Procès de l'attentat de Magnanville : l'accusé "réitère" son innocence devant une assistance de policiers venus soutenir les parties civiles
Il est assis seul au milieu du box vitré. Mohamed Lamine Aberouz a pris place sous les dorures de la salle Voltaire de la cour d'assises spéciale de Paris, lundi 25 septembre, au palais de justice de l'île de la Cité. Sept ans après l'attentat de Magnanville, qui a traumatisé un pays et une profession, le procès de cet homme de 30 ans s'est ouvert. Sur les bancs du public, c'est toute une institution qui fait corps avec la famille des victimes. Policiers en civil et en uniforme, dont la numéro 2 de la police nationale, Céline Berthon, se serrent les uns contre les autres.
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Ils sont venus en nombre pour soutenir les proches de Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, commandant au commissariat des Mureaux (Yvelines), et de sa compagne Jessica Schneider, 36 ans, agente administrative dans un commissariat voisin, assassinés à leur domicile, le 13 juin 2016, en pleine vague d'attentats terroristes en France. Comble de l'horreur, leur fils de 3 ans a assisté au massacre.
Mohamed Lamine Aberouz est poursuivi pour "complicité d'assassinat sur personne dépositaire de l'autorité publique", "association de malfaiteurs terroriste criminelle" et "complicité de séquestration en relation avec une entreprise terroriste". Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
La trace ADN "M2"
Le terroriste Larossi Abballa a été tué lors de l'assaut donné par le Raid ce soir-là. Mais au fil d'une longue instruction, le profil d'un possible complice s'est détaché. Cheveux noués en catogan et tee-shirt blanc, Mohamed Lamine Aberouz porte une longue barbe sans moustache et une marque au front, caractéristique d'une pratique assidue de la prière dans la religion musulmane. Ses avocats avaient prévenu, lors d'une conférence de presse tenue avant le procès : après six ans d'isolement en détention, leur client revendique "une pratique extrêmement orthodoxe de sa religion" et fait "figure de coupable idéal".
Ce Franco-Marocain originaire des Mureaux (Yvelines), quatrième d'une fratrie de cinq enfants, a un certain pedigree : il a été condamné en appel, en juin 2021, à cinq ans de prison pour non-dénonciation de crime terroriste dans le dossier de l'attentat raté aux bonbonnes de gaz de Notre-Dame. Ce célibataire sans enfants, qui vivait chez sa mère, connaissait bien l'islamiste radical Larossi Abballa. Mais ce qui lui vaut d'être renvoyé devant la justice tient surtout de la génétique, comme le rappelle le président lors du résumé des faits. La trace ADN inconnue surnommée "M2", retrouvée sur le repose-poignet droit de l'ordinateur du couple de policiers, s'est avérée être la sienne.
Sous l'œil attentif de l'accusé, qui parle régulièrement à l'un de ses avocats à travers la vitre, fait non de la tête ou acquiesce, le président résume les débats autour de cette trace ADN décisive. Pour la défense, il peut s'agir d'une "contamination entre écouvillons" ou d'un "transfert", Mohamed Lamine Aberouz étant souvent monté dans la voiture de Larossi Abballa. "La contamination n'est pas possible" et la "concentration" d'ADN trop élevée pour un transfert, estiment de leur côté les experts, attendus à la barre vendredi.
Un procès "catharsis" ?
Le président, Christophe Petiteau, rappelle en outre que l'alibi de cet électrotechnicien au chômage, qui assure qu'il était à la mosquée entre 18 heures et 22 heures, le 16 juin 2016, n'a pas été confirmé par "l'imam et les fidèles". Si "aucun témoignage" ne va dans le sens d'"un repérage des victimes" par Mohamed Amine Aberouz, le président rappelle son "rôle de mentor présumé" auprès de Larossi Abballa. Autant d'"éléments à charge", qui, dans un lapsus du président, deviennent des "éléphants" au milieu de la pièce.
Invité à faire part de ses observations après cette lecture, l'accusé saisit l'occasion pour faire une première déclaration. "En premier lieu, je voulais adresser toute ma compassion pour les familles de victimes", lance Mohamed Amine Aberouz en regardant les bancs des parties civiles en face de lui. "J'ai bien conscience des attentes qu'elles peuvent avoir pour ce procès, une attente de vérité, poursuit-il. J'espère pouvoir y participer, j'espère être écouté, je n'ai pas eu l'impression que c'était le cas pendant l'instruction."
S'exprimant d'une voix claire, le trentenaire justifie son silence, "lors du dernier interrogatoire" par le juge d'instruction, par son "agacement" lié à ses conditions de détention à l'"isolement". Et se désolidarise de l'attentat commis par Larossi Abballa.
"Je réitère mes condamnations les plus fermes à l'encontre de Larossi [Aballa] concernant cet acte monstrueux qu'il a commis. Je réitère mon innocence."
Mohamed Amine Laberouz, accusédevant la cour d'assises spéciale de Paris
Devant une salle toute ouïe, l'accusé termine son propos en affirmant espérer que "les débats permettront d'éclaircir certains éléments tronqués et de mettre l'accent sur des responsabilités plus que négligées" pendant l'enquête. Après la suspension d'audience, des gradés de la police, venus soutenir proches et collègues de Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, balaient ces premières explications, les jugeant "convenues". Ce qu'ils attendent de ce procès, c'est une "catharsis", un soulagement après un traumatisme sans précédent dans les rangs de leurs effectifs. Les débats doivent se poursuivre jusqu'au 10 octobre.
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