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"Tu la fermes ou tu veux que je recommence ?" : un enregistrement sonore révèle des intimidations et insultes de policiers de la Brav-M à l'égard de manifestants interpellés à Paris

Selon un document que "Le Monde" a pu authentifier et que franceinfo a consulté, des fonctionnaires de cette unité s'en sont pris verbalement et physiquement à un groupe de personnes lundi soir à Paris. L'IGPN a été saisie.
Article rédigé par Catherine Fournier, Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des policiers de la Brav-M lors de la manifestation contre la réforme des retraites, le 23 mars 2023 à Paris. (SAMUEL BOIVIN / NURPHOTO / AFP)

Alors que des voix s'élèvent pour demander la dissolution des Brav-M, ces brigades motorisées très critiquées, des policiers de ces unités anticasseurs ont menacé et intimidé un groupe de sept jeunes gens interpellés en marge de la manifestation contre la réforme des retraites, lundi à Paris, selon un enregistrement sonore que Le Monde a pu authentifier et que franceinfo a consulté vendredi 24 mars.

Dans cet audio de 23 minutes, capté à l'insu des policiers par l'une des personnes interpellées, on entend des fonctionnaires (ils sont au moins une douzaine, selon une photo de la scène consultée par franceinfo) s'adresser à ces manifestants regroupés et assis par terre dans une rue du 3e arrondissement, le temps de dresser les PV d'interpellation, avant leur transfert vers le commissariat. "Tu fais quoi dans la vie ?", demande l'un des policiers à une "étudiante", avant de commenter sa participation à la manifestation : "T'as jamais travaillé et tu manifestes contre la réforme des retraites ?"

"Efface ton sourire"

A un autre, un des policiers lance : "Lui, il rigole bien. Demain, tu vas être déféré devant un juge, tu vas moins rigoler." Ce manifestant, le seul homme noir du groupe, précise l'une des interpellées à franceinfo, s'entend dire qu'il a une "sacrée tête à claques quand même !" Les policiers ne se privent pas de commentaires grossiers, accueillis par les rires de leurs collègues : "Tout à l'heure, on est arrivé, tu as bandé vers l'intérieur…"

Selon cette jeune femme, qui a porté plainte pour violences en réunion, ce garçon a été plus particulièrement maltraité : il aurait reçu une gifle et sa tête aurait été cognée contre le mur. On entend deux bruits pouvant correspondre à cette description, entre la 6e et 7e minute du document, accompagné de cette injonction : "Efface ton sourire, efface ton sourire, efface ton sourire." Le policier continue à s'acharner sur ce jeune homme :

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– Le policier : "Prends exemple sur tes potes ! Tu la fermes ou tu veux que je recommence ? Ah tu commences à bégayer, t'en reveux peut-être une pour te remettre la mâchoire droite ?
– L'interpellé : Surtout, hésite pas à dire ça là-bas.
Dire ça où ?, interroge un policier.
Là-bas, répond le jeune homme.
Là-bas où ?, répète le policier.
Là-bas ! Vous allez me ramener où ?, demande son interlocuteur.
Au commissariat ? Moi j'y vais pas, y a que toi y vas. Tu sais, moi je peux venir dormir avec toi si tu veux…
– Ah oui, eh ben on y va, rétorque le jeune homme.
– C'est le premier qui bande qui encule l'autre", lâche le policier.

Un deuxième fonctionnaire s'en mêle : "Quand je t'ai attrapé, t'as commencé à trembler, c'est moi qui t'ai mis la balayette". Le premier reprend : "S i tu veux revenir dans la rue, travaille ton cardio mon grand. T'as traversé la rue, t'étais occis." Quelques secondes plus tard, il renchérit : "T'inquiète, ta petite tête, on l'a déjà en photo, t'as juste à te repointer dans la rue aux prochaines manifs, je peux te dire que les têtes, nous on est vachement physio, on les retient. T'inquiète pas que la prochaine fois qu'on vient, tu monteras pas dans le car pour aller au commissariat, tu vas monter dans un autre truc qu'on appelle ambulance pour aller à l'hôpital."

"On va se venger sur d'autres personnes"

A un moment, ordre est donné aux policiers de se rendre vers le secteur de Château-d'Eau (10e). "T' as de la chance, on va se venger sur d'autres personnes, si t'as l'occase de regarder la télé, regarde bien, tu verras ce qui t'attend quand tu reviendras", menace l'un d'entre eux à l'adresse du même jeune homme. Les insultes et les commentaires humiliants se poursuivent encore pendant une dizaine de minutes. Un policier fait rire ses collègues lorsqu'il affirme que l'un des interpellés "va aller en 'gardav' et demain, il va sortir avec une OQTF", sous-entendant qu'il serait expulsé de France. A la fin de l'enregistrement, on entend le bruit de motos qui s'éloignent.

Le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, a décidé de saisir l'Inspection générale de la police nationale, a annoncé la préfecture de police sur Twitter.

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