Attentats du 13-Novembre : l'article à lire pour comprendre les enjeux d'un procès historique
Le procès dit "V13" s'ouvre mercredi 8 septembre à Paris devant la cour d'assises spécialement composée, construite dans l'ancien palais de justice de l'île de la Cité. Il est prévu pour durer près de huit mois.
C'est la plus grande audience criminelle jamais organisée en France. Le procès des attentats du 13 novembre 2015 s'ouvre, mercredi 8 septembre à Paris, devant une cour d'assises spécialement composée, six ans après les attaques jihadistes les plus meurtrières commises sur le sol français : 130 morts, 350 blessés, et un pays profondément traumatisé.
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Sur les 20 accusés qui doivent être jugés pendant près de huit mois pour ces faits, onze seront dans le box. Parmi eux, le seul survivant des commandos, Salah Abdeslam. Voici ce qu'il faut savoir sur ce procès historique dit "V13" pour "vendredi 13 novembre", jour de survenue des attaques.
Où se déroule-t-il ?
Toutes les parties souhaitaient que les attentats puissent être jugés dans un lieu unique, au cœur de la capitale. Le choix s'est porté sur la cour d'appel de Paris, dans le vieux palais de justice de l'île de la Cité. L'aménagement d'une salle d'audience "grand procès", la plus vaste jamais construite en France, a débuté dans la salle des pas perdus du tribunal en janvier 2020. Interrompus par la crise sanitaire, les travaux ont été achevés en juin 2021. Montant de l'opération : 7,5 millions d'euros.
Avec ses 750 mètres carrés, ses 45 mètres de long et 15 mètres de large, cette salle ultramoderne en bois clair peut accueillir jusqu'à 550 personnes. Mais la jauge sanitaire de 50% devrait s'appliquer (une place sur deux laissée libre). La salle devra ensuite être démontée, le palais étant classé monument historique. Mais d'autres procès pourront s'y tenir jusqu'en 2023 : celui de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice (en septembre 2022), et les procès en appel de ces deux dossiers terroristes.
Quel est le dispositif de sécurité mis en place ?
La gestion des flux de circulation à l'intérieur du tribunal est l'une des préoccupations majeures de la cour d'appel, dans un contexte de menace terroriste déjà élevée et qui pourrait s'amplifier en raison des audiences. Pas moins de 12 portiques de sécurité ont été installés. A l'extérieur, un large périmètre de sécurité devrait être mis en place pour bunkériser le palais de justice, ses différentes entrées et la salle d'audience.
Chaque jour, les accusés seront escortés vers le box sécurisé par des cheminements confidentiels au sein du tribunal. Certains des accusés ont été rapprochés dans des prisons franciliennes le temps du procès. Leurs trajets vers le palais de justice, sous haute protection, sont aussi gardés secrets. Avant l'ouverture de l'audience, ils patienteront à l'écart des autres accusés et prévenus dans l'ancien dépôt du palais, réactivé pour l'occasion. Les parties civiles et les médias auront quant à eux accès à la salle via une autre entrée et un accueil dédié.
Pendant toute la durée de l'audience, les services de renseignement seront par ailleurs "très attentifs à l'exacerbation des tensions au sein de la société française, susceptibles d'engager des actions violentes", a expliqué le patron de la DGSI, Nicolas Lerner, à France Télévisions.
Qui préside l'audience ?
Jean-Louis Péries, magistrat expérimenté de 65 ans, préside la cour d'assises spécialement composée. Cet ancien juge d'instruction a déjà été chargé de plusieurs dossiers délicats et médiatiques, comme le premier procès de l'affaire des policiers brûlés de Viry-Châtillon (Essonne). Pour préparer "V13", il a été détaché depuis avril 2020.
En matière de terrorisme, les cours d'assises ne sont pas composées de jurés mais de magistrats professionnels. Jean-Louis Péries est ainsi entouré de quatre assesseurs. Du côté de l'accusation, on compte trois avocats généraux du Parquet national antiterroriste (Pnat), qui planchent depuis près de dix mois sur le procès. Les deux premiers étaient de permanence la nuit du 13 novembre 2015.
Quels sont les faits jugés ?
