Procès du 13-Novembre : le journal de bord d'un ex-otage du Bataclan, semaine 31
David Fritz-Goeppinger fait partie de la douzaine de personnes prises en otage par les terroristes au Bataclan. Photographe, il a tenu son journal de bord pendant toute la durée du procès des attentats du 13-Novembre.
Depuis le 8 septembre 2021 le procès des attentats du 13-Novembre se tient à Paris. David Fritz-Goeppinger, victime de ces attentats, est aujourd’hui photographe et auteur. Il a accepté de partager via ce journal de bord son ressenti, en image et à l'écrit, durant les longs mois que durent ce procès fleuve, qui a débuté le mercredi 8 septembre 2021 devant la cour d'assises spéciale de Paris. Voici son récit de la 31e semaine et ultime semaine d'audience. Et l'épilogue signé Gaële Joly, journaliste au service police-justice de franceinfo.
>> Le journal de la trentième semaine
Epilogue
Ce soir, à l'énoncé des peines, David, je te regarde pour la dernière fois assis au fond de cette salle d'audience. Ce visage que j'ai scruté chaque midi pendant dix mois, ta colère froide face aux provocations de Salah Abdeslam. En novembre, c'est ton corps qui s'est mis à crier, tes muscles, ton dos, ta colonne vertébrale a un peu vacillé. J'ai vu tes larmes, ton chagrin, ta détermination aussi quand il a fallu déposer devant la cour. Début janvier, Omicron s'est invité sur l'île de la Cité, le procès a été suspendu quatre fois, j'ai senti ta lassitude. Quelque part au printemps, tes vieux démons t'ont rattrapé. J'ai vu la tête des mauvais jours. Tu as même perdu foi en ton journal de bord. Tu es parti à New York avec ta belle Doris. Tu as soufflé, tu es revenu, et tu t'es remis à écrire.
Mais jamais, tu n'as lâché, jamais nous n'avons oublié de rigoler. Tu es un garçon solide, joyeux, lumineux. C'est fou, tu n'as que 30 ans, j'ai parfois tendance à l'oublier.
En dix mois d'audience, David, tu as perdu 27 kilos. La course comme exutoire. Tu es devenu mon coach sportif, tu es surtout devenu mon ami.
David, avec ce procès, tu auras accompli ce pourquoi tu as choisi de venir témoigner à la barre le 19 octobre dernier, livrer un récit minutieux de ce qui s'est passé le 13 novembre 2015 dans ce "couloir des otages". Un récit utile à la manifestation de la vérité. Ça n'a pas échappé à l'avocat général, Nicolas Le Bris, il t'a cité plusieurs fois dans son réquisitoire. Quel hommage.
Après le procès, tu m'as dit vouloir prendre ta retraite de victimes du terrorisme, reprenant les bons mots de ton ami Arthur Dénouveaux.
A la fin de l'année, tu iras fouler les terres de ton pays natal, le Chili, terminer ce trek patagonien démarré en 2016, quelques mois seulement après les attentats, effacer le souvenir douloureux de cet échec amer. Cette fois, tu iras jusqu'au bout, j'en suis certaine. Boucler la boucle. Avancer encore et toujours, avec cette rage de vivre et désormais, cette nouvelle famille, celle du procès du 13-Novembre que l'on surnomme le V13.
Hier, sept ans après ce "carnage à Paris", que nous avons raconté sur franceinfo, au pied du Bataclan, jusqu'à très tard dans la nuit avec Mathilde Lemaire qui couvre le procès avec moi, le journal Libé a titré : "L'humanité a gagné". J'en ai pleuré. Peut-être parce qu'il est difficile de la quitter cette si belle humanité qui nous a redonne foi en l'être humain.
Avec ce verdict, il est temps aussi pour moi de refermer sept ans de vie journalistique sur ce terrible drame. Merci de pouvoir le faire ici avec toi. Quel symbole ! Quel privilège ! Merci David du fond du cœur.
Bon vent mon ami.
Gaële
Les peines
Le 29 juin 2022, à 20h25, la cour d'assise spéciale a rendu son verdict.
Salah Abdelsam : perpétuité incompressible.
Mohamed Abrini : perpétuité assortie d’une période sûreté de 22 ans.
Mohammed Bakkali : 30 ans de réclusion criminelle, avec une période sûreté aux deux tiers.
Sofien Ayari : 30 ans de réclusion criminelle, avec une période sûreté aux deux tiers.
Ali El Haddad Asufi : 10 ans de réclusion criminelle.
Mohamed Amri : 8 ans de prison, dont deux-tiers de sûreté.
Hamza Attou : 4 ans de prison dont deux avec sursis.
Abdellah Chouaa : 4 ans d’emprisonnement dont 3 avec sursis
Osama Krayem : 30 ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté de deux tiers.
Adel Haddadi : 18 ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté aux deux tiers.
Muhammad Usman : 18 ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté aux deux tiers.
