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Violences policières : la discrimination dans la police "est un fait qui est très bien établi", explique un chercheur du CNRS

Pour le sociologue Sébastian Roché, sont en cause la formation des policiers et les ordres qu'ils reçoivent. En Angleterre par exemple, les policiers ont comme consigne de rechercher "le consentement et la désescalade". En France, on les arme de "LBD" pour maintenir l'ordre.

Article rédigé par franceinfo
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Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS, le 28 mars 2012.  (PHILIPPE MERLE / AFP)

"Du point de vue de la discrimination, ce qui veut dire moins bien traiter les gens en fonction de leur couleur de peau, là on a des preuves (…) C'est un fait qui est très bien établi", affirme samedi 13 juin au soir sur franceinfo Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS, spécialiste des questions policières et de sécurité. Le sociologue, qui a enseigné 26 ans à l'ENSP (École nationale supérieure de la Police), s'appuie sur des "enquêtes indépendantes" menées depuis dix ans "dans toutes les villes de France". Samedi, plus de 20 000 de personnes ont manifesté en France contre les violences policières et le racisme.


franceinfo : Peut-on dire que la police en France est plus violente que dans d'autres pays ?


Sébastian Roché : On peut dire qu'elle l'est plus que dans certains et moins que dans d'autres. Elle l'est nettement moins qu'aux États-Unis, 10 à 15 fois moins. Mais si on se compare avec des pays européens, qui sont une meilleure base de comparaison, la police française est nettement plus violente que la police allemande ou que la police anglaise.

Si on regarde le nombre de personnes tuées par la police, c'est plus du double en France par rapport à l'Allemagne par exemple.  

Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS

à franceinfo

C'est un problème de méthode, de culture ?


Il y a d'un côté la question de la violence et, de l'autre, celle de la discrimination. Les deux sont aujourd'hui discutées en même temps. Sur la question de la discrimination, bien que ce soit réfuté par les syndicats de police et par le ministère de l'Intérieur, réfuté sans apporter aucune preuve du caractère républicain de la police, ce que montrent les enquêtes scientifiques qui sont faites depuis 10 ans, c'est que la discrimination est attestée dans toutes les villes de France où l'on a pu faire des enquêtes indépendantes. C'est le constat. Du point de vue des causes, c'est d'abord un problème de politique policière, du haut de la hiérarchie. Les agents peuvent avoir un comportement discriminatoire ou violent. Mais ils le font parce qu'ils n'ont pas été suffisamment bien formés, qu'ils ont été armés avec du type de matériel qui n'est pas approprié. C'est le cas du LBD pour le maintien de l'ordre, par exemple. C'est aussi le cas parce que leur emploi n'est pas bien conçu par les responsables.


Il y a aussi une sorte de racisme courant dans la police française ?


Quand on entend les mots "bicot" et "youpin" sur des groupes de plusieurs milliers d'agents, on est légitiment en position de se poser la question d'un racisme assez général. D'un point de vue universitaire, on n'a pas vérifié ça. Ce sont les journalistes qui l'ont mis au jour. Du point de vue de la discrimination, ce qui veut dire moins bien traiter les gens en fonction de leur couleur de peau, là on a des preuves. Du fait qu'il y ait des contrôles au faciès, que les noirs et les arabes sont moins bien traités au cours de leur contrôle et du fait qu'ils sont plus sanctionnés à l'issue du contrôle. C'est un fait qui est très bien établi. Les enquêtes qui ont été faites ne sont pas encore très bien connues du public, mais en tous cas elles sont réelles et elles sont solides.


Les forces de l'ordre sont suffisamment équipées quand dans certains quartiers, les policiers doivent faire face à une violence parfois extrême ?


Les violences ne sont pas du tout extrêmes en France (…) Si on resitue à nouveau la France en Europe et dans le monde, l'Europe est la partie du monde où il y a le moins de violence. Donc la police française fait partie des polices qui sont confrontées au plus faible niveau de violence qui existe dans le monde aujourd'hui et dans l'histoire. Il ne faut absolument pas dramatiser le niveau de violence. Il y a des problèmes, ils sont réels. Le police allemande, la police anglaise, font face à des niveaux de pauvreté comme la police française. Elles font face à des émeutes, à Londres, comme la police française. Mais elles ont une autre approche, qui recherche le consentement et la désescalade. Ça c'est la responsabilité des politiques, du ministre de l'Intérieur, des directeurs généraux de la police et en France du président de la République. Il faut orienter la police dans la bonne direction.

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