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Paranoïaque, obsédé sexuel, fasciné par la violence : l'ombre de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel plane sur le procès de l'attentat de Nice

Huit personnes sont jugées lors du procès de l'attentat de Nice. Mais le principal responsable Mohamed Lahouaiej-Bouhlel n'y sera pas, car abattu par la police le soir de l'attaque. Mais sa personnalité sera au centre du procès.

Article rédigé par franceinfo - Margaux Stive
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Photo de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, diffusée par la police de 15 juillet 2016, figurant sur son titre de séjour. (AFP)

Huit personnes seront pendant trois mois et demi dans le box des accusés, dans la salle d'audience de la Cour d'assises spéciale de Paris : sept hommes et une femme. Mais un homme manque à l'appel : Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, l'auteur de l'attentat de Nice, qui a foncé sur la foule à bord d'un camion de 19 tonnes, faisant 86 morts et des centaines de blessés sur la promenade des Anglais.

>> Procès de l'attentat de Nice : qui sont les huit accusés renvoyés devant la cour d'assises spéciale de Paris ?

Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a été abattu le soir-même par les tirs des policiers. Pourtant, l'ombre de sa personnalité, menaçante et violente, va planer sur le tribunal. Cet homme de 31 ans est décrit par ses proches comme paranoïaque, obsédé sexuel et fasciné par la violence. "C'était un monstre", déclara son ex-femme aux enquêteurs : un mari qui la frappait et la violait. Elle raconte même qu'un jour, il a poignardé la peluche de l'un de leurs enfants. Sur son ordinateur, les policiers découvrent aussi des milliers de vidéos macabres : des accidents de la route, des images pédophiles. Et aussi de la propagande jihadiste. 

Une question demeure : Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a-t-il réellement agi au nom de Daesh ? Si l'attentat a bien été revendiqué par l'Etat islamique, les enquêteurs n'ont jamais trouvé aucun lien entre lui et l'organisation terroriste. Il était d'ailleurs inconnu des services de renseignement. L'enquête a déterminé en revanche que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avait agi seul le soir du 14-Juillet, sans aucun complice : ainsi, puisqu'il a été tué le soir-même de l'attentat, aucune des huit personnes qui comparaissent à partir du 5 septembre n'était au courant de son projet d'attentat.

Comment Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a "entraîné" les accusés ?

Cinq sont accusés d'avoir aidé Mohamed Lahouaiej-Bouhlel à différents niveaux à se procurer des armes, sans savoir ce qu'il allait en faire. Aucun ne le connaissait directement. Ces cinq personnes, quatre hommes et une femme, d'origine albanaise pour la plupart, encourent entre cinq et dix ans de prison. Les trois autres, les accusés principaux, sont des proches ou connaissances de Mohammed Lahouaiej-Bouhlel. Les juges d'instruction estiment qu'ils ont forcément remarqué la radicalisation de l'assaillant, même s'il n'étaient pas au courant du projet d'attentat. Ils seront donc jugés pour association de malfaiteurs terroristes.

Tout le débat est : a-t-on voulu trouver des coupables, là où il n'y en avait qu'un seul, déjà mort ? Les avocats de la défense appellent à ne pas se tromper de cible. Le cœur du procès reste la personnalité de Mohammed Lahouaiej-Bouhlel, explique Me Adélaïde Jacquin, l'avocate de l'un des principaux accusés. "Il a voulu entraîner d'autres dans sa participation aux faits. Cette façon qu'il a de systématiser les photographies des autres devant son camion, cette façon qu'il a d'utiliser le téléphone des uns pour appeler les autres, et pour essayer de créer cette toile d'araignée de l'association de malfaiteurs : pour moi c'est en effet le résultat d'une démarche intentionnelle de les impliquer tous les trois ensemble, alors que les trois principaux accusés ne se connaissent pas."

Cette lecture du dossier sera contestée par les avocats des parties civiles. Me Virginie Leroy représente l'association Promenade des Anges. Pour elle, le rôle central de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ne doit pas faire oublier la responsabilité des personnes jugées pendant ce procès. "Le terroriste est décédé mais s'ils sont dans le box, ce n'est pas par hasard non plus. On n'est pas là par hasard, je ne vois rien au dossier qui montre que ce soit une manigance de l'auteur principal pour mouiller malgré eux ses copains. Le dossier est loin d'être vide."

L'absence du principal responsable aura, quoi qu'il en soit, des conséquences sur le procès. Il y aura forcément des questions sans réponse, reconnaissent plusieurs avocats. L'autre enjeu majeur sera celui des peines : la plupart des victimes attendent une réponse ferme de la justice, mais certains avocats de la défense annoncent d'ores et déjà qu'ils plaideront l'acquittement.

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