Attentat près des anciens locaux de "Charlie Hebdo" : on vous rappelle les faits avant l'ouverture du procès de six hommes
A la veille des commémorations du 10e anniversaire de l'attentat contre Charlie Hebdo, une autre attaque liée au drame s'invite devant la cour d'assises des mineurs spécialement composée, à partir du lundi 6 janvier. Pendant trois semaines, six hommes seront jugés pour leur implication dans l'attaque au hachoir survenue en septembre 2020 devant les anciens locaux du journal satirique. L'assaillant, qui visait Charlie Hebdo, mais ignorait que l'hebdomadaire avait quitté les locaux après l'attentat de janvier 2015, avait blessé grièvement deux personnes. Aujourd'hui âgé de 29 ans, il est jugé pour tentatives d'assassinats terroristes tandis que les cinq autres accusés le sont pour association de malfaiteurs terroriste criminelle, selon l'ordonnance de mise en accusation consultée par franceinfo.
Deux personnes avaient été gravement blessées
Les faits s'étaient déroulés le 25 septembre 2020 en fin de matinée. Lorsque les policiers étaient arrivés sur les lieux de l'attaque, ils avaient découvert deux personnes en état d'urgence absolue. Ces employés de la société de production Premières Lignes avaient été agressés alors qu'ils fumaient une cigarette par un inconnu qui leur "a asséné de violents coups (...) essentiellement à la tête", relate l'ordonnance de mise en accusation.
Les images de la vidéosurveillance et la reconstitution des faits "donnent une idée précise de l'étendue des blessures" et "de leurs conséquences si les victimes n'étaient parvenues à fuir". La femme de 28 ans présentait des plaies et des fractures au visage avec "au moins 10 jours d'ITT" et l'homme de 32 ans souffrait de plusieurs fractures du crâne et une "ITT d'au moins trois mois", selon le procureur national antiterroriste de l'époque, Jean-François Ricard.
L'attaque avait ravivé des souvenirs douloureux, cinq ans après l'attentat contre Charlie Hebdo. Les événements étaient intrinsèquement liés, l'assaillant ayant reconnu vouloir s'en prendre aux employés du journal satirique, sans savoir que la rédaction avait déménagé. Plusieurs journalistes de l'agence qui avait déménagé dans les anciens bureaux de Charlie Hebdo avaient alors déploré l'absence de surveillance policière. Le ministre de l'Intérieur avait donc "demandé au préfet de police de Paris de renforcer la sécurisation d'un nombre de sites, y compris de sites qui peuvent être symboliques".
L'attaque avait été "minutieusement préparée"
L'homme à l'origine de cette attaque au hachoir avait 25 ans au moment des faits. Après s'être présenté aux forces de l'ordre sous une fausse identité, il avait reconnu au cours de sa huitième audition de garde à vue son véritable nom : Zaheer Mahmood. Seul précédent connu des autorités : il avait été impliqué, trois mois avant les faits, dans une rixe violente lors de laquelle il portait une feuille de boucher. Des photographies d'armes avaient été découvertes dans son téléphone par les enquêteurs.
Au cours des auditions, le mis en cause a rapidement "détaillé les motivations de son geste, et expliqué la colère qu'il a ressentie lors de la nouvelle publication par Charlie Hebdo de caricatures du prophète Mahomet", selon les magistrats instructeurs. Zaheer Mahmood fait référence à un dessin du journal satirique publié à l'occasion de l'ouverture, début septembre 2020, du procès des attentats de janvier 2015. La caricature avait entraîné des manifestations dans des pays musulmans, dont le Pakistan, son pays d'origine.
"Ici, aujourd'hui, le 25 septembre, le vendredi, je vais aller me révolter contre ça." Ces propos émanent d'une vidéo retrouvée sur le téléphone de l'assaillant et partagée sur les réseaux sociaux, enregistrée le matin des faits. Pendant près de trois minutes, Zaheer Mahmood y détaille le geste qu'il s'apprête à commettre. Il n'y fait aucune allégeance à un groupe terroriste en particulier. Toutefois, l'enquête a mis en lumière son intérêt pour les vidéos de Khadim Hussain Rizvi, fondateur du parti islamiste Tehreek-e-Labbaik Pakistan.
Dans leur ordonnance de mise en accusation, les magistrats instructeurs considèrent que son "geste a été minutieusement préparé par plusieurs repérages sur les lieux des faits et par l'achat notamment d'armes", dont le hachoir. Le jeune homme reconnaît les faits "et les justifie devant les enquêteurs en assurant tout particulièrement que 'mourir en martyr' était sa récompense". Ils soulignent aussi que "Zaheer Mahmood adopte un positionnement de victime sans cohérence avec la prise de conscience qu'on pourrait attendre de lui plusieurs années après les faits, au regard des images d'une violence inouïe (...) et des lourds traumatismes présentés par les deux victimes". Il comparaît pour "tentatives d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste".
Cinq amis sont accusés d'association de malfaiteurs
Conformément aux réquisitions du ministère public, cinq amis de l'assaillant, tous d'origine pakistanaise, sont jugés à ses côtés pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Trois d'entre eux avaient moins de 18 ans au moment des faits, ce qui explique que le procès se tienne devant la cour d'assises des mineurs. Agés de 17 à 21 ans le 25 septembre 2020, ils sont accusés de complicité à différents degrés, du soutien dans le processus de radicalisation à l'aide à la réalisation du projet.
Ils sont jugés pour plusieurs motifs, parmi lesquels celui d'avoir motivé et soutenu Zaheer Mahmood "dans son processus idéologique" et d'avoir échangé avec lui de la propagande "appelant au meurtre des blasphémateurs", rapporte l'ordonnance de mise en accusation. Les enquêteurs ont aussi établi qu'ils avaient chacun eu connaissance du projet de l'assaillant, sans chercher à le dissuader. Tous ont affirmé le contraire en garde à vue, à l'exception de l'un d'entre eux. Le jeune homme a reconnu avoir été mis au courant et s'être "efforcé de dissuader son ami", mais il a dit ne pas avoir cru au "sérieux" de ce projet.
Les cinq accusés comparaissent aussi pour avoir contribué au retentissement médiatique de l'attentat, minutieusement anticipé par Zaheer Mahmood. Par exemple, deux d'entre eux ont reçu les mots de passe de sa boîte mails et de ses réseaux sociaux afin de relayer, après l'attaque, "des éléments glorifiant et justifiant le crime commis". Un autre a été destinataire de la vidéo de revendication, deux heures avant que l'attaque ne soit commise. Il était chargé de la diffuser à ses complices. Un non-lieu a en revanche été prononcé pour un septième homme, âgé de 52 ans, qui avait été présenté par l'assaillant comme son "commanditaire".
"Un des enjeux de cette instruction était de faire une analyse de la notion de blasphème pour ces jeunes mineurs isolés pakistanais, regroupés en France par l'Aide sociale à l'enfance, dans les mêmes chambrées", avait commenté Moad Nefati, avocat d'un des cinq hommes, auprès de l'AFP en mars dernier. "Cette réflexion n'est pas intervenue et nous aurons donc un procès classique d'association de malfaiteurs terroriste, où notre client sera renvoyé pour avoir prêté son téléphone portable à son colocataire", a-t-il regretté.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.