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La "jungle" de Calais vidée de ses sans-papiers

Annoncé par Eric Besson, le démantèlement des campements de migrants sans papiers a eu lieu mardi matin
Article rédigé par France2.fr
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Des migrants à Calais (© PHILIPPE HUGUEN/AFP)

Annoncé par Eric Besson, le démantèlement des campements de migrants sans papiers a eu lieu mardi matinAnnoncé par Eric Besson, le démantèlement des campements de migrants sans papiers a eu lieu mardi matin

278 personnes, dont 135 se déclarant mineures, ont été interpellées, a déclaré le préfet du Pas-de-Calais. Une "soixantaine" d'entre eux auraient été placés dans un centre d'accueil à Vitry-sur-Orne (Moselle), a-t-on appris mercredi.

Les associations humanitaires affirment que les autres se regrouperont dans d'autres campements de fortune.

Ces "mineurs isolés", dont les nationalités et les âges n'étaient pas immédiatement connus, sont arrivés mardi soir dans cette localité de quelque 2.500 habitants située à proximité de Gandrange (Moselle), a précisé le maire (apparenté PS) de Vitry-sur-Orne, Luc Corradi. Ttrois bus sont arrivés vers 17H00 (mardi), escortés par des gendarmes", a précisé l'adjointe aux affaires sociales de Vitry-sur-Orne, Francine Messina.

Alors que différentes sources concordantes ont confirmé l'information à l'AFP, la préfecture de la région Lorraine n'a ni confirmé ni infirmé ces informations, précisant qu'elle "ne communiquerait pas sur ce dossier".

Egalement interrogée, la Direction de l'action sanitaire et sociale (DDASS) de la Moselle à Metz a pour sa part indiqué qu'"il fallait absolument passer par la préfecture".

Le démantèlement


Munis de mégaphones, des CRS ont encerclé le camp peu avant 7h30, mardi. Beaucoup de migrants avaient fui les lieux avant l'arrivée des forces de police

"Ce que je veux, c'est que nous démantelions cette jungle qui est le camp de base des passeurs. Ce n'est pas un camp humanitaire", a déclaré le ministre de l'Immigration, Eric Besson, mardi matin sur RTL. "Il y aura aujourd'hui et dans les jours à venir d'autres démantèlements", a conclu le ministre.

"On ne peut aller nulle part"
La centaine de clandestins restants mardi matin ont brandi des banderoles rédigées en anglais et en pachtoune". Nous avons besoin d'un abri et de protection. Nous voulons l'asile et la paix. La jungle est notre maison", proclame l'un d'eux. Ils attendaient l'intervention des policiers, dans un grand silence, en présence d'une nuée de journalistes et de militants associatifs. Les forces de l'ordre ont encerclé puis regroupé les migrants pour tenter de les recenser.

"Voilà l'image de la violence que veut donner la France, c'est triste et honteux", a déclaré sur place Jean-Claude Lenoir, membre de l'association Salam. "Il y a assez de caméras sur place, tout le monde verra ce qui s'est passé", a-t-il ajouté.

Certains Afghans ont décidé de fuir au dernier moment, juste avant l'encerclement. "On ne peut aller nulle part. Partout à Calais la police nous attrapera. La jungle c'est chez nous. Nous n'avons pas peur", a confié Bilal, 18 ans.

Les migrants avaient allumé un feu de palettes toute la nuit, partageant thé et cigarettes avec les journalistes. Certains se sont endormis autour du feu, d'autres dans leurs cabanes.

Devenue emblématique de la détresse des clandestins cherchant à tout prix à passer en Angleterre, qu'ils perçoivent comme un "eldorado", la "jungle" est située à proximité des axes empruntés par les poids lourds en attente d'embarquer sur les ferries qui traversent la Manche.

Entre 700 et 800 migrants, dans leur immense majorité de jeunes Afghans de l'ethnie pachtoune, y vivaient avant l'annonce de son prochain démantèlement par le ministre de l'Immigration, Eric Besson, le 16 septembre.

Pour les bénévoles, la destruction des campements précaires où s'abritaient les migrants depuis la fermeture du centre de la Croix Rouge de Sangatte en 2002 était presque achevée dès lundi.

De nouvelles implantations


Depuis plusieurs mois, les migrants ne sont d'ailleurs plus exclusivement concentrés dans le Calaisis. Ils se sont pour certains regroupés le long des autoroutes menant à Calais, à Norrent-Fontes par exemple, à proximité des aires de repos, où ils tentent de pénétrer dans les camions bien avant le port de Calais.

Le campement de Norrent-Fontes plusieurs fois visé par les forces de l'ordre s'est reconstitué à chaque fois et il est aujourd'hui installé sur un terrain communal. D'autres ont préféré des solutions de repli dans les terres ou le long de la cote d'Opale. De nombreux petits campements ont vu le jour à Steenvorde, Loon-plage ou Grande-Synthe. Ces campements se sont reconstitués peu de temps après les dernières interventions des forces de l'ordre.

Les dangers d'une fermeture

Patrick Delouvin président du collectif des sans papiers redoute les conséquences de la fermeture du centre de Calais. La fermeture imminente de la zone où se regroupent les migrants à Calais pourrait intensifier leur renvoi vers la Grèce. Or selon les défenseurs des sans papiers, " le droit d'asile n'est pas assuré" en Grèce.

"La France doit cesser de renvoyer des migrants vers la Grèce mais jusqu'alors le ministère de l'Immigration reste sourd à cette demande", regrette Patrick Delouvin président de la coordination pour le droit d'asile (CFDA) et membre d'Amnesty International France dans une interview à l'AFP.

Or, "en ce qui concerne le droit d'asile, la situation est de pire en pire à tel point que le Haut commissariat aux réfugiés de l'Onu s'est retiré des instances de détermination du statut de réfugiés de ce pays en estimant qu'elles étaient vraiment trop mauvaises", ajoute-t-il.

Le règlement européen de Dublin, dont la CFDA demande le "retrait ou la révision", oblige un migrant à faire examiner sa demande d'asile dans le premier pays par lequel il est entré dans l'UE, soit dans beaucoup de cas la Grèce, où nombre de migrants ne souhaitent pas rester et où une infime proportion obtiennent effectivement un statut de réfugié.

Lorsque ce demandeur d'asile est arrêté dans un autre pays de l'UE, il peut être systématiquement renvoyé vers la Grèce. "Pour éviter cela, certaines personnes vont jusqu'à s'automutiler, se brûler les mains pour effacer leurs empreintes digitales", souligne M. Delouvin.

"Tant que le risque d'un renvoi vers la Grèce existe, les migrants du Calais n'oseront pas déposer une demande d'asile en France".

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