Procès des attentats du 13-Novembre : après avoir exercé son droit au silence, Salah Abdeslam réaffirme avoir "renoncé" de lui-même à se faire exploser
L'audience était consacrée à son interrogatoire sur les derniers jours avant les attaques et la soirée du 13 novembre 2015. Son attitude versatile a de nouveau désarçonné la cour, mercredi.
Un demi-silence puis des demi-aveux. Salah Abdeslam a de nouveau donné le tempo de l'audience au 102e jour du procès des attentats du 13-Novembre, mercredi 30 mars. Après sept mois de débats, ce nouvel interrogatoire du principal accusé, seul survivant des commandos qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés à Paris et Saint-Denis, était très attendu puisqu'il portait sur les derniers jours précédents les attaques et le déroulement de la soirée. Mais l'intéressé, polo et masque noir, a commencé par exercer son droit au silence, suivant le chemin d'autres accusés avant lui.
"J‘ai dit des choses et je me suis exprimé à l‘égard des victimes avec respect et je n’ai plus rien à donner, je ne peux plus m’exprimer, je n’y arrive plus."
Salah Abdeslamdevant la cour d'assises spéciale de Paris
Après s'être tu pendant les six ans d'instruction, Salah Abdeslam avait consenti à répondre aux questions depuis le début du procès et s'était engagé à apporter des explications en temps voulu. D'où la surprise du président : "C’est votre droit mais ça, c’était pas du tout prévu", lance le magistrat. Comme le prévoit l'oralité des débats aux assises, le magistrat déroule malgré tout ses questions face à un accusé mutique.
De nombreuses questions en suspens
Salah Abdeslam a-t-il hérité du gilet explosif de Mohamed Abrini, ce dernier ayant affirmé la veille avoir renoncé à participer aux attentats ? Silence. "Pourquoi, si vous avez renoncé à actionner votre ceinture [explosive], vous allez dans le 18e arrondissement alors qu’il est beaucoup plus simple de repartir du Stade de France directement vers la Belgique ?" Silence. "Est-ce qu’il n’était pas dans votre projet d’actionner [la ceinture] dans le métro ou dans un autre établissement, comme votre frère Brahim ?" Silence. "Est-ce que vous avez renoncé ou est-ce que la ceinture n’a pas fonctionné ?" Silence.
Une assesseure prend le relais et résume en une question toute l'ambiguïté qui caractérise le Franco-Marocain de 33 ans : "Est-ce que vous n’avez été que la marionnette de votre frère et d'Abdelhamid Abaaoud [le coordinateur des attentats] ou un combattant de l’Etat islamique qui a pleinement adhéré au projet ?" Silence, toujours. L'avocat général, qui privilégie la seconde option, se lance dans un monologue sous forme de réquisitoire. Selon Nicolas Le Bris, Salah Abdeslam fait sa "vedette" en jouant avec les attentes des parties civiles. Et n'est pas un "terroriste tombé du ciel au dernier moment ou désigné comme volontaire par [son] frère" mais un terroriste "déterminé", qui a renoncé au dernier moment.
"On a bien confirmation que la lâcheté est la marque de fabrique des terroristes, il n’y a pas une once de courage chez vous."
L'avocat général Nicolas Le Brisdevant la cour d'assises spéciale de Paris
Salah Abdeslam a-t-il été piqué dans son orgueil ? Ou mis en confiance par une avocate des parties civiles, qui a préféré l'interroger sur son "histoire d'amour" avec sa fiancée ? Toujours est-il qu'il a finalement repris la parole devant une cour d'assises coite. Il a ainsi réaffirmé qu'il avait "renoncé" à se servir de sa ceinture explosive le soir des attentats. "Je n'ai pas été jusqu'au bout, j'ai renoncé à enclencher ma ceinture, pas par lâcheté, pas par peur, mais je ne voulais pas, c'est tout", a-t-il répondu à Claire Josserand-Schmidt. La pénaliste saisit la balle au bond : pourquoi avoir déclaré à son retour de Belgique que la ceinture n'avait pas fonctionné ? "C'est un mensonge ?" "J'avais honte de ne pas avoir été jusqu’au bout et j'avais peur du regard des autres. J’avais 25 ans aussi."
"On n’a pas à être suspendu aux lèvres de Salah Abdeslam"
Face aux questions des autres avocats des parties civiles, l'accusé se referme. "Le procès va bientôt se terminer, les victimes vont repartir avec une souffrance à perpétuité", tente l'avocat Méhana Mouhou, lâchant néanmoins qu'"on n’a pas à être suspendu aux lèvres de Salah Abdeslam, qui distribue les réponses ou pas".
Dans son silence à géométrie variable, l'accusé retrouve tout de même sa rhétorique radicale en guise de ligne de défense : "Si vous ne regardez que ce que l’Etat islamique a fait et pas ce que vous avez fait aussi [des "bombardements en Syrie"], le jugement ne sera pas équitable." "Pour qu’un procès soit équitable, il faut qu’on ait les explications des uns et des autres, monsieur Abdeslam", rétorque le président.
Son interlocuteur "[veut] bien" expliquer comment il a "abandonné la ceinture explosive" à Montrouge (Hauts-de-Seine) et affirme pour la première fois qu'il a "retiré le bouton-poussoir et la pile" pour éviter que le gilet soit "manipulé" accidentellement. Il n'ira pas plus loin. Avait-il tenté de l'actionner auparavant ? L'expert entendu à la barre dans l'après-midi n'a pas été en mesure de répondre à cette question, affirmant seulement qu'aucune tentative d'allumage avec un briquet n'avait été détectée. Les interrogatoires des autres accusés doivent se poursuivre jeudi et vendredi.
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