Ali Oulkadi : 5 ans d’emprisonnement dont 3 avec sursis.
Yassine Atar : 8 ans d’emprisonnement, deux tiers.
Farid Kharkhach : 2 ans d’emprisonnement.
L’espace d’un instant, j’aurai à nouveau 23 ans
Mardi 28 juin 2022. J’ai mis un moment avant d’ouvrir cet outil de traitement de texte. Je n’avais pas envie d’écrire ces mots. Pas envie d’en arriver là. Pas envie d’oblitérer la blancheur absolue de cette ultime page. Et en même temps. En même temps, pourquoi ne pas le faire ? Comment ne pas vous dire à quel point tout cet ensemble a été reconstituant pour moi ? Comment ne pas vous dire mon soulagement d’être arrivé au bout du procès, au bout du tunnel, au bout du couloir, à l’aube d’un futur que je ne pensais pas atteindre ?
Je ne sais pas.
Longtemps, je n’ai pas su, je n’ai pas vu d’horizon, j’étais, comme tant d’autres, resté bloqué au même endroit : le 13-Novembre. Puis nous, parties civiles, avons avancé. Que pouvions-nous faire d’autre ? La société a avancé aussi, sans même nous demander notre avis. J’en ai la certitude : je ne m’arrêterai pas. Jamais. En sortant de ce foutu couloir, je me l’étais promis à voix haute. Cette même voix me guide encore aujourd’hui. Je suis en vie putain. Alors je vis, je respire et j’existe à travers la mémoire des autres, les écrans, les yeux. Personne ne m’arrêtera. Pas le terrorisme, pas le procès, pas les derniers mots des accusés, pas le verdict. Rien. J'ai une rage de vivre née de l'échec cuisant de la terreur. Personne ne nous fera taire. Je le sais car la communauté de ceux qui ont vu grandit chaque jour et s’efforce de transmettre. Je me souviendrai chaque jour de ma vie de ces 149 jours. Je voulais que les gens comprennent. Qu’ils comprennent qu’une victime du terrorisme, c’est autre chose que la date qui l’a transformé. Qu’être victime, c’est être l’acteur de sa propre vie, bien qu’elle soit bringuebalante. Qu’être victime du terrorisme, c’est avoir une voix. Que me reste-t-il d’autre, au fond ?
La vie est faite d’éternels rites.
Dix mois. Il a fallu dix mois pour tout reprendre, à partir de zéro. Un procès long, mais aurait-on pu faire plus court ? Ces séances auraient-elles été si riches ? Le résultat aurait-il été aussi profond ? Il le fallait sans doute pour, jour après jour, reproduire le temps et l’espace d’un univers morbide, fait de terreur et de sang. Centimètre après centimètre, nous avons avancé ensemble et seuls à la fois. Parfois à distance même de la fournaise endothermique de la salle d’audience. Oui, ce procès fut grand, long, interminable parfois. Mais il nous a permis d’aller de l’avant, au rythme de la Cité, en essayant de reprendre les rênes de nos vies, essayer de bouger, enfin.
J’aurai à nouveau 23 ans.
Le président aura commencé sa lecture du verdict au moment où vous lirez ces quelques mots. Je serai sans doute assis au fond de la salle d’audience principale aux côtés de mon épouse et de ceux avec qui j’ai pensé ces lignes au long court. À vrai dire, je suis certain que si nous tendons suffisamment l’oreille, le grincement de la balance de la justice remplacera la voix de Jean-Louis Périès. L’espace d’un instant, j’aurai les mains couvertes de sang, stigmates de ma lutte contre le vide au-dessus du passage Saint-Pierre Amelot. L’espace d’un instant, je prendrai les habits de l’homme que je ne suis plus pour lui donner la chance d’exister une dernière fois et lui dire, doucement : “Écoute.”
Pourquoi ?
La honte tombera sur ceux qui ont trahi leurs convictions, manqué à leur propre parole et se sont tournés vers la doctrine des forces armées. […] L’histoire ne s’arrête pas, ni avec la répression ni avec le crime. C’est une étape difficile et il est possible qu’ils nous écrasent mais l’avenir appartiendra au peuple. L’humanité avance vers la conquête d’une vie meilleure. […] Allez de l’avant sachant que bientôt s’ouvriront les grandes avenues où passera l’homme libre pour construire une société meilleure.
Salvador Allende, 11 septembre 1973
Lundi 27 juin. Retour au Palais de Justice, aujourd’hui. Après un réveil difficile à 6 heures, j’ai décidé d’aller courir pour me vider la tête et ne penser à rien, encore moins à l’audience. Le bruit assourdissant des personnes dans la salle des pas perdus m’agresse presque en y pénétrant. Dans les regards des parties civiles, gendarmes et avocats que j'aperçois, je retrouve la même émotion : c’est bientôt la fin.
