92,9% de contrôles qui n’ont entraîné aucune suite contre 3,88% qui ont conduit à des interpellations sur un peu plus de 10 000 contrôles au total.

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