La Cour de justice de la République a reporté vendredi au 4 août sa décision d'ouvrir ou non une enquête sur Mme Lagarde
Motif: un membre de la commission des requêtes de la CJR s'est récusé, entraînant le report de la décision. Il s'agit de Laurence Fradin, épouse de l'ex-ministre PS Pierre Joxe.
Selon une source judiciaire, celle-ci a eu à connaître le dossier Tapie quand elle était magistrate à la Cour des comptes. Elle craint donc le conflit d'intérêt.
"Un des membres de la commission a fait connaître tardivement qu'il était dans l'obligation de se recuser", a expliqué Gérard Palisse, président de la commission des requêtes de la Cour. "En outre, le membre suppléant qui aurait pu le suppléer nous a de son côté fait savoir qu'il était lui-même dans l'impossibilité de le faire immédiatement sans connaissance préalable du dossier", a-t-il ajouté.
Laurence Fradin a invoqué un possible conflit d 'intérêt car elle est l'épouse de Pierre Joxe, ancien président de la cour des comptes et, surtout, ancien ministre de François Mitterrand, tout comme l'a été Bernard Tapie, ajoute-t-on.
Mme Lagarde saura donc le 4 août si son mandat au FMI sera ou non parasité par
l'enquête en France sur son rôle dans le dossier de l'arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie dans la vente litigieuse d'Adidas par le Crédit Lyonnais en 1993. L'homme d'affaires affirme avoir été floué par le Lyonnais, alors banque publique. L'arbitrage privé lui a attribué 285 millions d'euros.
Première femme à diriger le Fonds monétaire international,, nie toute infraction dans ce dossier.
Une enquête pourrait durer des années et gêner l'ancienne ministre de l'Economie dans ses nouvelles fonctions. L'ouverture d'une enquête reste l'option la plus probable, estiment plusieurs sources judiciaires.
Le rôle du procureur général près la Cour de cassation
Le 10 mai, Jean-Louis Nadal, alors procureur général près la Cour de cassation, avait saisi la commission des requêtes de la Cour de justice de la République, estimant qu'il existait des éléments justifiant une enquête pour "abus d'autorité".
Le procureur reprochait à la ministre le choix, en juillet 2008, contre l'avis des services de Bercy, d'un arbitrage, autrement dit une justice privée alors qu'il s'agissait de deniers publics. Une procédure préférée à la voie judiciaire. Pourtant, l'Etat avait gagné en 2006 devant l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, la plus haute juridiction du pays.
Les conditions dans lesquelles la convention d'arbitrage a été modifiée pour permettre l'attribution de 45 millions d'euros à Bernard Tapie au seul titre du "préjudice moral" sont également mises en cause.
Le parquet général reproche par ailleurs à Christine Lagarde d'avoir eu connaissance de la partialité de certains juges-arbitres mais de ne pas avoir exercé de recours contre la sentence arbitrale, alors que plusieurs spécialistes l'y encourageaient.
Tant que Jean-Louis n'est pas remplacé, ce qui devrait prendre des mois, l'enquête ne pourra pas effectivement démarrer.
Plusieurs hypothèses
La Cour de justice de la République juge les crimes et délits imputables aux membres du gouvernement "dans l'exercice de leurs fonctions".
Dans la première, la commission des requêtes de la CJR classe l'affaire sans suite. Dans une seconde hypothèse, insuffisamment informée, elle demande à se faire communiquer des documents supplémentaires. Et, troisième option, elle rend un "avis favorable" à l'ouverture d'une enquête.
Dans ce dernier cas, le procureur général près la Cour de cassation serait alors tenu de saisir la commission d'instruction, composée de trois magistrats de la Cour de cassation. Seulement, Jean-Louis Nadal est parti en retraite le 30 juin et n'a pas été remplacé, un intérim qui pourrait offrir un répit à Mme Lagarde.
Une fois saisie, la commission d'instruction entamerait une enquête qui pourrait aboutir au renvoi de la patronne du FMI devant la Cour de Justice de la République, chargée de juger les crimes et délits commis par les membres du gouvernement "dans l'exercice de leurs fonctions".
S'il y a enquête, elle sera longue et, le cas échéant, la ministre ne serait pas jugée avant plusieurs années. Depuis sa création en 1993, la Cour de Justice de la République a examiné plus d'un millier de plaintes et jugé six ministres.
Une association de contribuables conteste l'arbitrage
Une association de défense des contribuables, l'association Contribuables Associés (ACA), conteste devant le tribunal de commerce de Paris la validité de la sentence arbitrale de 2008, a-t-on appris vendredi auprès de leur avocat.
Selon Me Lionel Jung-Allegret, la prochaine audience, fixée au 26 septembre, ne sera qu'une simple audience de procédure. Le dossier ne devrait être plaidé que dans plusieurs mois.
Dans sa procédure, l'ACA se base sur le fait qu'une sentence arbitrale peut en effet être frappée de "tierce opposition". En d'autres termes, un tiers, qui justifie d'un intérêt à agir, peut demander à ce que l'on statue à nouveau sur certains points de la décision critiquée.
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