L’audience démarre avec une demi-heure de retard et lorsque la sonnerie retentit, quelqu’un crie dans la salle des pas perdus : "Ça sonne !" Comme pour annoncer la fin de la récréation. Le président prend la parole pour ouvrir l’avant-dernier et très court chapitre de l’audience : les derniers mots des accusés.
C’est Hamza Attou qui commence, voix posée malgré son émotion. "Je condamne tous les attentats terroristes." Il remercie les victimes et familles de victimes qui sont venues vers lui tout au long du procès et leurs souhaite de "surmonter ça" : "Je sais que ça va être difficile à vivre." Il conclut en remerciant la cour.
Vient ensuite le tour de Abdellah Chouaa. Il respire fort et fait du bruit dans le micro, son émotion est palpable. Il évoque sa "peur que vous fassiez une erreur" et s’adresse directement à Abrini : "Je t’en veux, frère, je ne sais pas si un jour je te pardonnerai, j’en souffre". L’homme peine à contenir ses larmes mais poursuit en remerciant ses avocats et la cour.
Ali Oulkadi peine à parler tant il est saisi d’émotion. Il s’interroge à la barre : "Comment adhérer à ces idées qui n’ont semé que mort, malheur et tristesse ?" La justesse de cette phrase me pique, c’est dur à entendre. Il conclut en remerciant ses avocats mais également tous les acteurs du procès.
Muhammad Usman prend la parole mais je n’ai pas réussi à l’entendre.
Mohamed Abrini se lève ensuite pour ses derniers mots : "Je n’ai pas attendu le procès pour avoir des regrets. Ce qui est arrivé est horrible. Tous les jours on a des regrets, voilà." Il répond à son ami Abdellah Chouaa : "Je sais qu’Abdellah a fait des jours de prison alors qu’il était innocent. J’éprouve beaucoup de remords. Je me dis que quelque part, j’aurais pu arrêter tout ça. Ça a été très difficile pour moi de regarder les victimes assises dans la salle. J’espère que toutes les victimes pourront tourner la page et avancer, se reconstruire. Tout ça n'aurait jamais dû se produire."
Farid Kharkhach s’adresse ensuite à la cour et aux parties civiles : "J’aimerai leur dire que par leurs témoignages, ils m’ont beaucoup touché. Sachez que je les porterai dans mon cœur jusqu’à la fin de mes jours. Il y en a parmi vous qui m’ont appris le courage, le respect, l’humilité et la plupart m’ont appris le pardon."
Mohamed Amri, visiblement ému mais préparé à son intervention : "En arrivant ici, je me suis dit que je n'aurai jamais la force de prendre la parole. J’ai le sentiment d’avoir été entendu. (...) J’ai pu m’exprimer et pour ça, je remercie la cour. Sur les faits, ma position n’a pas changé. Je n’explique pas pourquoi je n’ai pas dénoncé Salah Abdeslam." Et il continue en revenant sur les faits.
Ali El Haddad Asufi, solennel et court : "J’attends beaucoup du verdict. Je voulais dire plein de choses, c’est un peu stressant de prendre la parole comme ça. (...)"
Adel Haddadi est court lui aussi mais ému, "Je veux remercier mes avocats (...) J’ai été très touché par les victimes."
Sofien Ayari, précis et millimétré dans son ultime intervention : "Pour ma défense, monsieur le Président : franchement, je ne sais pas quoi dire, en fait. Parce que depuis le début du procès, si on se défend, on a une défense de vendeur de shit et si on se tait, c’est faire preuve de mépris envers les victimes et la cour. Je ne sais pas quelle attitude adopter. Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, y’a toujours quelque à dire, y’a toujours quelque chose. (...) Moi, monsieur le Président, j’ai été clair en fait, j’ai expliqué les raisons pour lesquelles je me suis tu et j’ai parlé. (...) Il y a des choses que je ne peux pas donner. Mais ce que je peux, je l’ai fait. Après, voilà, pendant une journée, j’ai essayé de répondre aux questions et j’ai expliqué pourquoi j’ai combattu, pourquoi j’ai quitté la Syrie." De façon générale, il espère ensuite que "plus jamais une personne ne soit confronté à de telles tristesses et de telles souffrances". Et il précise "dans le monde, pas seulement en France ou en Europe." Toujours aussi précis, il revient ensuite sur les différentes interventions et accusations reçues durant l’audience, des avocats des parties civiles, du parquet. Et précise qu’il n’a jamais été méprisant envers qui que ce soit, qu’il déteste ce sentiment. Il conclut avec un dernier regard vers les victimes et remercie la cour.
Osama Krayem fait un signe négatif de la tête, le président l’indique à l’oral.
Mohamed Bakkali est court : "Pour ma défense, non. Mais il y a deux choses que je considère vouloir dire, vu que je ne l'ai pas fait publiquement. Je voulais condamner fermement ces attentats et la deuxième chose, qui est plus importante pour moi : je voulais présenter mes excuses aux victimes. Je ne l’ai pas fait avant parce que j’estimais que ces mots-là n’avaient pas de place à d’autres moments."
