Procès des attentats du 13-Novembre : qu'est-ce que la perpétuité incompressible, la peine prononcée contre Salah Abdeslam ?
Le principal accusé, qui a écopé de la plus lourde condamnation lors du verdict rendu mercredi soir, va passer au moins trente ans en détention avant de pouvoir demander un hypothétique aménagement de peine.
Il a écopé de la plus lourde peine prévue par le Code pénal en France. Principal accusé et seul membre encore en vie des commandos du 13-Novembre, Salah Abdeslam a été condamné mercredi 29 juin à la perpétuité incompressible, comme l'avait requis le Parquet national antiterroriste (Pnat). Cette sanction rare rend infime la possibilité d'obtenir un aménagement de peine, et donc une libération.
Lors des réquisitions, les avocats généraux avaient estimé que l'accusé avait été un acteur-clé, "resté fidèle jusqu'au bout à son idéologie" islamiste radicale et incapable "d'exprimer le moindre remords". La cour d'assises spéciale de Paris l'a reconnu coupable d'être "co-auteur" d'une "scène unique de crime". Salah Abdeslam est ainsi condamné à la perpétuité incompressible pour les seules tentatives de meurtres sur les policiers intervenus lors de l'assaut du Bataclan. Franceinfo revient en détail sur ce que signifie cette condamnation.
Au moins trente ans derrière les barreaux
La perpétuité incompressible – ou plus précisément une peine de réclusion à perpétuité assortie d'une période de sûreté incompressible – est la peine la plus sévère existant dans le droit français. Le Code pénal prévoit que pour certains crimes particulièrement graves, cette période de sûreté, pendant laquelle le condamné ne peut bénéficier d'aucun aménagement de peine, soit illimitée dans le temps.
Dans les faits, la loi prévoit que pendant trente ans, le détenu ne peut demander ni permission de sortie, ni libération conditionnelle, ni suspension ou fractionnement de peine, ni placement à l'extérieur ou en semi-liberté.
A l'issue de cette période de trente ans de détention, la peine de perpétuité incompressible (ou "perpétuité réelle") peut toutefois être remise en cause, mais sous des conditions très strictes. Le condamné peut demander au tribunal de l'application des peines de mettre fin à la période de "perpétuité réelle". Ce qui peut ouvrir la voie, ensuite, à un aménagement de peine.
Ce tribunal ne peut mettre fin à la "perpétuité réelle" qu'après avis d'une commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation chargée de déterminer s'il y a lieu de mettre fin à l'application de la décision de la cour d'assises. Pour obtenir gain de cause, le condamné doit manifester des gages sérieux de réadaptation sociale. Le tribunal s'assure également que sa décision n'est pas susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public et recueille en amont l'avis des victimes. Il se prononce après l'expertise d'un collège de trois experts médicaux qui évaluent l'état de dangerosité du condamné.
Une sanction réservée aux crimes les plus graves
Lorsqu'elle est instituée dans le droit français en 1994, sous l'égide du ministre de la Justice Pierre Méhaignerie, cette peine n'est destinée qu'aux crimes les plus graves : les meurtres avec viol ou torture sur mineur de moins de 15 ans et les meurtres commis en bande organisée.
En 2011, une première extension de la loi a lieu, ouvrant la possibilité de prononcer une perpétuité incompressible lors de l'assassinat d'une personne dépositaire de l'autorité publique (policier, magistrat, etc.), à l'occasion ou en raison de ses fonctions. A la suite des attentats survenus en novembre 2015 et ayant fait 131 morts et 413 blessés à Paris et Saint-Denis, la loi du 3 juin 2016 a élargi la possibilité de prononcer une perpétuité incompressible aux auteurs de crimes terroristes.
Quatre criminels condamnés depuis son instauration
Salah Abdeslam, actuellement âgé de 32 ans, est le cinquième criminel de l'histoire pénale française à écoper de cette peine.
En 2007, Pierre Bodein avait été le premier à être condamné à cette peine. Le tueur en série, dit "Pierrot le fou", avait été reconnu coupable de trois meurtres, deux viols et deux enlèvements. Depuis, la perpétuité incompressible n'a été prononcée que pour trois autres criminels. En 2008, Michel Fourniret – mort en mai 2021 – a été condamné à cette peine pour les meurtres de sept jeunes femmes ou adolescentes entre 1987 et 2001.
Cinq ans plus tard, Nicolas Blondiau a hérité d'une peine similaire pour le viol et le meurtre de la petite Océane, âgée de 8 ans, en 2011. Enfin, cette "perpétuité réelle" a été appliquée en 2016 à Yannick Luende Bothelo, condamné pour le viol et l’assassinat de Marion, 14 ans, à Bouguenais, près de Nantes.
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