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Le projet de révision constitutionnelle saura-t-il séduire les parlementaires ?

Les débats s'ouvriront le 3 février à l'Assemblée nationale, avant que le texte ne soit examiné par le Sénat. 

Article rédigé par franceinfo
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Manuel Valls donne une conférence de presse à l'Elysée, mercredi 23 décembre 2015.  (AFP)

Le projet de révision de la Constitution retient finalement bien la déchéance de nationalité pour tous les binationaux nés Français condamnés définitivement pour terrorisme. Présenté mercredi 23 décembre en Conseil des ministres, le texte doit, pour être mis en application, atteindre la majorité des 3/5e au Congrès, comme c'est la règle dès lors qu'il s'agit de changer la Constitution.

Les débats s'ouvriront le 3 février à l'Assemblée nationale, avant de passer devant le Sénat. Quelles sont les chances de voir cette révision constitutionnelle adoptée ? Alors que la question de la déchéance de la nationalité divise, surtout à gauche, certains s'interrogent sur un éventuel calcul politique de François Hollande.

Manuel Valls fait confiance aux parlementaires... 

Manuel Valls était hostile à la déchéance de nationalité, mais se battra pour vendre la réforme constitutionnelle qui l'instaurera. "Comme l'a annoncé le président de la République devant le Congrès, le gouvernement a décidé de soumettre au Parlement l'extension de la déchéance de nationalité à tous les binationaux", a déclaré le Premier ministre lors d'une conférence de presse à l'Elysée. 

"J'ai confiance dans la responsabilité de la majorité comme de l'opposition" concernant l'examen du projet de révision constitutionnelle devant le Parlement, a-t-il assuré. "J'ai confiance dans ce qui se dégage dans ce pays, qui est capable de sursaut et de se rassembler sur l'essentiel."

La prolongation à trois mois de l'état d'urgence avait été adoptée par les deux chambres le 20 novembre, à la quasi-unanimité (551 voix pour, 6 contre – 3 PS et 3 écologistes – et une abstention – PS – à l'Assemblée, et 336 pour et 12 abstentions – onze communistes et un écologiste – au Sénat). Mais, cette fois, l'adoption est loin d'être jouée d'avance. 

... mais ceux-ci sont divisés

Après la conférence de Manuel Valls, est venu le temps des réactions. Au Parti socialiste, comme chez Les Républicains ou à l'UDI, on s'est réjoui du maintien de cette mesure, si controversée la veille. "Le président a tranché. Il respecte l'avis du Conseil d'Etat. Il tient les engagements contre le terrorisme pris devant le Congrès", a ainsi tweeté Bruno Le Roux, le chef de file des députés PS. 

"Avec la déchéance de nationalité, l'engagement du président devant le Congrès et les Français est respecté. Il faut s'en féliciter", a renchéri le député socialiste Christophe Caresche. Et à droite ? "Après un énième revirement du gouvernement, je salue le maintien de la déchéance pour les binationaux condamnés pour terrorisme", a aussitôt réagi Philippe Vigier (UDI), sur le réseau social Twitter. "Je me réjouis du maintien par le gouvernement de la déchéance de nationalité", a également ajouté le député des Républicains Eric Ciotti. 

Un enthousiasme qui va jusqu'au Front National. Interrogé sur i-Télé, Florian Philippot, vice-président du FN, a annoncé que les parlementaires de son parti voteraient ce projet de révision de la Constitution. Un soutien inhabituel pour le gouvernement, mais qui ne pèse que deux voix à l'Assemblée nationale.  

Cette position confirme par ailleurs la réaction d'une partie de la gauche, farouchement opposée à la déchéance de la nationalité des binationaux nés Français : "La déchéance de nationalité est une mesure du Front national. La déchéance morale de Valls et de Hollande est totale", a ainsi déclaré Jean-Luc Mélenchon sur Twitter. "Je ne braderai pas mes convictions pour de la tactique. Je ne vois pas comment combattre l'extrême droite en reprenant son programme. La seule fois où on a retiré la nationalité collectivement, c'était sous Vichy", a renchéri le député frondeur Pascal Cherki.  

Certains décèlent une manœuvre politique

"Le président et le Premier ministre étaient fermement décidés à tenir bon par rapport à l’engagement fixé dans son discours au Congrès", a-t-on expliqué à l’Elysée. Mais qu'importe. Pour certains parlementaires, cette décision de maintenir la proposition polémique, après avoir entretenu le doute, participe d'un "jeu politicien".

Mais lequel ? Certains, comme l'élu des Républicains Claude Goasguen, estiment que la réforme n'a pas vocation à obtenir les 3/5e nécessaires à son adoption. "Je pense que Hollande est tellement mitterrandien qu'il sait très bien que cette réforme ne sera pas votée", a-t-il réagi. C’est ce paramètre qui, dans la délicate équation politique posée par cette question, aurait primé, bien davantage que les remous qu’elle ne manquera pas de susciter à gauche.

Et si tout n'était que "symbole", comme l'a glissé Manuel Valls au sujet de la mesure polémique ? L’objectif politique de la manœuvre est "d’offrir l’image (...) d’un incontestable durcissement sécuritaire après les 130 morts du 13 novembre", analyse Le Monde. "Et, aussi, celle d’un exécutif ouvert à toutes propositions et prêt à réellement appliquer le principe de l’union sacrée post-attentats."

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