Yassine Atar lance d’entrée qu’il ne sera pas long, ce qui fait rire l’assemblée et le président de bon cœur. Il commence en direction des victimes : "Très sincèrement, vous avez montré une dignité énorme et j’espère sincèrement que ce procès vous permettra d’aller mieux. Je n’ai rien à voir avec Oussama Atar." Et il détaille ensuite ces conditions de détention et son arrestation en 2016, il indique n’avoir "jamais apporté d’aide aux frères Bakraoui" et qu’il n’aurait jamais imaginé qu’ils deviendraient terroristes. Il conclut en parlant de son fils et indique qu’il espère pouvoir fêter ses sept ans à ses côtés.
Salah Abdeslam doit légèrement se déplacer pour prendre la parole. Visiblement secoué, il s’adresse à l’assemblée : "Bonjour à tous, mes premiers mots seront pour les victimes. Celles qui nous écoutent à la webradio qui n’ont pas pu déposer à la barre. D’autres l’ont fait pour vous." Il marque de longues pauses, comme pour contenir ses larmes : "Je vous ai présenté mes excuses et certains diront qu’elles n’étaient pas sincères. Plus de 130 morts et plus de 400 blessés. Qui peut présenter de fausses excuses à l’égard de tant de souffrances ? C’est peut-être la dernière fois que je m’adresse à vous. Il n’a échappé à personne l’évolution qui a été la mienne à ce procès et je voudrais expliquer quelques épisodes de mon incarcération, non pas dans le but de me plaindre, loin de là – ce serait même ridicule de comparer ma douleur à la vôtre – mais voilà : juste justifier l’évolution qui était la mienne à ce procès." Et il détaille ensuite précisément sa détention en Belgique et en France, dénonçant le comportement des gardiens et l’extrême isolement qu’il a ressenti durant six années. Il précise qu’en arrivant en septembre, "ça faisait longtemps [qu'il n'avait] pas vu autant de monde." En l'écoutant, j'ai le sentiment que ce semblant de vie sociale (et il le dit lui-même) lui a également permis de "bouger" durant l’audience, de s’exprimer et de répondre aux questions. Il remercie ensuite les avocats de la défense qu’il a vu "courir de gauche à droite avant de plaider". Sur le réquisitoire, il indique qu’il parle aujourd’hui avec "l’épée du parquet sur le cou" et clame ensuite son innocence. En conclusion, il cite le président Jean-Louis Périès : "'Les assassins ne sont pas dans le box'. J’ai reconnu dans cette enceinte que j’étais imparfait, j’ai fait des erreurs, c’est vrai, mais je ne suis pas un assassin, pas un tueur. Si vous me condamnez pour assassinat, vous commettrez une injustice."
Le président reprend la parole en indiquant aux accusés de porter le masque puisque l’épidémie de Covid-19 reprend. Après un court exposé sur la procédure de délibéré, Jean-Louis Périès annonce : "L’audience est suspendue, elle reprendra normalement, le mercredi 29 juin 2022 à partir de 17 heures."
Voilà. C’était court, aujourd’hui, aussi court qu’intense et puissant. Dans leur globalité, j'ai l’impression que tous les accusés ont été marqués par l’audience et par notre présence ici. J’écris ces mots depuis l’espace de presse, j’avais besoin de calme, mais autour de moi, les caméras, victimes et autres génèrent un bruit de fond terrible, c’est ça, V13. Il est 11h25 et dans mon esprit, le compte à rebours a démarré.
Mercredi, le dernier billet de ce journal paraîtra alors que le verdict résonnera dans la salle d’audience principale. Difficile pour moi de contenir mes larmes en terminant ce billet. Difficile pour moi de ne pas m’effondrer, mais pas pour l’instant, je garde ça pour plus tard.
Merci, à tous, pour tout.
À mercredi.
Dimanche 26 juin. J’écris ces mots depuis mon domicile, dimanche. Comme d’autres fois durant les dix mois, l’actualité nous a rattrapés vendredi, un attentat à eu lieu à Oslo. Les basses profondes d’un morceau de Max Richter accompagnent le son de mon clavier, il est 19h44. J’avais envie d’écrire. Quelle est cette sensation au fond de moi ?
