Procès de l'assassinat de Samuel Paty : "Je n'étais pas au courant, je suis naïf", se défend Naïm Boudaoud, accusé d'avoir aidé le terroriste
"Est-ce qu'Anzorov vous a parlé de Charlie Hebdo ?" "Jamais." Accusé de complicité dans l'assassinat de Samuel Paty, Naïm Boudaoud a nié, tout au long de son interrogatoire, jeudi 21 novembre, avoir eu connaissance des intentions terroristes d'Abdoullakh Anzorov, l'islamiste radical de 18 ans qui a décapité le professeur d'histoire-géographie le 16 octobre 2020. "J'ai toujours dit que je n'étais pas au courant de ce qu'il avait fait, que je n'étais pas au courant de toute cette histoire", a martelé le jeune homme de 22 ans, mince et en pull gris clair, appuyé contre la vitre du box des accusés.
Franck Zientara, président de la cour d'assises spéciale de Paris devant laquelle l'accusé est renvoyé, insiste d'abord sur la radicalisation d'Abdoullakh Anzorov, originaire de la République russe de Tchétchénie. Naïm Boudaoud l'a connu à l'été 2019 à Evreux, dans une salle de sport, par l'intermédiaire d'Azim Epsirkhanov, jugé pour lui aussi pour complicité d'assassinat terroriste. N'a-t-il jamais rien remarqué ? "Il y a plein de jeunes qui ne serrent pas la main aux femmes, qui font la prière", rétorque l'intéressé. Ce dernier a pourtant prononcé le mot "radicalisé" face aux enquêteurs, lui fait remarquer Franck Zientara. "J'étais sous le choc", explique Naïm Boudaoud. L'argument revient à de nombreuses reprises, lorsque la cour confronte ses déclarations du jour à celles tenues en garde à vue et devant les juges d'instruction.
"Jamais entendu parler de cette affaire"
Comme Azim Epsirkhanov mercredi, Naïm Boudaoud est invité à livrer son récit des faits. Mais si le premier a fait preuve d'éloquence et de précision, le second manque d'assurance. Les deux versions, toutefois, vont dans le même sens. Lorsque le 15 octobre 2020, les deux hommes accompagnent Abdoullakh Anzorov acheter un couteau, Naïm Boudaoud dit également avoir pensé que c'était pour l'offrir à "son grand-père, qui les collectionnait". Cette arme, si elle n'a pas servi à tuer Samuel Paty, a néanmoins été découverte non loin du corps. Par ailleurs, l'accusé affirme, lui aussi, que le trio a parlé "de tout et de rien" tout au long de cette journée, notamment pendant les trajets en voiture. Sans jamais donner aucune précision sur la teneur de leurs conversations.
Naïm Boudaoud a de nouveau pris la route le lendemain, mais sans Azim Epsirkhanov cette fois. Sur le trajet, Abdoullakh Anzorov lui dit qu'il "va acheter un pistolet à billes pour une embrouille avec des Noirs". Une arme Airsoft utilisée quelques heures plus tard contre Samuel Paty et les policiers qui interviennent à la suite de l'assassinat. Après cet achat, Abdoullakh Anzorov insiste pour être conduit dans "le 7-7", la Seine-et-Marne.
En réalité, Naïm Boudaoud le dépose à proximité du collège du Bois-d'Aulne dans les Yvelines, où exerce Samuel Paty. "Il rentre l'adresse. Il n'y avait pas écrit 'collège Conflans-Saint-Honorine'. J'arrive dans une zone pavillonnaire, avec des routes en zigzag. Anzorov me dit : 'Vas-y tèje-moi [jette-moi] là.' Il me demande un masque chirurgical, ne me dis même pas merci et part", rapporte-t-il. "Collège ou pas collège, pour moi ça aurait été pareil, je n'ai jamais entendu parler de cette affaire. Je n'ai jamais entendu parler de cette polémique, de ce pauvre professeur, qui a été tué par ce lâche, cette ordure", déclare l'accusé, qui assure à plusieurs reprises que l'assaillant "s'est servi" de lui.
"Je suis naïf, je n'arrivais pas à m'opposer"
Pourtant, lui fait remarquer le président de la cour, Abdoullakh Anzorov a parlé des caricatures aux collégiens qui lui ont désigné Samuel Paty. Se serait-il ainsi confié rapidement à des adolescents sans jamais faire part de cette haine à ses amis ? "C'est compliqué d'être hyper précis, j'essaie d'être clair", bredouille Naïm Boudaoud quand, au cœur de l'après-midi, l'avocat général Nicolas Braconnay le presse de questions et pointe également ses contradictions.
De fait, il s'embourbe dans ses explications. "Vous ne voulez pas comprendre que j'étais sous le choc", évoquant également la "pression" en garde à vue. Comme la veille, l'avocat général l'interroge sur sa responsabilité. "Je ne suis pas fou pour déposer un terroriste. Je ne suis pas responsable de l'acte d'Anzorov, lâche Naïm Boudaoud, qui encourt la perpétuité. Je ne suis pas responsable, car je n'étais pas au courant de ce qu'il allait faire. Je suis naïf, je n'arrivais pas à m'opposer."
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