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L'héritage empoisonné de Sarkozy à l'UMP

Caisses vides, guerre des chefs, idées en berne et un procès en prime : l'ex-président a légué à son parti des dossiers très encombrants. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Lors d'un des derniers meetings de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, place du Trocadéro, à Paris, le 1er mai 2012. (PHILIPPE WOJAZER / AFP)

L'actualité a rattrapé l'ex-président. Vendredi 21 décembre, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté les comptes de la campagne présidentielle 2012 de Nicolas Sarkozy. Un nouveau revers surgi du passé pour l'UMP, à mettre sur le compte de l'ancien président pourtant vivement regretté par les militants.

En même temps qu'il quittait l'Elysée, Nicolas Sarkozy disait vouloir prendre ses distances avec la rue de Vaugirard, où se situe le QG du parti. Mais il a laissé plusieurs dossiers encombrants sur la table de l'UMP.

1Les difficultés de trésorerie du parti

La CNCCFP estime que Nicolas Sarkozy a dépassé le plafond de dépense fixé à 22,5 millions d'euros pour sa campagne. Si le Conseil constitutionnel valide en janvier le rejet de ces comptes de campagne, le parti de l'ex-président pourrait frôler la banqueroute. Il serait d'abord privé de 10 à 11 millions d'euros d'aides publiques, a indiqué L'Express. Cet argent est accordé traditionnellement aux candidat dépassant les 5% de voix au premier tour. Cela représenterait un nouveau trou dans les caisses déjà bien vides du parti d'oppostion.

L'UMP a déjà perdu 11 autres millions d'euros après sa défaite aux législatives de juin, à cause de mauvais résultats et de "non-respect de la parité [hommes-femmes] aux législatives", rappelle l'hebdo. Par ailleurs endetté à hauteur de 35 millions d’euros sur quatorze ans pour rembourser l’emprunt immobilier lié à l’achat de son nouveau siège parisien, le parti enregistre de moins en moins d'adhésions susceptibles d'amener des cotisations, note Le Figaro. L'état des finances est tel qu'à l'été, le trésorier de l'UMP d'alors, Dominique Dord, avait adressé une "lettre de cadrage" aux responsables du parti, préconisant des mesures d'économies drastiques.

De plus, le parti devra faire face aux dépenses occasionnées par l'organisation d'un nouveau vote fin 2013 pour se désigner un président, conséquence du psychodrame qui a opposé pendant un mois Jean-François Copé et François Fillon. Une mauvaise nouvelle pour les finances, étant donné le coût du premier scrutin, chaotique, déjà dénoncé par l'ancien trésorier dans un ultime coup de gueule. 

2La guerre des chefs 

Le duel sans merci entre son ancien Premier ministre, François Fillon, et le secrétaire général du parti, Jean-François Copé, serait-il aussi une conséquence du départ de Nicolas Sarkozy ?

Sollicité de toute part, l'ex-président n'est pas parvenu à interrompre la cacophonie post-électorale. Et ce malgré ses déjeuners, ses coups de fils et ses ultimatums. "L’ancien président est le premier fautif, le premier responsable de la folie destructrice qui s’est emparée de l’UMP, a analysé Renaud Dély, dans son édito fin novembre dans Le NouvelObs.comParce qu’il redoutait une victoire trop écrasante de François Fillon, il a multiplié en fin de campagne les coups de main à Jean-François Copé, jusqu’à contribuer à l’accouchement de ce résultat aussi serré que suspect." Et destructeur.

Sa pratique du pouvoir et sa volonté de lisser les courants au sein de la machine UMP n'a pas favorisé la transition. "Nicolas Sarkozy verrouillait tout, analyse l'éditorialiste du Monde Françoise Fressoz dans un billet de blogInvisible sur la scène et pourtant à la manœuvre ; voyant les uns, désavouant les autres ; doutant de ses chances de retour mais ne bloquant aucune porte ; sûr de lui mais pas des autres ; mal aimé des Français mais adulé par les militants ; concédant avoir été vaincu par la crise mais défendant sa ligne de campagne, la ligne Buisson, au point d’en favoriser l’ancrage au sein de l’UMP (...)" , a-t-elle énuméré.

3La confusion idéologique

Nicolas Sarkozy a laissé une UMP en pleine remise en question idéologique. Pour l'éditorialiste de France Inter Thomas Legrand, il a négligé l'émergence d'idées neuves au profit du mouvement perpétuel, "cinq années de tourbillon idéologique au cours desquelles, de 'laïcité positive' en ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, de triangulations en ruptures sémantiques, tous les repères (les tabous dira-t-il) d’une droite modérée et républicaine, auront été secoués, malaxés, triturés par un président obsédé par l’occupation médiatique permanente."

Résultat des courses, ni Fillon, ni Copé "n’ont cherché à fédérer autour d’une ou plusieurs idées neuves – ce qui s’imposait, après la défaite de N. Sarkozya estimé Hervé Gattegno, rédacteur en chef du Point, dans son édito du mardi 18 décembre 2012. L'UMP est devenue un monstre à deux têtes… mais qui ne pense pas."

Une confusion qui aurait laissé les sympathisants en pâture, à la merci des partis limitrophes que sont, d'un côté, l'UDI, et de l'autre, le Front national. Favorable à l'exercice d'un droit d'inventaire à l'issue de l'ère Sarkozy, le politologue Dominique Reynié indiquait en novembre que "la droite française [était sortie] dynamitée du dernier quinquennat. Entre 2007 et 2012, le centre a disparu, l'UMP a perdu toutes les élections intermédiaires ainsi que la présidentielle. Et elle a échoué à ce dernier scrutin dans les pires conditions car elle ne sait pas dire aujourd'hui si elle doit cette défaite à un déficit de droitisation ou, au contraire, à un excès", a-t-il analysé, interrogé par Le Monde. Une question en suspens, à laquelle l'UMP peine encore à répondre.

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