J’ai le sentiment d’être arrivé au bout d’un chemin infini. Au bout d’une lutte infinie et si profonde qu’elle me déséquilibre. D’avoir atteint l’horizon des événements du trou noir que représente le 13-Novembre. Y a-t-il d’autres choses à décortiquer ? Y aura-t-il d’autres choses à découvrir ? Je ne pense pas. Je réfléchis à tous les moments difficiles que j’ai traversés cette année et j’aurai aimé que chacun d’entre eux soient liés à l’audience mais ça ne fut pas le cas. La vie n’attend pas. Elle n’attend pas qu’un procès historique et monumental vienne rebattre les cartes, elle n’attend pas que nous vivions de nouveau le mal. J’ai compris, alors. Compris que malgré les mains tenues ici et là, notre quête solitaire du "pourquoi" n’obtiendra jamais de réponse. Compris que malgré nos efforts conjoints à Arthur, Aurélie, Gwendal, Bruno, Séb et les milliers de parties civiles dont je fais partie pour comprendre, jamais nous n’obtiendrons la satisfaction d’entendre les raisons du pourquoi. Pourquoi avons-nous tant perdu et devons-nous encore perdre ? Pourquoi suis-je là quand tant d’autres ne le sont plus ? Pourquoi devons-nous être toujours renvoyés par nos concitoyens vers notre position la plus fragile, celle de victime ? La tête collée à la télévision, j’assistais chaque jour à l’irréparable démantèlement du pourquoi, que je cherchais à la bougie pendant tant d’années. En fait, je crois que j’ai arrêté de chercher le 20 octobre dernier, au lendemain de ma déposition. Réveillé automatiquement à 7 heures du matin, la question s’impose à moi comme on ouvrirait les rideaux de la chambre : "Suis-je encore victime ?" Je n’en sais rien.
En relisant parfois mes écrits au long du procès, j’aurais aimé vous faire rire, changer de ton et être plus léger, laisser filtrer une légère bise dans le smog. J’aurai voulu que le Journal de bord devienne une aventure plus respirable qu’irrespirable, mais je n’y suis jamais parvenu. J’aurais aussi tant aimé photographier davantage, travailler davantage la roche du Palais de Justice, mais je n’y suis pas arrivé non plus. Enfin, il n’est plus l’heure d’évoquer des remords. Après une longue réflexion, j’ai trouvé la dernière image qui accompagnera ce billet, il s’agit d’un portrait d’Arthur, enfin, vous verrez.
Demain les accusés se lèveront pour la dernière fois dans la salle d’audience. Arrivés au bout de tout ça, je me demande ce qu’ils vont dire et surtout s’ils vont tous intervenir. Je voulais continuer la liste des pensées du journal et tenais aujourd’hui à adresser mes remerciements à tous les acteurs du procès à commencer par les "gilets roses", aux petits soins quotidiennement pour nous aider. Aux psychologues de la PAV toujours prêts à nous écouter. À tous les gendarmes, quel que soit leur poste. Aux avocats des parties civiles qui se sont avancés sans relâche pour nous représenter et faire résonner nos douleurs à la barre. Aux avocats de la défense, inflexibles et dignes. Au personnel judiciaire d’avoir tant aidé. À celui ou celle qui a pensé à mettre une boîte de mouchoirs sur le pupitre quand c’était à nous. Aux avocats généraux pour leur travail profond et indispensable. À la Cour d’avoir ausculté chacune des strates de l’enquête. Au président Jean-Louis Périès pour sa patience tout au long des dix mois, mais aussi à ses assesseures, Frédérique Aline et Xavière Simeoni. Merci à Julien Quéré de nous avoir permis de vivre un procès en bonne tenue et qui a toujours été à l’écoute des moindres remarques des victimes et de leurs proches. Merci Alexia, pour ton amitié et ton implication dans tout cela. À toutes ces personnes qui ont un rôle indispensable à l’audience, les journalistes, chercheurs et dessinateurs judiciaires qui font résonner dehors ce qui fait du bruit dedans. Aux cafés Le Dauphin et Le Rose de France, aux Deux-Palais, merci Héloïse pour les doubles expressos et merci Régis pour le rosé. À mes amis d’infortune, Gwendal, Bruno, Fatima, Séb, Olivier, Nadine, Nadia, Georges, Arthur, Aurélie, Chloé et à toutes les parties civiles avec qui le partage, la générosité et la bienveillance ont été les mots-clés des dix mois. Sans parler du soutien inconditionnel d’autres victimes d’attentats sur Twitter, Instagram et Facebook. Je voulais également remercier mes proches, ma belle famille et mes amis que j’ai sans aucun doute négligés cette année. Mes parents, Ximena et Marco, d'avoir suivi et lu ce journal et de m’avoir soutenu. À mon épouse, Doris, qui a continué à m’accompagner avec patience, amour et force dans cette nouvelle épreuve, merci. Aussi et surtout, merci à vous. Merci d’avoir, tous les jours, suivi ma progression via ce journal, d’avoir pris le temps quotidiennement de lire mes fautes de frappes et erreurs d'inattention. Merci d’avoir lu, tout simplement.
Je continuerai cette conclusion demain, il est 22 heures.
