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Enseignant décapité dans les Yvelines : "Un cap est franchi", estime David Le Bars, du syndicat des commissaires de police

Le policier appelle par ailleurs à "la citoyenneté" et à "ne pas diffuser" la vidéo de l'attaque.

Article rédigé par franceinfo
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Des policiers contrôlent l'accès à une rue à Eragny le 16 octobre 2020. (ABDULMONAM EASSA / AFP)

"On a un cap qui est franchi", a réagi vendredi 16 octobre sur franceinfo David Le Bars, le secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale après qu'un professeur a été décapité devant un collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). "On est à nouveau dans ce cycle de la violence", souligne David Le Bars. Avec cette attentat sur un professeur, "c'est tout un symbole" qui a été touché.

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franceinfo : Quelle est votre réaction à cette acte terroriste ?


David Le Bars : Je voudrais d'abord, de la part des policiers, apporter toute notre compassion à la famille de la victime et aux membres de l'Éducation nationale. Cette attaque-là n'est pas uniquement celle de trop. Elle a ceci de barbare et de très grave qu'elle a en plus été revendiquée, diffusée, mise à la disposition du grand public avec la photo de la victime. Et au-delà de la barbarie et de la gravité, le spectre le plus grave de la violence, je crains qu'on ait franchi un cap par rapport à ce que ça va créer. Un chaos légitime de la part de la population, mais également un effet tache d'huile épouvantable. Je crois que c'est une des premières revendications qu'on a comme ça en direct sur les réseaux sociaux. D'ailleurs, j'en appelle à la citoyenneté à ne surtout pas diffuser, retweeter, parce que il faut respecter la famille. Il faut respecter l'horreur et il ne faut pas montrer et donner raison à cela. Je viens apporter mon soutien aux policiers parce qu'ils sont choqués aussi. Ils ont mis fin à un périple meurtrier. Ils ont abattu une cible. Il fallait la neutraliser. Et ils sont à la fois à féliciter. Il faut penser à eux puisque c'est un acte d'une telle violence que les policiers eux-mêmes sont extrêmement choqué. Il faut se rappeler que nos forces de l'ordre sont là pour arrêter ces périples meurtriers et qu'il faut du courage pour le faire.

Vous voulez dire que les forces de police sont à rude épreuve en permanence ?


Ils sont à rude épreuve en permanence. Vous voyez, on est dans un cycle de violence. On est dans des crises au pluriel, crise sécuritaire sociale, crise sanitaire, la crise terroriste. Il y a à peine quelques semaines, il y a eu une attaque près des locaux de Charlie Hebdo. On est dans une très mauvaise séquence. Il y avait des signaux de la part des services de renseignements et on savait que ce risque-là était en train de remonter. On est à nouveau dans ce cycle de la violence. Et les gens en sont conscients. Ce soir, dans un événement comme celui-là, on a besoin de nos policiers. On a besoin de nos forces de l'ordre. On a besoin de sérénité. Il va falloir compter sur eux. Mais on est dans une séquence très grave, avec sans doute un impact qu'on n'a pas encore mesuré puisque la victime n'est pas qu'un prof. C'est tout un symbole. Et là, ça ne m'appartient plus. On est dans un terrain politique, mais un professeur assassiné parce qu'il a fait un cours, et quel que soit le contenu du cours, on est dans une situation très grave. Avec en plus cette revendication sur les réseaux qui m'inquiète et qui, j'espère, ne va pas produire le chaos que celui qui voulait la poster souhaitait faire.

Est-ce que la crise sanitaire, le mouvement des gilets jaunes, ont mis au second plan la menace terroriste ? Est-ce qu'elle a été prise suffisamment au sérieux ?


Il faut le dire, oui. Parce que les services de renseignements sont à pied d'œuvre, énormément renforcés, structurés. Ils sont coordonnés. Là, on est dans l'acte le plus grave, sans doute commis par quelqu'un qui n'est peut-être même pas dans les radars. Et on ne peut pas faire croire aux Français que chaque personne qui circule dans ce pays va faire l'objet d'une surveillance. On va sans doute tomber dans cette polémique-là. On ne sait pas encore si l'individu était connu ou pas et s'il était fiché. Mais quand un fou, quel que soit le motif, au nom de la religion, un extrémiste, décide de passer à l'acte comme ça, que voulez-vous faire ? Mais on n'aura pas un policier derrière chaque auteur. J'espère qu'on ne tombera pas dans cette polémique là parce que quand les gens sont fichés, on se plaint qu'ils ne soient pas suivis en permanence. C'est un faux débat. Et quand ils ne le sont pas, on se demande pourquoi pas. Je crois qu'il faut garder du sang froid. L'onde de choc me fait redouter des effets désastreux et il va falloir garder beaucoup de sang-froid par rapport à cet acte.

Est-ce qu'il n'y a pas aussi une autre forme de franchissement, avec ce sanctuaire, l'école, qui est attaquée ?


La symbolique de s'en prendre à un professeur est immense. Au-delà de la sensation que je ressens, qui est extrêmement forte en tant que citoyen, je réalise à quel point tout ça va mettre du temps avant d'être compris. C'est une sidération pour la société toute entière qui vient s'ajouter à la froideur. Comment un terroriste a-t-il pu froidement mettre en scène cet acte livré sur les réseaux sociaux ? On a un cap qui est franchi. Je ne sais pas qui est derrière tout cela et je fais toute confiance à la justice le cours pour avancer. On est vraiment dans un acte inédit. Je pense qu'il y a des conséquences qu'on ne mesure pas encore, y compris sur le plan sécuritaire. On est dans des situations compliquées sur le plan de la violence et de la délinquance. Ce drame là aujourd'hui est effectivement une problématique qui vient s'ajouter à des semaines bien difficiles.

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