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Au procès de l'attentat de Nice, les images de la terreur diffusées sur grand écran

Après en avoir débattu, la cour d'assises spéciale de Paris a finalement décidé de diffuser jeudi les vidéos du massacre perpétré sur la promenade des Anglais le 14 juillet 2016. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les images de vidéosurveillance montrant le camion foncer sur la foule à Nice (Alpes-Maritimes), le 14 juillet 2016, diffusées au procès à Paris, le 15 septembre 2022. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCE TELEVISIONS)

Un air de charleston retentit. Les musiciens de l'orchestre, filmés de dos, battent la mesure avec leurs pieds. Les lumières roses de la fête colorent les costumes blancs. C'est le concert du 14 juillet 2016 à Nice (Alpes-Maritimes). On devine le public massé sur la promenade des Anglais. Pour ceux qui regardent ces images six ans plus tard, l'attente éclipse tout. Le trombone, le saxophone, les flashs, les applaudissements... Dans quelques secondes, un camion va surgir et tout écraser sur son passage.

Avant la projection de ces vidéos amateurs et municipales, jeudi 15 septembre au procès de l'attentat de Nice, le président de la cour d'assises spéciale de Paris, Laurent Rafiot, l'a répété : ces images sont d'une "violence effroyable", "les personnes qui ne souhaitent pas les regarder peuvent quitter la salle", "aucune captation ne doit être faite". Les journalistes ont rangé ordinateurs et portables, ressorti cahiers et stylos. Le silence s'est fait, la lumière s'est éteinte. Précédé d'une rumeur et de cris, le camion a fini par arriver sur le film projeté à l'écran.

Embardées et zigzags

Il est 21h34. L'heure est inscrite en bas de l'image. Le son est désormais coupé et le restera pendant toute la séquence. Au niveau du pont Vincent Auriol, une silhouette noire à vélo rejoint un 19 tonnes garé sur le côté. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, 31 ans, monte par l'arrière, met le contact, le clignotant, prend son temps pour s'insérer dans la circulation. A 21h46, il s'engage à vive allure dans la bretelle de la sortie Fabron. Une minute plus tard, le sinistre camion blanc n'est encore qu'un véhicule parmi d'autres sur le boulevard de Cambrai.

Au rythme des plans des caméras de surveillance de la ville, la cour suit sa funeste trajectoire jusqu'à la promenade des Anglais. Le poids lourd apparaît et disparaît dans le champ, fait demi-tour, repasse en sens inverse. Le camion roule dans la nuit, avec ses appels de phare menaçants. Il est maintenant 22h33. Le poids lourd déboule sur la promenade, fait des embardées, zigzague pour mieux renverser les gens qui flânaient là une minute plus tôt. Une femme sort précipitamment de la salle d'audience en sanglotant.

Des héros impuissants

La scène se répète, sous différents angles. La foule compacte qui déambule tranquillement. Des parents, des enfants, des poussettes... Le monstre blanc surgit et fonce dans le tas. Les pleurs aigus d'une partie civile percent le silence, un policier l'escorte à l'extérieur. Un nouveau plan fait avancer la salle à 22h34. La caméra semble s'attarder sur les promeneurs qui marchent sans savoir. Puis revoilà le 19 tonnes, la carrosserie défoncée à l'avant, qui fonce sur un groupe attroupé devant un stand. Un "putain" fuse depuis les bancs du public.

Le camion est poursuivi par un scooter, conduit par Franck Terrier, qui a témoigné mardi. D'autres héros impuissants le rejoignent et tapent sur les flancs du poids lourd pour tenter de l'arrêter.

"Pourquoi il a fait ça ?"

La foule court, se disperse. Elle est de nouveau rassemblée sur la vidéo suivante, qui rembobine la scène effroyable, jusqu'à la nausée. Il est toujours 22h34. Le camion apparaît au niveau du palais des congrès. Une clameur retentit dans la salle lorsqu'il projette les passants comme des poupées de chiffon. Certains parviennent à se relever, ébahis. L'engin de mort et de destruction finit par s'immobiliser. Des policiers entrent dans le cadre et stoppent sa course en abattant le terroriste derrière le volant. Il est 22h37. Le camion a tué 86 personnes et fait des centaines de blessés.

Les quatre minutes de l'attentat, étirées pour les besoins du procès, en ont duré vingt au tribunal. Une éternité. Lorsque la lumière se rallume, les visages sont défaits, les yeux rougis. L'audience est suspendue. Certaines parties civiles peinent à se lever. Un peu plus tôt dans la matinée, deux pédopsychiatres de l'hôpital de Nice-Lenval ont listé à la barre les interrogations des enfants, qu'elles ont reçus dès la nuit du massacre : "Pourquoi ? Qui est-il ? Pourquoi il a fait ça ? Comment on peut faire ça ?"

La cour d'assises va tenter de répondre à ces questions en l'absence de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, abattu par la police le soir de son attaque, et dont les liens avec l'Etat islamique n'ont jamais été établis. Parmi les sept accusés présents, dont aucun n'est poursuivi pour complicité, certains n'ont pas levé la tête pour regarder les écrans. Les images de la terreur, elles, ont regagné leur place parmi les scellés.

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