"In dubio pro reo"
Vendredi 24 juin. Mon sandwich à la main, je marche en direction du Palais de Justice. De loin, j'entends le vrombissement de l'île, comme si le sol tremblait. Aujourd'hui la défense de Salah Abdeslam plaide face à la cour. En passant la première barrière Vauban protégeant l'accès à la rue du Harlay, je tombe sur une cohorte de journalistes faisant la queue. Comme un galop d'essai pour la journée de mercredi, comme un dernier jour presque normal. On sent que tout va prendre fin, on sent que l'ère de V13 arrive à sa fin mais les habitudes restent les mêmes, on s'y accroche jusqu'aux derniers instants.
Durant mon déjeuner ambulant, je me demande comment maître Vettes et maître Ronen vont pouvoir défendre un homme qui semble au fond si indéfendable, si coupable, si profondément enfoui dans l'obscurité du 13-Novembre. Le parquet a requis la peine maximale contre lui : la perpétuité incompressible. Cette peine, prononcée seulement quatre fois depuis sa création, résonne comme l'ultime recours de la justice, comme son épée la plus affutée. Si la défense du principal accusé me fascine autant, c'est parce qu'il est impliqué dans une autre strate du dossier, en Belgique. On sait donc plus ou moins qu'il passera une partie de son existence derrière les barreaux.
Les bancs sont noirs de monde dans la salle d'audience principale, maître Vettes a démarré sa plaidoirie et comme quelques-uns de ses confrères qui ont plaidé précédemment, il adresse ses pensées aux victimes et cite nommément Nadia Mondeguer et ses mots à la barre : "Faites votre travail à fond". Maître Vettes construit un propos clair et précis au sujet de son client mais aussi de l'audience elle-même. Comme pour répondre à Nadia, il lance à la cour : "Nous avons pu faire notre travail le plus sereinement possible et ça, nous le devons aussi aux victimes." L'avocat rappelle des faits simples et rappelle à tous que Salah Abdeslam était muré dans un profond silence durant des années et qualifie de "choc social" la rencontre de son client avec l'audience. Il ajoute que "c'était quelque chose pour lui de se retrouver dans ce box". Sur la peine requise contre lui, maître Vettes estime qu'il s'agit d'une "peine de mort sociale".
L'avocat poursuit et présente l'évolution de son client à l'audience et sa sortie du mutisme pour finalement participer aux débats, répondre aux questions et arriver jusqu'à pleurer en demandant des excuses : "Ces excuses et larmes n'étaient ni prévues ni demandées, elles étaient sincères." Pour ma part, je me souviens bien de ma propre rencontre avec la figure de l'accusé en septembre dernier. Comme je l'ai souvent dit avant le procès, je n'attendais pas grand-chose de l'audience, et encore moins d'un homme comme Salah Abdeslam. Je me souviens de la violence ressentie à l'écoute de l'une de ses premières interventions, qui voulait tant dire : "Je suis un combattant de l'État islamique." Avec le recul et l'expérience des dix mois d'audience, je sais aujourd'hui (et les mots de Martin Vettes me le confirment), qu'il sort d'un isolement social total, bien loin de toute stratégie, bien loin des victimes, bien loin de la justice. J'imagine alors qu'à ce moment-là, c'est encore l'homme qu'il était au mois de mars 2016 qui se retrouve face à la cour, face à la balance. Au fil des mois d'audience, je finis par prendre l'habitude de ses déclarations et aujourd'hui, je me rends compte d'une chose si simple et pourtant primordiale : il parle. Je comprends aussi que peu m'importe qu'il raconte ou non la vérité pour la simple raison que ce n'est pas à moi de le savoir.
La voix de Martin Vettes continue d'emplir la salle des criées et en l'entendant, je me demande vraiment comment les duos d'avocats ont fait pour travailler avec lui avant l'audience et surtout, pendant. Comment ont-ils fait pour réussir à le faire bouger au point qu'il réponde à maître Josserand-Schmidt le jour où il avait juré garder le silence ? Grâce à l'écran de retransmission en plan fixe sur le box des accusés, je peux observer Salah Abdeslam qui, de loin, ne semble pas vraiment réagir aux propos de son conseil.
Il s'agit aujourd'hui du dernier jour des plaidoiries de la défense. Dernier jour de l'audience en tant que telle. C'est la dernière fois que les avocats se lèvent, dernière fois que le micro et son pupitre sont utilisés. Lentement, la liste des dernières fois commence à s'allonger, signe que le verdict approche. À la fin de l'audience lundi, la cour se retirera pour délibérer. Ce processus, qui arrive à la conclusion de l'audience, est totalement secret et pour mieux en comprendre le fonctionnement je me rends sur le site de l'AFVT* : "Lors des délibérés, les juges doivent répondre à la question : 'Avez-vous une intime conviction ?', concernant la culpabilité de l’accusé. En effet, le principe de l’intime conviction est lié à la règle fondamentale, applicable devant toute cour d’assises, 'le doute profite à l’accusé'. Si la gravité des faits de terrorisme dont est saisie la cour d’assises spécialement composée rend ces procès 'inédits', l’Etat de droit et les principes du procès équitable s’appliquent strictement et impliquent le respect du principe essentiel in dubio pro reo, 'le doute profite à l’accusé'."
