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Procès du 13-Novembre : les failles des services de renseignement

Le procès du 13-Novembre qui s’ouvre demain à Paris sera aussi, en filigrane, celui des services de renseignements : comment des individus connus et fichés ont pu commettre l'attaque jihadiste la plus meurtrière sur le sol français.

Article rédigé par Stéphane Pair
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
La direction générale de la sécurité intérieure, à Paris, le 5 novembre 2017. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

A la veille de l’ouverture du procès du 13-Novembre qui va juger vingt participants et complices des attaques terroristes à Paris, difficile de ne pas évoquer les failles du renseignement. Avant le drame, la totalité des membres français de ce commando était fichés et connus des services français L’un d’eux, Samy Amimour, faisait même l’objet d’un avis de recherche international. Et le chef de cette opération de terreur, le Belge Abdelhamid Abaaoud, était la cible de la France et de tous les services occidentaux depuis l'été 2014. Aussi, le procès des terroristes du Bataclan et des terrasses sera aussi celui du renseignement.

>> Attentats du 13-Novembre : l'article à lire pour comprendre les enjeux d'un procès historique

Un mois et demi avant les attentats du 13-Novembre, Paris Match ouvre ses colonnes à Marc Trevidic. "L’évidence est là, explique le juge antiterroriste. Nous ne sommes plus en mesure de prévenir les attentats comme par le passé. On ne peut plus les empêcher. Nous, les juges, les policiers de la DGSI, les hommes de terrain, nous sommes complètement débordés. Nous risquons d’aller dans le mur."

Un mur et une accumulation de failles dont toutes ne relèvent pas des services secrets. Il y a les hésitations de François Hollande et du Quai d’Orsay à frapper les cellules qui préparent des attentats sur le sol syrien. La radicalisation islamiste en prison aussi a prospéré, face à un renseignement pénitentiaire dépassé et cloisonné. Notons aussi le vide technique et juridique sur lequel butaient les services pour intercepter les discussions cryptées des jihadistes sur les messageries comme Telegram. Et puis ce manque structurel de moyens opérationnels, dont parlait Marc Trévidic, pour surveiller les suspects radicalisés toujours plus nombreux, entraînés à se dissimuler.

Des services saturés qui communiquent mal entre eux

À la veille des attentats, l'afflux des migrants en Europe et la masse d'informations à traiter sur Daech sature le renseignement français : il faut prioriser les cibles, faire des choix. Qui ne sont hélas pas toujours les bons.

Ce que l’on retient, ce sont les fameux ratés de la coopération entre services européens et français : le principal de ces loupés s’appelle Abdhelamid Abaaoud, l'inspirateur et le lieutenant en chef des "attentats du 13", finalement tué par le Raid à Saint-Denis. Si le renseignement belge est aujourd’hui encore tenu responsable de l’interpellation loupée d’Abdelhamid Abaaoud en Grèce, début 2015, les services français n’ont pas joué "collectif", rappelle Sébastien Pietrasanta, auteur avec ses collègues députés d’un rapport en 2016 qui a fait date sur les trous dans la raquette du renseignement français.

Lors du procès qui s'ouvre mercredi, les deux grands patrons de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) sont appelés à témoigner. Bernard Bajolet, ancien chef des renseignements extérieurs, et Patrick Calvar, ancien patron de la DGSI, sont attendus devant la Cour d'assises le 16 novembre. Officiellement pour évoquer "le contexte syrien" et les informations dont ils disposaient sur la cellule de l'Etat islamique dédiée aux attentats. Et pourquoi le renseignement français a failli.

Face aux familles des victimes, il faudra aussi assumer collectivement les erreurs du passé, répondre aux questions. Un exercice périlleux auquel se préparent ces deux ex-piliers du renseignement.

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