Off d'Avignon : "Inconsolable(s)" met en scène une rupture amoureuse dévastatrice à laquelle participent les spectateurs
Le collectif Chiendent présente sa nouvelle création à la patinoire du théâtre de la Manufacture : "Inconsolable(s)". Une relation amoureuse explosive qui se désintègre sous les yeux des spectateurs.
Nadège Cathelineau et Julien Frégé du collectif Chiendent ont marqué les esprits cette saison à Avignon grâce à leur méthode de communication, pour le moins originale. A plusieurs conférences de presse du cloître Saint-Louis, on pouvait les retrouver s'embrassant nus dans la fontaine, criant et riant sur la scène ou se déshabillant dans le public. Programmé au festival Off d’Avignon, ce duo incontrolable et surprenant est venu présenter sa nouvelle pièce, Inconsolable(s) : l’histoire d’un couple qui se déchire.
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D'anges à démons
Sur la piste dégelée de la patinoire, annexe du théâtre de la Manufacture, le décor est d'un blanc immaculé, du sol au plafond. Des cubes de différentes tailles, emboîtés les uns dans les autres, occupent le fond de la scène. Nadège sort de l’un d’eux et s’avance vers le public, complètement nue. Elle cache sa poitrine et son sexe, presque gênée de se présenter dans le plus simple appareil. "Je suis Nadège, j’ai 29 ans et je mesure 1m69" commence-t-elle.
Seule face aux spectateurs, elle raconte son enfance, son adolescence et sa rencontre avec Julien. Celui-ci apparaît à son tour, tout aussi nu et pudique pour se présenter. Ils évoquent ensemble leur histoire d’amour idyllique qui petit à petit s'est assombrie pour devenir complètement toxique. "Nous avons donc décidé de rompre devant vous !" finissent par lâcher les deux comédiens, sourire aux lèvres. L'innocence laisse aussitôt place au chaos...
Pendant plus d’une heure les sentiments du couple se fracassent. Ils passent de la colère à l’euphorie, de la tristesse à la peur, du rôle de dominant à celui de dominé. A la fin de la pièce, les Adam et Eve paisibles du début sont épuisés, sales, vides de toutes émotions.
Intimité publique
Dans Inconsolable(s), le quatrième mur n’existe pas. Les spectateurs sont des personnages. Ils interagissent avec le duo de comédiens. "Dis-moi Pierre, ça te dérange si j’enlève mon t-shirt pour te montrer mes seins ?" demande Nadège à l’un des spectateurs qu’elle a fait monter sur scène. Elle lui pose des questions, au départ simples puis de plus en plus indiscrètes. Pierre partage ses expériences et entre dans une confidence intime. La situation en met certains mal à l'aise, d'autres s'en amuse. "L’espace du théâtre que nous cherchons est celui des vivants, où nous appelons les spectateurs à vivre avec le spectacle et non à se soustraire en eux-mêmes pour lui faire place" explique les comédiens.
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Le duo, en couple à la ville, n’a aucune limite et un jeu puissant. Difficile de distinguer dans cette pièce ce qui est fictionnel et ce qui est réel. Les discours percutants et les étapes par lesquels passent les deux personnages parlent à tout le monde.
La pièce s'intéresse aussi à la notion d’enfermement, sous toutes ses formes. Le couple se dispute dans un cube étroit. Ils sont collés l’un à l’autre et étouffent car ils ne se comprennent plus, ne se supportent plus. Pour les deux comédiens, auteurs et metteurs en scène de la pièce, "Inconsolable(s) passe par la rupture amoureuse pour raconter la solitude psychique et réelle de deux personnages engloutis dans le jeu de l’individualisme et de la représentation".
Entre chaos et onirisme
Cette grande scène de rupture est entrecoupée de plages de poésie, de petites bulles de respiration. Vêtus d'une robe à frange et d'un casque-loupe grossissante Nadège et Julien affichent des sourires béats et se déplacent comme en apesanteur, débarrassés de leurs soucis ; deux minutes avant ils s'insultaient.
La lumière du spectacle accompagne les différentes phases de la séparation : parfois blanche et crue, elle éblouit presque en se reflétant dans le décor immaculé, parfois rouge et tamisée, elle crée une atmosphère étrange et oppressante.
D’Inconsolable(s), le public sort lessivés et pensif. "J’en ai presque la nausée. J’ai l’impression d’avoir vécu une rupture moi aussi " nous souffle Asma. "Ils sont forts quand même ! Et d'une grande justesse" confie une dame à son amie, avant de monter dans le bus et de repartir vers le centre d'Avignon.
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