Martin Vettes, comme les précédents jours, revient centimètre après centimètre sur les dates précédant les attentats et rebondit sur les arguments de l'accusation (le PNAT) pour les décortiquer. La plaidoirie de l'avocat aura duré presque deux heures. Il fait chaud et l'air étouffant de la salle des criées semble suspendu. L'avocat conclut en faisant référence à des discours entendus à la barre au sujet de la réponse de la justice face à la barbarie, de la civilisation contre la barbarie. Sur celle-ci, Martin Vettes cite Romain Gary : "Il est possible que ce qu'on appelle la civilisation consiste en un long effort pour tromper les hommes sur eux-mêmes." Et il termine en revenant sur la base de ce procès, la grande boîte en bois et l'importance de celle-ci dans les dix mois : "Retrouver l'équilibre après le chaos. Un équilibre qui est symbolisé par la balance juste au-dessus de vos têtes. Peu importe le décorum de cette salle d'audience qui est accessoire, quel que soit l'endroit, la justice est belle, quand elle est bien rendue."
Le président annonce ensuite une suspension et ajoute, solennel : "Pour la dernière plaidoirie de cette audience." Une demi-heure de suspension après, c'est au tour d'Olivia Ronen de plaider. Le propos du second conseil de Salah Abdeslam présente davantage de détails concernant l'état émotionnel de son client mais également sur les faits, complétant le propos de Martin Vettes. Elle revient ensuite sur le possible renoncement de Salah Abdeslam de commettre l'attentat. Maître Ronen dénonce "un doute systémique" de l'autre côté de la barre.
Il ne reste que trois billets jusqu'au verdict et bien que je déteste la mise en abîme que cela crée, on se disait, mon épouse et moi, qu'il était important qu'une photographie de moi figure dans les archives du journal. Voilà, c'est moi la photo du jour. Cette photographie date du 19 octobre, jour de ma déposition. C'est mon épouse qui l'a prise et j'étais déjà pas mal anxieux à la perspective de déposer face à la cour, anxieux de bégayer, anxieux de fondre en larmes. J'étais déterminé à m'exprimer et à exprimer ce que j'avais vécu le 13-Novembre, si déterminé que comme on peut le voir, j'en ai le visage fermé. Aussi, comme je le disais sur Twitter il y a peu, il va falloir conclure ce journal un jour où l'autre. Fermer ce journal pour, peut-être, en ouvrir un autre, plus profond, plus intense. Je le répète souvent (et en le disant, je me dis sûrement que je vis un peu dans le passé, mais comment ne pas le faire lorsqu'on voit la vitesse à laquelle ces dix mois se sont déroulés à nos pieds) mais je repense à l'an dernier. Je repense à comment, il y a un an, j'imaginais l'architecture de ce journal. En septembre, je n'avais que peu de certitude de suivre l'audience au long court, je me laissais une issue de secours : je peux arrêter quand je veux. Tout le monde à la radio me le disait. À commencer par Xavier Meunier, l'acteur de l'ombre du journal qui en publie tous les jours les articles. "Si tu es fatigué fais une pause, t'en fais pas." Et de la fatigue, il y en a eu, des larmes de rage, d'émotion et de tristesse, mais il y a eu tant de choses constituantes, belles et intéressantes à vivre ici. Et quand je dis ici, je ne parle pas – que – du Palais de Justice mais de cet espace unique que j'ai construit de toutes pièces au fil des mots : Le journal de bord. Bon c'est vrai, le Palais a aussi apporté son lot d'événements tout aussi constituants et beaux. Parce que oui, il n'y a pas eu que du laid, pas eu que de la douleur au cœur du feu noir des dix mois. Sur les plans de celui-ci, les arguments autour de ce journal étaient nombreux : tenir les rennes, le taureau par les cornes, être actif … Mais au fil de chacun des signes que j'ai écrit ici j'ai découvert tant, tant de choses qui m'ont aidé et accompagné du fin fond du Vaucluse jusqu'aux aux marées malouines (merci la webradio). Alors voilà, il reste trois jours et j'aimerai tant dire, approfondir et continuer à penser à haute voix grâce à ce biais. Je croise les doigts, peut être que la signature d'un contrat d'édition n'est pas loin.
Pour débuter l'immense liste des remerciements, je voulais commencer par les premières rencontres qui ont permis l'élaboration et la tenue de ce journal : Gaële Joly, Delphine Gotchaux et Xavier Meunier. Merci, du fond du cœur d'avoir cru que j'avais mon mot à dire et aussi et surtout d'avoir cru en moi. Merci Xavier d'avoir publié mes écrits à pas d'heure et d'avoir tout fait pour qu'ils suivent l'actualité. Merci Gaële de m'avoir tendu le micro et la plume, merci de m'avoir envoyé ce message sur Twitter le 6 janvier 2021, au début de tout.
