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Des habitants de la "Rue des allocs" choqués par la décision de M6 de maintenir la diffusion de l'émission

Trois mois après la diffusion du premier épisode, ce programme revient à l’écran jeudi soir. La mairie d’Amiens avait pourtant demandé un report, après le décès d’une famille du quartier Saint-Leu, où a été tournée l'émission.

Article rédigé par franceinfo - Raphaël Godet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les premiers épisodes de "La Rue des allocs", "docu-réalité" destiné à montrer la vie dans un quartier pauvre d'Amiens, ont été diffusés mercredi 17 août 2016. (M6)

Christelle Waquet n’a jamais été formée pour faire la police. Mais ces dernières semaines, son statut de présidente du comité de quartier l’oblige à "faire le ménage parmi les gens qui rôdent" dans les rues de Saint-Leu. Elle repère de loin les intrus. "Je les vois chercher l’adresse sur leur smartphone. Ce n’est pourtant pas compliqué à trouver, tout a été montré à la télé." 

Ce quartier d’Amiens, traversé par les eaux de la Somme, est devenu une attraction depuis cet été. Depuis le 17 août précisément. Ce soir-là, M6 diffusait le premier épisode de son programme intitulé "Rue des allocs". Comme sa grande sœur britannique "Benefits Street", l’émission est censée raconter le quotidien de plusieurs habitants du quartier, où le taux de chômage atteint près de 40%. "Sauf que ce n’est pas ce qu’on a vu, s’énerve Christelle Waquet, jointe par franceinfo. Ce qu’on a vu, ce sont des gens qui picolent à longueur de journée. Les caméras ont complètement truqué la réalité de ce quartier."

"Saint-Leu est devenu un zoo"

Depuis cette première diffusion, les protagonistes de l'émission sont devenus "des stars, mais à leurs dépens". Au point que parfois, c’est la police, la vraie, qui doit intervenir. Pour des problèmes de crachats, d’insultes, de tapage nocturne aussi. "Des gens viennent frapper chez eux le soir, ils reçoivent des lettres incendiaires, on les traite de cas sociaux", énumère celle qui voit "tous les jours les dégâts causés par l’émission. Saint-Leu est devenu un zoo."

Très remontés par ce premier épisode, les habitants n’avaient pas vraiment envie de revoir leur quartier à l’écran une nouvelle fois. Mais M6 a prévu de longue date un deuxième épisode. Il est programmé pour jeudi 17 novembre au soir. Sauf qu’entre-temps, il y a eu un drame, un vrai, sans caméras. Le 3 novembre, quatre personnes ont péri dans l'incendie de leur maison. "Il s’agit d’une même famille, les parents et leurs deux enfants. C’est dramatique. Evidemment, ce n’est pas la faute des équipes de M6. Mais cet événement a traumatisé les habitants, c’était des gens qu’ils connaissaient, qu’ils croisaient, s’énerve la maire d’Amiens, Brigitte Fouré, contactée par franceinfo. L’enterrement a eu lieu jeudi dernier, il y a seulement une semaine, c’est tout récent. La cathédrale était pleine, il y avait pratiquement 1 000 personnes."

Une lettre au président de M6

Quelques heures après l’incendie, l’élue a écrit au président du directoire du groupe M6, Nicolas de Tavernost, pour lui demander "de reporter la diffusion de quelques semaines". "Etant donné les circonstances, je trouvais cela acceptable. Eh bien non, il m'a répondu que M6, comme toutes les chaînes françaises, était soumise à une réglementation très lourde en matière de programmation. Qu’en gros, c'était impossible de changer."

Dans une lettre adressée à l'édile, le dirigeant explique que le groupe n'a "plus la possibilité de modifier (la) grille de programmes" qui a été bouclée "le 24 octobre dernier"

A Amiens, que ce soit à la mairie ou dans la rue, pas grand monde ne comprend la décision de la chaîne. "M6 ne fait qu’ajouter du malheur au malheur, s’emporte Christelle Waquet. La production nous promet que les victimes de l’incendie n’apparaissent pas à l’image. Encore heureux ! Mais ça ne change rien à l’affaire, c’est toujours le quartier qui sera à l’écran."

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"J’espère qu’elle ne fera pas d’audience"

Une lettre a aussi été envoyée au procureur de la République d’Amiens, à laquelle le magistrat a répondu que la modification du documentaire ou la limitation de sa diffusion "ne relèvent pas de sa compétence"Et puis, il y a des pétitions qui circulent. Trois ou quatre. La dernière a été mise en ligne par les proches des quatre disparus dans l’incendie du 3 novembre. Rien n'y fait : l'émission sera bien à l'antenne à 21 heures. 

La maire d’Amiens la regardera. "Ce n’est pas que ça m’enchante, mais je me dois de le faire en tant qu'élue de la ville. En revanche, j'invite les téléspectateurs à ne pas la regarder. J’espère d’ailleurs qu’elle ne fera pas d’audience." Christelle Waquet, elle, ne sera pas devant sa télé ce soir. Elle a "beaucoup mieux à faire." Mais elle sait déjà que, demain, elle devra sûrement encore faire la police dans le quartier.

Réponse du Procureur de la République d'Amiens by ftvi on Scribd

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