Les accusés sont renvoyés devant la cour d'assises spéciale pour leur participation, à des degrés divers, à la série d'attentats commis le soir du 13 novembre 2015. Les faits débutent à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), aux abords du Stade de France, lors d'un match amical France-Allemagne. Entre 21h20 et 21h53, trois jihadistes actionnent leur ceinture explosive. Le bilan du côté des victimes – un mort, victime de l'explosion – aurait pu être beaucoup plus lourd mais les terroristes n'ont pas pu pénétrer dans l'enceinte du stade.
Au même moment, en plein cœur de la capitale, entre 21h24 et 21h41, trois tireurs mitraillent les clients de cinq terrasses de bars et restaurants parisiens situés dans les 10e et 11e arrondissements. Leurs balles tuent 39 personnes. L'un d'eux se fait ensuite exploser au restaurant Le Comptoir Voltaire, blessant plusieurs personnes. A 21h47, débute l'attaque dans la salle de concerts du Bataclan, boulevard Voltaire. Trois autres jihadistes y massacrent méthodiquement à la kalachnikov 90 spectateurs, avant d'être abattus par la police ou de se faire exploser.
Qui sont les 20 accusés ?
Tous les membres des commandos du 13 novembre 2015 sont morts, à l'exception de Salah Abdeslam. Ce Franco-Marocain de 32 ans, arrêté en mars 2016 après avoir fui en Belgique, est donc le seul assaillant à comparaître. On ignore toujours pourquoi il n'a pas commis d'attentat-suicide. La thèse privilégiée par l'instruction est que son gilet explosif était défectueux, ce qui l'aurait contraint à renoncer à se faire exploser après avoir déposé les kamikazes du Stade de France et garé sa Clio dans le 18e arrondissement, lieu de revendication d'une quatrième attaque par l'organisation Etat islamique (EI).
A ses côtés, 13 co-accusés, dont 10 dans le box et trois laissés libres, âgés de 27 à 40 ans. Onze d'entre eux, pour la plupart Belgo-Marocains, sont soupçonnés d'avoir joué un rôle de logisticiens ou de convoyeurs. Deux autres, un Algérien et un Pakistanais, devaient, selon l'accusation, faire partie des commandos.
Six accusés sont jugés par défaut et font l'objet d'un mandat d'arrêt – cinq sont donnés pour morts. Parmi eux, Oussama Atar, jihadiste belge soupçonné d'avoir coordonné les attaques depuis Raqqa, en Syrie, Obeida Aref Dibo, un cadre de la cellule des opérations extérieures de l'EI, ou encore les frères Clain, deux Toulousains auteurs du message audio de revendication des attentats du 13-Novembre.
A l'exception de l'un d'entre eux, tous les accusés encourent entre vingt ans de réclusion et la perpétuité. Ils sont défendus par une trentaine d'avocats au total.
Combien de personnes doivent être entendues ?
Près de 1 800 victimes, proches des disparus, blessées ou rescapées, s'étaient constituées parties civiles au moment de l'ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises. Pas moins de 800 autres personnes ont été identifiées comme victimes dans le dossier, sans s'être manifestées auprès de la justice. Mais on ignore combien d'entre elles viendront finalement témoigner. Selon les estimations de la cour d'appel de Paris, elles devraient être au moins 300 à déposer à la barre. Un nombre susceptible d'évoluer tout au long du procès, la constitution de partie civile étant possible jusqu'aux réquisitions du Parquet national antiterroriste. Présentes ou non, les parties civiles sont représentées par près de 300 avocats.
Du côté des témoins, doivent être entendus des enquêteurs, des experts et des spécialistes du jihadisme ainsi que des proches des accusés – l'ex-fiancée, la mère et la sœur de Salah Abdeslam – et des terroristes décédés, précise France Inter. Selon la radio, seront aussi citées comme témoins des personnalités aux manettes au moment des attentats, à l'instar de l'ancien président François Hollande, l'ex-ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve ou encore le procureur de la République de Paris de l'époque, François Molins. Le groupe Eagles of Death Metal, qui était sur la scène du Bataclan au moment de l'attentat, n'est pas cité parmi les témoins.
Quel est le calendrier prévisionnel ?
Etabli sur plus de huit mois, le calendrier prévisionnel du procès peut subir des modifications en fonction du nombre de parties civiles finalement entendues ou de la situation sanitaire. Les accusés se sont vu proposer cet été la vaccination contre le Covid-19.