La plaidoirie de maître Olivia Ronen se poursuit à l'écran mais je suis trop concentré dans l'écriture des précédentes lignes pour réussir à écouter en même temps. Se confronte aujourd'hui le devoir de tenir ce journal et celui de vivre l'audience, ça devait arriver à un moment, j'imagine. Maître Ronen revient sur les conditions de détention de Salah Abdeslam et énumère, dénonce et accuse les conditions "délirogènes" de celle-ci. Elle décrit le "choc" qu'à vécu son client en "débarquant ici et en voyant 600 yeux l'observer." Maître Ronen conclut et le président reprend la parole, comme sonné, sans masque : "Nous avons terminé une bonne partie de ce procès me semble-t-il. On continue lundi, à 9h30."
Lundi, pour l'ultime audience avant le verdict, nous entendrons les derniers mots des accusés. Je poursuivrais à ce moment-là, la clôture du journal.
À lundi.
*Association française des victimes du terrorisme
Sept jours
Mercredi 22 juin. 145e jour d’audience. Le temps se compresse plus que jamais et vu le nombre de demandes d’interview que je reçois, on est proche de la fin. J’hésite toujours à répondre aux sollicitations de la presse étant donné que je tiens le journal et qu’à travers lui, je livre beaucoup. Alors je privilégie les médias étrangers pour que les dix mois résonnent outre-Manche, outre-Rhin et ailleurs. J’ai de moins en moins de temps pour m’asseoir dans la salle des criées mais j’essaye de m’y accrocher comme un semblant de quelque chose. Au fond, il ne reste qu’une semaine et même l’air dans la salle d’audience principale semble vrombir d’excitation.
Ce matin, la fille d’une grande amie m’accompagne au Palais et comme un véritable guide, je lui fais la visite du sanctuaire et lui raconte nombre d’anecdotes sur la salle des pas perdus. Cela peut paraître étrange, mais je suis heureux de pouvoir montrer tout ça à quelqu’un de l’extérieur. C’est au tour de la défense de Sofien Ayari de plaider aujourd’hui. Je n’ai pas eu le temps de voir la plaidoirie de maître Maallaoui et l’audience est suspendue pour un moment. J’en profite pour faire le portrait de Mathilde Lemaire et Gaële Joly, toutes deux journalistes au service police-justice de franceinfo. C’est la photo du jour. J’ai pensé hier à tourner le micro vers Gaële pour qu’elle me confie un peu son avis sur l’audience et sur la genèse du journal. Je n’ai pas l’habitude de l’exercice et j’hésite un peu dans mes questions et mon montage est un peu hasardeux je crois, mais bon, comme je le dis souvent, je ne suis pas journaliste.
Retour dans la salle des pas perdus pour écouter l’impressionnante plaidoirie de maître Gultasar. Mais suivre l’audience relève désormais du défi tant tout se superpose. Les écrans de retransmission continuent de tomber en panne et n’aident pas. Je fais un bref aller-retour dans la salle principale particulièrement pleine pour discuter avec Bruno et lui remettre ce que j’ai appelé "mon dernier carnet". Cela fait longtemps que j’ai arrêté de noircir les pages de mes cahiers, mais celui-ci est spécial. C’est un carnet que Nadine Ribet-Reinhart m’a offert il y a plusieurs mois et que j’ai gardé pour cette dernière semaine. Ce carnet, qui ne m’est pas destiné est voué à recueillir les mots des amis, des gens que j’ai cotoyé pendant dix mois au Palais de Justice. À vrai dire, je n’en ferai personnellement rien, mais je compte en faire don aux Archives nationales afin qu’un jour, d’autres se penchent sur ces mots.
J’écris ces paragraphes attablé dans un bruyant café près de mon domicile. Une odeur de cigarette traîne dans l’air et les gens discutent alors que les sonnettes des vélos qui passent tout près résonnent dans le restaurant. D’ici, le Palais paraît lointain et distant, pourtant m’extraire de lui fut rude aujourd’hui. C’est étrange, cette façon dissonante d’être attaché à une chose qui fait si mal, qui interroge tant et qui va bientôt s’éteindre. Je parle souvent de souffle, de respiration, d’air, d’oxygène, comme si on était au sommet de l’Everest et je repense aux mots d’Aurélie qui nous qualifiait, Arthur et moi, de compagnons de cordée. Comme si dans le fond, nous étions, nous, victimes et parties civiles finalement pratiquement arrivés sur le col à gravir.
Demain, je ne viendrai pas à l’audience, nous fêtons nos quatre ans de mariage mon épouse et moi. Nous y sommes presque et je sens au fond de moi poindre une énergie que je connais trop bien. Celle d’un bloc de mémoire qui termine son dernier déplacement sur l’échiquier de ma vie.
À vendredi.
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