Jean-Pierre Treiber a été inhumé samedi matin dans son village familial à Soppe-le-Bas (Haut-Rhin)
Principal suspect dans l'affaire des meurtres de Géraldine Giraud et Katia Lherbier en 2004, il s'est pendu le 20 février dans sa cellule de la prison de Fleury-Mérogis, en banlieue parisienne, à deux mois de l'ouverture prévue de son procès.
150 à 200 personnes avaient pris place dans la petite église du village pour les obsèques de l'ancien évadé.
Dans l'église, étaient présents les membres de sa famille proche: ses parents, son frère, sa soeur, sa fille de 20 ans et sa compagne. Son ex-femme avait de son côté pris place au fond de l'église.
Le suicide de Jean-Pierre Treiber samedi a mis fin à l'action judiciaire dans l'affaire Giraud-Lherbier. Après cinq ans de feuilleton médiatico-judiciaire, l'ultime fuite de Jean-Pierre Treiber a annulé le procès.
Avec la mort de l'unique accusé, les circonstances et les mobiles du crime risquent de ne jamais être élucidées.
L'autopsie pratiquée dimanche 21 février sur le corps de Jean-Pierre Treiber a confirmé la mort par asphyxie et le suicide par pendaison, a indiqué le parquet d'Evry (Essonne). Jean-Pierre Treiber avait laissé un message avant de se suicider. Dans ce message, Treiber, qui s'est pendu avec un drap, explique en substance qu'il en avait "marre" d'être considéré comme un "criminel" et qu'il ne supportait plus de ne plus voir les gens qu'il aime, selon un syndicat pénitentiaire.
Son corps a été découvert par des surveillants de la prison à 7h, à l'occasion d'une ronde, alors que rien d'anormal n'avait été constaté à la ronde précédente, à 6h, a annoncé le ministère de la Justice. "Il a été découvert pendu", a déclaré Guillaume Didier, le porte-parole de la Chancellerie, ajoutant que l'enquête devrait déterminer la manière dont il avait procédé. Jean-Pierre Treiber était seul en cellule, dans un quartier d'isolement, car il faisait l'objet d'une "surveillance renforcée", notamment en raison de sa récente évasion.
Une enquête judiciaire a été ouverte et la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie a ordonné une enquête administrative après le suicide de Jean-Pierre Treiber. L'inspection des services pénitentiaires a auditionné les surveillants de fonction.
Jean-Pierre Treiber, qui avait toujours clamé son innocence, aurait dû être jugé fin avril début mai par la cour d'assises de l'Yonne pour le double meurtre de Géraldine Giraud et de son amie Katia Lherbier, dont les corps avaient été retrouvés au fond d'un puisard dans sa propriété de Villeneuve-sur-Yonne (Yonne).
Il s'était évadé le 8 septembre de la maison d'arrêt d'Auxerre et avait été repris le 20 novembre à Melun, au terme d'une cavale rocambolesque et très médiatisée. Il était incarcéré à Fleury-Mérogis depuis.
Roland Giraud, le père de Géraldine Giraud, s'est dit "furieux et effondré" à l'annonce de la nouvelle de ce suicide, sur les ondes d'Europe 1. "Ca ne me rendra pas ma fille", a-t-il ajouté, plus tard, dans une interview exclusive à France 2.
L'avocat des deux victimes, Me Francis Szpiner, a estimé que Jean-Pierre Treiber avait "avoué par son suicide". "Il y aura une immense frustration, il n'y aura pas de procès, certaines zones d'ombre du dossier ne seront jamais éclaircies et puis en même temps c'est la fin de l'affaire même si c'est une fin brutale, inattendue."
"Je m'y attendais depuis longtemps", a confié sur RTL la soeur de Treiber, Paulette Stoëcklen, à propos de ce suicide.
Comment Treiber a-t-il pu se suicider ?
Le suicide de Jean-Pierre Treiber, pourtant particulièrement surveillé depuis son évasion, a relancé les critiques sur l'administration pénitentiaire. Le détenu avait évoqué le suicide en décembre dernier lors d'un interrogatoire sur sa cavale, a rappelé son avocat Me Eric Dupond-Moretti, après le suicide de son client. Jean-Pierre Treiber "avait dit au juge d'instruction: 'C'est l'évasion ou le suicide'".
Après son évasion, les conditions de détention de l'ex-garde forestier avaient été "nettement durcies" depuis sa réincarcération à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, où il était à l'isolement total et faisait partie des détenus particulièrement surveillés. Mais il ne disposait pas du kit anti-suicide mis en place l'été dernier par le ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, et a pu se pendre avec un drap. Ce kit, composé d'un matelas anti-feu, d'un drap indéchirable et d'un pyjama en papier à usage unique, n'est donné "qu'à ceux qui ont déjà essayé de mettre fin à leurs jours", a indiqué Stéphane Brasdefer, représentant du syndicat Union fédérale autonome pénitentiaire (Ufap).
Rappel de l'affaire
Géraldine Giraud, 36 ans, fille du comédien Roland Giraud, qui séjournait dans la résidence familiale de La Postolle (Yonne), et son amie Katia Lherbier, 32 ans, avaient disparu le 1er novembre 2004. Le 9 décembre, leurs corps étaient découverts au fond d'un puisard dans le jardin de Jean-Pierre Treiber. Celui-ci avait été interpellé en possession de leurs cartes bancaires.
Agé de 46 ans, Jean-Pierre Treiber était né à Mulhouse. Il avait été pépiniériste dans le Bas-Rhin, puis garde-chasse et garde-forestier en Seine-et-Marne, puis ouvrier agricole dans l'Yonne.
L'enquête n'a pas élucidé les circonstances du double meurtre. Jean-Pierre Treiber a beaucoup varié dans ses déclarations. Il a affirmé avoir connu les victimes "en faisant de l'auto-stop" à l'automne 2004, puis dans un bowling à la fin de l'été, enfin "à Sens au mois d'août". Sur son emploi du temps après la disparition des deux jeunes femmes, il s'est aussi beaucoup contredit.
Détenu à la prison d'Auxerre, où il avait obtenu un poste de contremaître à l'atelier, Jean-Pierre Treiber avait réussi à s'évader en septembre. Il s'était caché dans un carton transporté hors de la prison par le camion d'une entreprise. Son évasion n'avait été découverte qu'au bout d'une journée. Pendant sa fuite, Jean-Pierre Treiber avait envoyé plusieurs lettres à des journaux et à son amie où il se disait innocent et livrait des récits détaillés de sa supposée existence dans les bois. Le manège avait duré 74 jours, avant que Jean-Pierre Treiber fût finalement retrouvé dans un appartement du centre-ville de Melun. Trois hommes et une femme soupçonnés de l'avoir aidé ou hébergé durant sa fuite ont été mis en examen.
La tante de Géraldine Giraud, Marie-Christine Van Kempen, soupçonnée dans un premier temps d'avoir commandité le double meurtre, a été mise hors de cause. Jean-Pierre Treiber restait l'unique accusé du double assassinat.
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