Eva Joly, chronique d'une campagne chaotique
La démission du porte-parole de la candidate écologiste marque un paroxysme après un démarrage de campagne présidentielle pour le moins calamiteux.
"On a mis les choses au clair. On espère que le train ne déraillera plus !", souffle un dirigeant écologiste. Mercredi 23 novembre, Eva Joly s'est montrée "soulagée". Quelques heures après la démission de son porte-parole, Yannick Jadot, le bureau exécutif d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) lui a réaffirmé son soutien.
"Il ne manquait plus que ça !", s'exaspérait un peu plus tôt dans la journée un cadre du parti, apprenant la démission de Jadot. En cause, "un désaccord avec la nouvelle ligne politique d'Eva Joly", qui a multiplié les attaques contre le PS ces derniers jours, et a refusé mercredi matin de dire - avant de corriger le tir quelques heures plus tard - si elle appellerait à voter pour François Hollande s'il était présent au second tour de la présidentielle de 2012.
Si la décision de Yannick Jadot a agacé les responsables écologistes, c'est aussi parce qu'elle constitue un paroxysme dans cette campagne pour le moins chaotique.
• Novembre 2010 : l'hypothèse Hulot sème les premiers doutes
Alors qu'Eva Joly dévoile, début novembre 2010, les grandes lignes de son programme de candidate à la primaire écolo dans Libération, des voix dissidentes se font entendre. Cofondateur des Verts en 1984, le député Yves Cochet appelle Nicolas Hulot à se présenter contre l'ancienne juge. L'intéressé dit alors "ne rien exclure". A l'Agence France Presse, un cadre du parti accuse dans le même temps la direction des Verts de "savonner un peu la planche" d'Eva Joly pour proposer quelqu'un d'autre, "quand ça deviendra compliqué pour elle". "Ceux qui disent ça sont des cons", balaye Cécile Duflot, la secrétaire nationale d'EELV.
Il n'empêche. La candidature Joly suscite des doutes. "Eva dans le mur", s'inquiètent, d'un trait d'humour cruel, certains écologistes. D'autant que dans les sondages, Nicolas Hulot domine très largement Eva Joly.
• Juin 2011 : la primaire fratricide des écologistes
Au printemps 2011, Nicolas Hulot décide de se lancer et d'affronter Joly à la primaire écologiste. L'ambiance se tend peu à peu et devient carrément délétère dans les derniers jours de campagne interne. L'équipe "jolyste" s'interroge d'abord sur la présence de "faux électeurs" parmi le corps électoral. Le staff "hulotiste" déplore "le poison du complot".
Et puis lors d'un débat public entre les candidats, Eva Joly dénonce la proximité affichée par son adversaire avec Jean-Louis Borloo. "L'écologie de combat, Eva, ce n'est pas l'écologie des coups bas", lui répond, sèchement, l'intéressé.
Finalement, Eva Joly l'emporte avec 58 % des voix au second tour. Nicolas Hulot reconnaît sa défaite mais déplore "un repli identitaire" d'EELV. Plus tard, il redira dans un courrier avoir été "envahi" par une "tristesse mêlée d'un sentiment de gâchis".
• Juillet 2011 : le couac du défilé militaire
A peine désignée, la candidate EELV s'attire les foudres de la droite en proposant de supprimer le défilé militaire du 14-Juillet. Mais l'initiative jette également le trouble au Parti socialiste. "C'est une très mauvaise idée", estime Ségolène Royal. "Une position que je ne partage pas", dit François Hollande. "Tout cela n'est pas très sérieux", tance Manuel Valls.
• Août 2011 : la fausse note de son amie Laurence Vichnievsky
Mi-août, alors que les écologistes se réunissent pour leur université de rentrée, Laurence Vichnievsky, porte-parole d'EELV et amie d'Eva Joly, se déclare favorable à un plan d'austérité. "Aujourd'hui, la réduction de la dette s'impose à nous comme un rappel au principe de réalité. Elle nous oblige à revoir notre projet, non dans ses principes, mais dans sa mise en œuvre", affirme-t-elle dans Libération. Et de qualifier de "lubie" le retour à la retraite à 60 ans. Les déclarations mettent le feu aux poudres écologistes. Sa démission est réclamée.
• Août 2011 : les "interrogations" de Dany Cohn-Bendit
Dans le même temps, Daniel Cohn-Bendit fait part de ses doutes quant à l'opportunité de la candidature d'Eva Joly au premier tour de la présidentielle. "Commencer une campagne en se disant qu'on pourrait finir à 1,5 % comme avec Dominique Voynet la dernière fois, ce n'est pas très stimulant", souligne-t-il sur Europe 1. Ses déclarations suscitent quelques interrogations parmi les militants, notamment du côté des "hulotistes". Pas franchement l'idéal pour un début de campagne.
• Novembre 2011 : le clash avec François Hollande et Cécile Duflot
Après être restée dans l'ombre de la primaire socialiste, Eva Joly finit par sortir du bois. Début novembre, elle lance un ultimatum au PS. "Nous ne sommes pas leurs supplétifs", prévient-elle, en faisant de la sortie du nucléaire et de l'arrêt du chantier de l'EPR de Flamanville des conditions préalables à un accord programmatique et électoral avec les socialistes.
Mais voilà, quelques jours plus tard, le PS et EELV trouvent un terrain d'entente, sans sortie du nucléaire ni arrêt de l'EPR de Flamanville. Une décision qu'Eva Joly prend comme un désaveu de la part de Cécile Duflot. "Cet accord ne m'engage pas", peste-t-elle par la voix de son directeur de campagne. Au point d'annuler sa participation à une émission télévisée, jeudi 17 novembre, pour se retirer quelques jours.
A son retour, la candidate écolo décide de tirer à vue sur le PS. Elle dénonce, mardi 22 novembre dans Le Monde, "l'archaïsme" des amis de François Hollande. Puis refuse, mercredi, de dire si elle appellera à voter en faveur du candidat socialiste si celui-ci est qualifié au second tour de la présidentielle. De quoi faire sortir les socialistes de leurs gonds et pousser son porte-parole, Yannick Jadot, à démissionner de ses fonctions.
• Et maintenant ?
Les attaques à l'égard du PS ont non seulement valu à Eva Joly de perdre l'un des piliers de sa campagne. Mais elle est aussi la cible d'une salve de critiques de la part des principaux dirigeants écolos. "Pour l'instant, Eva Joly fait les mauvais choix politiques", déplore Dany Cohn-Bendit. "Elle doit sortir du flou et revenir au mandat qui lui a été donné au moment des primaires", prévient Noël Mamère.
La présentation de l'équipe de campagne, elle, se fait toujours attendre. Initialement prévue le 17 septembre, elle ne cesse d'être reportée de semaine en semaine. Pas franchement de nature à rassurer les militants, alors que la candidate ne recueille que 4 à 5 % des intentions de vote dans les différents sondages.
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