>> Retrouvez le calendrier du procès du 13-Novembre
Les audiences commenceront à partir de 12h30. Le choix de ne pas siéger le matin a été guidé par le souci de préserver la "capacité d'écoute et d'attention des parties", de prendre en compte le temps de transport des accusés et de laisser aux avocats la "possibilité d'avoir une autre activité le matin", explique-t-on à la Chancellerie. La cour ne siégera pas non plus certains lundis ainsi que du 11 au 14 novembre, période des commémorations. Une suspension est aussi prévue pendant les vacances de Noël.
Après les trois premiers jours, consacrés à l'appel des parties civiles et à la longue lecture du rapport du président sur les faits, enquêteurs et experts défileront à la barre jusqu'à fin septembre. Cinq semaines sont ensuite prévues, jusqu'à fin octobre, pour entendre les victimes. Puis la personnalité des accusés sera examinée début novembre, avant d'aborder le contexte syrien des attaques et d'entendre des proches de terroristes décédés.
Après la pause de la fin d'année, le procès reprendra le 4 janvier avec les interrogatoires des accusés. Ils dureront jusqu'à début avril, entrecoupés par les auditions des services de renseignement et de l'antiterrorisme. Salah Abdeslam va-t-il répondre aux questions de la cour ? Depuis son interpellation, il est resté quasi mutique, se contentant d'une tirade religieuse, en février 2018, lors de son procès à Bruxelles dans un autre dossier et devant les juges d'instruction parisiens. Les plaidoiries des avocats des parties civiles et de la défense doivent durer plus d'un mois, du 6 avril au 23 mai, avec un réquisitoire du Pnat de trois jours au milieu, du 2 au 5 mai. Le verdict devrait être rendu autour du 25 mai.
Le procès est-il retransmis, et comment ?
Pour les personnes qui ne peuvent pas avoir accès à la salle d'audience principale – les parties civiles qui ne sont pas appelées à témoigner, leurs proches, une partie des journalistes accrédités et du public –, une douzaine de salles de retransmission sont disponibles. Jusqu'à 30 salles pourraient être mobilisables en cas de pics d'affluence.
Les débats peuvent également être suivis à distance, en léger différé, via une webradio sécurisée uniquement accessible aux parties civiles et à leurs avocats. Une captation sonore rendue possible par la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen. Pour y avoir accès, les victimes doivent demander au greffe un code personnel de connexion. Si cette audition en solitaire s'avère difficile, elles pourront contacter un numéro d'urgence dédié, mis en place par l'association Paris Aide aux victimes, afin de bénéficier d'un soutien psychologique. Le fait d'enregistrer cette captation ou de la diffuser à des tiers est punissable d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
S'agissant des parties civiles étrangères – plus d'une vingtaine de nationalités sont représentées – elles n'auront accès à une traduction des débats qu'à l'audience, les jours où elles seront présentes. Enfin, l'intégralité du procès entrera dans l'Histoire car il sera filmé pour les Archives nationales, comme cela avait été fait pour le procès des attentats de janvier 2015. Les images pourront être consultées une fois tous les appels clos.
Pouvez-vous me résumer les informations essentielles ?
Le procès historique des attentats du 13-Novembre, la plus grande audience criminelle jamais organisée en France, s'ouvre, mercredi 8 septembre, dans la salle "grand procès", construite pour l'occasion au sein du palais de justice de l'île de la Cité, à Paris. Elle peut accueillir jusqu'à 550 personnes. Un important dispositif de sécurité sera déployé aux abords et au sein du tribunal. La cour d'assises spécialement composée sera présidée par Jean-Louis Péries, assisté de quatre magistrats professionnels.
Vingt accusés, dont six absents, seront jugés pendant près de huit mois pour ces attentats qui ont fait 131 morts et 413 blessés. Parmi eux, le Franco-Marocain Salah Abdeslam, seul survivant des commandos du Stade de France, des terrasses parisiennes et du Bataclan. En face, près de 1 800 parties civiles. Autour de 300 d'entre elles seulement devraient venir témoigner pendant cinq semaines, entre fin septembre et fin octobre. Les débats seront retransmis dans une douzaine de salles d'audience et via une webradio sécurisée pour les victimes. Ils seront également filmés pour l'Histoire. Le verdict devrait être rendu fin mai 2022.
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