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Naufrage de migrants en Manche : il faut "cesser cette fuite en avant sécuritaire", dénonce l'ancien directeur de l'Office pour les réfugiés

Lutter contre les passeurs et éviter les naufrages de migrants lors de traversées demande "du travail et de la coopération", a jugé sur franceinfo jeudi l'ancien directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des membres d'association d'aides aux migrants déposent des bougies sur une pancarte, le jeudi 25 novembre 2021 à Calais, après la mort de 27 migrants en Manche alors qu'ils tentaient de rejoindre l'Angleterre. (FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

"Lutter contre les passeurs, ces marchands de mort, est indispensable", a estimé sur franceinfo jeudi 25 novembre Pascal Brice, ancien directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), désormais président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Mercredi, 27 migrants sont morts lors du naufrage de leur bateau au large de Calais, alors qu'ils tentaient de rejoindre l'Angleterre. "Il y a une tendance permanente à penser que parce qu'on est dans le harcèlement des personnes, on règle la question." Selon lui, le "désordre" franco-britannique "permet aux passeurs de se faire de l'argent sur la mort d'hommes".

franceinfo : Les premières réactions françaises et britanniques, d'ordre sécuritaire, vous semblent-elles à la hauteur ?

Pascal Brice : Non, je crains qu'on n'ait toujours pas compris. Combien de morts faudra-t-il à nouveau ? Lutter contre les passeurs, ces marchands de mort, est indispensable. Mais pourquoi les passeurs se font-ils de l'argent ? Ils se font de l'argent parce que les Britanniques refusent d'examiner des demandes d'asile, alors que c'est leur obligation, et parce que, du côté français, on s'obstine depuis deux ou trois ans à harceler les migrants sans cesse. C'est ce désordre qui permet aux passeurs de se faire de l'argent sur la mort d'hommes, de femmes et d'enfants. Il faut prendre la mesure de cela, contraindre les Britanniques à examiner les demandes d'asile et que la France reprenne en charge les migrants qui sont là plutôt que de les harceler.

Quels sont les changements par rapport à la situation quelques années auparavant ?

Il y a une tendance permanente à penser que, parce qu'on est dans le harcèlement des personnes, on les fait disparaître et on règle la question. En 2015 et 2016, alors même qu'il y avait trois à cinq fois plus de personnes qu'aujourd'hui, nous avions eu un travail collectif. Je ne fais la leçon à personne, c'est difficile. Il faut beaucoup de temps, de confiance à travers les associations, pour que ces personnes comprennent qu'il ne faut pas se lancer dans cette traversée. Je ne dis pas non plus qu'il faut accueillir tout le monde. Il y a un droit. Tout cela suppose du travail, de la coopération et de cesser cette fuite en avant sécuritaire.

Faut-il revoir les accords du Touquet de 2003, qui prévoient d'une certaine manière que le poste frontière britannique soit installé du côté français, à Calais ?

Il faut en tout cas se poser la question. Lorsque nous sommes là pour faire la police pour les Britanniques, il y a des drames. Il faut que les Britanniques changent de comportement. On ne va pas se lancer dans une surenchère parce qu'ils ont décidé de ne plus examiner une seule demande d'asile. Il faut qu'un dispositif soit trouvé en coopération européenne pour que les Britanniques soient contraints d'assumer leurs responsabilités, et que nous ne soyons pas, nous, plongés dans des drames. Il faut organiser et maîtriser les choses. Il est hors de question de laisser des campements s'installer à Calais, mais ça s'organise dans le travail avec les associations. L'administration l'a déjà fait et on sait le faire.

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