Au procès des viols de Mazan, Gisèle Pelicot témoigne à nouveau et fait part de sa "détermination pour faire avancer cette société"
Son témoignage était particulièrement attendu, à mi-parcours du procès fleuve des viols de Mazan, qui a débuté le 2 septembre. "Je suis une femme totalement détruite", a déclaré, mercredi 23 octobre, Gisèle Pelicot, droguée par son ex-époux qui la faisait ensuite violer par des dizaines d'inconnus recrutés sur internet pendant une décennie. A la barre, elle a expliqué vouloir médiatiser son affaire pour "qu'on change cette société".
"Je ne sais pas comment je vais me reconstruire, me relever de tout ça", a expliqué Gisèle Pelicot, âgée de 71 ans, devant la cour criminelle de Vaucluse. Elle affirme avoir voulu lever le huis clos du procès afin "que toutes les femmes qui [sont] victimes de viol se disent 'Madame Pelicot l'a fait, on peut le faire'. Je ne veux plus qu'elles aient honte. La honte, ce n'est pas à nous de l'avoir, c'est à eux. (...) J'exprime surtout ma volonté et détermination pour qu'on change cette société".
"Comment a-t-il pu me trahir à ce point ?"
"J'aimerais m'adresser à monsieur Pelicot", a également dit Gisèle Pelicot à quelques mètres de son ex-mari et principal accusé du procès, Dominique Pelicot, qui a baissé les yeux tout au long de la prise de parole de son ex-épouse. "Je me suis préparée pendant quatre ans à ce procès. Mais je n'ai toujours pas compris pourquoi", poursuit-elle, d'une voix blanche, moins assurée que depuis le début de son témoignage.
"Je cherche à comprendre comment ce monsieur, qui était pour moi l'homme parfait, a pu en arriver là. Comment a-t-il pu me trahir à ce point ? Comment as-tu pu faire entrer chez des individus dans ma chambre à coucher ? Tu connaissais mon aversion pour l'échangisme", poursuit la septuagénaire, oscillant entre le tutoiement à l'égard de l'homme avec qui elle a vécu cinquante ans et son discours à l'attention de la cour.
"Nous avons eu trois enfants, sept petits-enfants. (...) Comment a-t-il pu me trahir à ce point ?", s'interroge Gisèle Pelicot. "Je ne sais pas si ma vie suffira pour arriver à comprendre", glisse-t-elle, précisant qu'elle voit "le psychiatre tous les lundis". "Et je vais lui dire : moi, j'ai toujours essayé de te tirer vers le haut, vers la lumière. Toi, tu as choisi les bas-fonds de l'âme humaine", insiste-t-elle, retrouvant de l'assurance.
"Quand ils s'excusent, ils s'excusent eux-mêmes"
Gisèle Pélicot est aussi revenue sur les nombreuses femmes de l'entourage des accusés ayant témoigné en leur faveur à la barre. "J'ai vu ces femmes, ces mamans, ces sœurs, témoigner à la barre, par rapport au fait que leur fils, leur frère, leur père, leur mari était un homme exceptionnel", note-t-elle. "Moi, j'avais le même à la maison. Le violeur n'est pas celui qu'on rencontre dans un parking, tard le soir. Il peut être aussi dans la famille, parmi les amis", affirme la septuagénaire.
Elle a également fait le point sur les premières semaines du procès, durant lesquelles elle a parfois été confrontée aux questions inquisitrices de la défense.
"On m'a dit que j'étais complice, consentante. On a même essayé de me dire que j'étais alcoolique. Il faut être solide pour être devant cette cour criminelle."
Gisèle Pelicotdevant la cour criminelle du Vaucluse
L'avocat général lui demande ce qu'elle pense des excuses formulées par une partie des accusés à son égard. "Elles sont inaudibles. Car, quand ils s'excusent, ils s'excusent eux-mêmes", estime Gisèle Pelicot.
"Vous avez pu vous exprimer à deux reprises, avec beaucoup de dignité et de force. Comment tenez-vous aujourd'hui ?", poursuit le magistrat. "J'entends beaucoup de femmes et d'hommes qui me disent : 'Vous avez énormément de courage'. Ce n'est pas du courage, c'est de la volonté et de la détermination pour faire avancer cette société", lance Gisèle Pelicot d'une voix assurée.
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