Cet article date de plus de huit ans.

Nouveaux kiosques à Paris : les professionnels dénoncent une "erreur" et veulent conserver ce "symbole" de la capitale

Alors que les nouveaux modèles ont été présentés à la mairie de Paris, lundi, une pétition lancée sur le site change.org a déjà récolté 44 000 signatures.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un kiosque à journaux, à Paris, le 16 avril 2013. (BERTRAND GUAY / AFP)

"Regardez, c'est beau, c'est joli. Je ne veux pas que le style change." Mondher, 57 ans, sort de son kiosque situé dans le quartier latin, pour montrer le toit et les ornementations de sa boutique. Il s'inquiète du projet de la mairie de Paris qui souhaite remplacer, d'ici juin 2019, les quelque 360 kiosques de la capitale. Le nouveau modèle a été conçu par Matali Crasset, designer française mondialement connue et membre du comité de soutien d'Anne Hidalgo dès 2014 (PDF). Les nouveaux kiosques ont été présentés à la mairie de la capitale, lundi 11 juillet. Le Parisien / Aujourd'hui en France avait déjà révélé des esquisses mi-mai.

Ebauche des nouveaux kiosques parisiens. (DR)

Contactée par francetv info, Mediakiosk, qui gère ces espaces de vente, indique ne pas connaître l'origine des fuites de ces ébauches. La société précise que ces visuels ne sont pas définitifs, que de nouvelles versions sont en cours de préparation : "Des évolutions, des ajustements sont prévus", indique-t-on sans davantage de détails.

Avec leur dôme et leur frise de style Art Nouveau, kiosques à journaux parisiens sont devenus un emblème de la ville depuis leur apparition au milieu du XIXe siècle. La disparition annoncée de ces bouts de cartes postales indigne des élus de Paris comme des riverains. Une pétition lancée sur le site change.org a recueilli 44 000 signatures avec ce mot d'ordre : "Gardons le charme & le design du Paris d'antan !"

"Qui va les prendre en photo, les nouveaux ?"

Parmi les signataires de la pétition, on trouve Nelly Todde, vice-présidente du syndicat des kiosquiers d'Ile-de-France. Dans le métier depuis trente ans, elle vient de s'installer dans le quartier latin, à la sortie du métro Saint-Michel, et fulmine contre le projet d'Anne Hidalgo. "Dans le monde entier, on connaît les kiosques parisiens avec leur style haussmannien, c'est un symbole de Paris. Les touristes les prennent en photo. Qui va les prendre en photo, les nouveaux ? Je me demande…", s'interroge-t-elle en haussant le ton de sa voix erraillée. "Le problème de la mairie de Paris c'est qu'ils veulent laisser leur marque, leur empreinte. Mais qu'ils fassent quelque chose de beau, pas un truc qui ressemble à un conteneur à bouteilles", poursuit-elle, amère. Et d'asséner, à la fois moqueuse et énervée : "Le boudin gris sur le toit, ils disent que ça rappelle les toits en zinc parisiens. Ah…"

Hallah, qui est implantée dans le même secteur, déplore l'allure des nouveaux kiosques qu'elle qualifie d'"anonyme" et "sans caractère". "On dirait des relais de gare", ajoute-t-elle. Pour elle, "c'est une erreur."

Nasser*, un autre kiosquier, situé non loin de la rue Soufflot, et qui tient boutique depuis "plus de vingt-cinq ans" est plus tempéré. "On va s'habituer", estime-t-il. Une prise de distance partagée par Atem, un kiosquier de 41 ans, aux abords de la gare de l'Est, qui ne comprend pas l'indignation des pourfendeurs des nouveaux kiosques : "Moi, ça me va", lance-t-il, laconique.

L'intérieur fait l'unanimité

Malgré ses attaques, Nelly Todde voit des points positifs dans le projet. Elle a participé il y a quelques mois à "quatre ou cinq réunions" chez Mediakiosk. Il s'agissait d'aborder la refonte de l'espace intérieur, de le rendre plus fonctionnel, plus accueillant, de faire en sorte que les clients pénètrent dans le kiosque pour qu'ils achètent éventuellement davantage. Sur ces aspects, selon elle, la copie est plutôt satisfaisante, notamment avec le comptoir de taille drastiquement réduite. Même avis pour Mondher, qui voit d'un bon œil la nouvelle disposition plus moderne et aérée.

Mondher est kiosquier dans le quartier latin, à Paris. Photo prise le 11 juillet 2016. (LOUIS SAN / FRANCETV INFO)

Avec les nouveaux kiosques, la mairie tient également à améliorer les conditions de travail des commerçants, grâce à une meilleure isolation et à une protection renforcée contre le froid. Une volonté saluée par tous les principaux intéressés auprès de francetv info.

Reste que l'installation dans les kiosques d'un coin sanitaire avec toilettes et robinet pour se laver les mains est repoussée. C'est une demande forte des kiosquiers qui a été remontée, explique Nelly Todde. Mais les travaux seraient trop importants et coûteraient trop cher. En résumé : l'intérieur fait l'unanimité. C'est l'allure extérieure qui crispe les professionnels.

Se diversifier pour survivre ?

Pour attirer davantage de monde et de nouveaux clients, la mairie de Paris estime que les kiosquiers doivent diversifier leurs activités. Certaines boutiques disposeront ainsi d'une machine à café, d'un bac à piles usagées semblables à ceux présents dans les supermarchés, ou proposeront davantage de produits comme des porte-clés, des magnets, des t-shirts ou des sacs.

"Je mets une petite opposition à cela, dit Nasser, les yeux passant par-dessus les lunettes posées sur le bout du nez. Je ne trouve pas ça logique." "Le problème, c'est que ça ne se vend déjà pas. C'est catastrophique", déplore Hallah en désignant du menton les présentoirs à produits qui trônent devant son kiosque. "Cette année, je ne fais que 25% de mon chiffre de l'année dernière", précise-t-elle.

"L'avenir de la presse inquiète", commente Nasser. "Moi-même, je lis mon journal sur mon i-Pad", persifle Aziz, qui tient un minuscule kiosque devant le jardin du Luxembourg, et qui compte mettre la clé sous la porte après vingt ans de service. La diversification ? Il n'y croit pas. Dans sa boutique juste assez grande pour accueillir une personne, il hausse les épaules : "Il n'y a plus personne à Paris depuis les attentats."

*Le prénom a été modifié

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.