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Procès des attentats de janvier 2015 filmé : l’accès aux images sera autorisé après la fin du procès, "quand tous les appels auront été clos", explique un historien

Il y aura au moins quatre caméras lors de ce procès qui se tiendra en septembre 2020, affirme Christian Delage. Le directeur de l’Institut d’histoire du temps présent précise que c'est le président du tribunal qui décidera de ce qui doit être filmé ou non.

Article rédigé par franceinfo
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Une salle d'audience du Palais de justice de Paris (17e arrondissement). (MANUEL COHEN / MANUEL COHEN)

"L'accès à ces archives, même restrictif, ne peut être fait que quand le procès est entièrement terminé, c’est-à-dire quand tous les appels ont été clos", a expliqué sur franceinfo jeudi 9 juillet Christian Delage, historien, réalisateur et directeur de l’Institut d’histoire du temps présent, alors que la justice vient d'autoriser la captation du procès des attentats de janvier 2015 qui débutera en septembre prochain. "C’est le président du tribunal qui décide ce qui est filmé pendant la durée du procès, c'est lui qui appuie sur le bouton qui déclenche la caméra", a précisé Christian Delage, commissaire de l’exposition "Filmer les procès, un enjeu social" qui se tiendra à partir du mois d’octobre 2020 aux Archives nationales à Paris.

franceinfo : A quoi cela sert-il de filmer un tel procès ?

Christian Delage : Certains procès sont considérés comme ayant un intérêt historique et donc peuvent être filmés à la demande, en général, des présidents des tribunaux concernés. Pour ce qui concerne le procès des attentats de janvier 2015, c'est un procès d'assises et donc seuls ceux qui peuvent être présents représentent la société française. Donc, étant donné l'impact de ce procès, le fait de le filmer va permettre à toute personne intéressée de voir ce qui s'est dit durant les six semaines d'audience. Évidemment, après la fin du procès, parce que c'est l'une des contraintes qui est posée.

Comment faire pour éviter que les caméras ne troublent la sérénité des débats ?

Ce qu'il faut savoir, c'est qu'à partir du moment où une décision de filmer un procès est prise, elle s'impose à tous les protagonistes du procès. On ne demande pas l'avis de chacun pour savoir si on filme ou pas. D'où l'importance, évidemment, dans ce filmage, de respecter ce que l'on appelle l'intégrité des débats et le calme qu'il convient de préserver. Il n’y aura pas une seule caméra, il y en aura au moins quatre. Elles sont déjà installées puisque dans le nouveau Palais de justice de la porte de Clichy (17e arrondissement de Paris), toutes les salles sont équipées de caméras et d'écrans. Une nouveauté qui tient compte justement de ce que j'appellerais la jurisprudence des filmages de procès.

Je pense qu'une fois que les audiences ouvrent, même si les gens savent que les caméras sont présentes, très vite, ils vont l'oublier parce que ce qui se passe dans le procès va être beaucoup plus important que le fait de se savoir filmé.

Christian Delage, historien

à franceinfo

Selon certains, ça pose aussi la question de la présomption d'innocence et de la protection des témoins. Comment réglez-vous cette question?

Je pense que ce n'est pas parce que vous filmez une personne qui est dans le box que vous portez atteinte à sa présomption d'innocence puisque vous n’allez la filmer que quand elle intervient. Vous la filmez dans le cadre de ce qui est en train de se passer puisque c’est le président du tribunal qui décide de ce qui est filmé pendant la durée du procès, c'est lui qui appuie sur le bouton qui déclenche la caméra.

Les accusés ne seront pas filmés à leur insu ou dans des situations qui pourraient porter préjudice à leur personne.

Christian Delage

à franceinfo

Pour ce qui concerne les témoins, c'est une autre histoire puisque nous sommes dans un procès où il y a certes 14 accusés, mais où les principaux accusés, les frères Kouachi, Coulibaly, sont morts. Donc, si vous voulez, les témoins vont avoir une très grande importance. Et donc, en général, quand un témoin se sent en mauvaise position ou autre, il est tout à fait possible qu'il ne soit pas filmé de face voire pas filmé du tout s’il craint pour sa sécurité ou pour sa capacité à pouvoir s'exprimer.

Qui aura ensuite accès à ces images ?

Le procès étant filmé, une archive est constituée. Tout ce travail est suivi à la fois par le ministère de la Justice et les Archives nationales. Et ensuite, une fois que l'ensemble des images seront réunies et disponibles, il pourra y avoir un accès. Mais cet accès est très limité puisqu'il y a un temps ciblé pendant lequel l’accès à l’archive n’est pas public. Mais en tout cas, toute demande sera reçue. Il va de soi que l'accès à ces archives, même restrictif, ne peut être fait que quand le procès est entièrement terminé, c’est-à-dire quand tous les appels ont été clos.

Qu'est-ce qu'on a fait des images des procès qui ont été filmés ? Ce sont des historiens, des chercheurs, des étudiants qui s'y penchent ?

Oui, en général. Par exemple, pour le procès Barbie (ancien criminel de guerre nazi), l’historienne Dominique Missika a fait une série documentaire pour la chaîne Histoire. Quand vous regardez ce type de procès après coup, le jugement a été rendu. Il n'y a plus, entre guillemets, de suspense. Donc vous êtes vraiment dans ce que peut apporter un procès, c'est-à-dire une tentative de faire se croiser les protagonistes, accusé(s) et victime(s) et de faire un travail de connaissance et d'explication par rapport au comportement des uns et des autres.

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