La prime au mérite arrive chez les enseignants
Destinée à attirer les professeurs dans les établissements difficiles, une réforme instaurant une prime au mérite et expérimentée depuis 2010 va être étendue. Le Snes dénonce une "pression" sur les enseignants.
Un coup de pouce financier pour attirer les professeurs dans les établissements difficiles. Le ministre de l'Education nationale, Luc Chatel, a annoncé mardi 17 janvier la généralisation à la rentrée 2012 d'un dispositif expérimenté depuis septembre 2010 dans le réseau Eclair. "Ni plus ni moins qu'une prime au mérite", selon le syndicat Snes, qui dénonce une "pression" sur les enseignants.
• Quels sont les établissements concernés ?
Les postes concernés par la réforme appartiennent au réseau "Ecoles, collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite" (Eclair), lancé en 2010. Il regroupe 2 100 écoles, 297 collèges et 28 lycées, soit les établissements concentrant "le plus de difficultés en matière de climat scolaire et de violence", selon le ministère de l'Education nationale.
Ces établissements sont confrontés à des difficultés de recrutement des professeurs. En 2011, les postulants ne se sont pas bousculés pour les 911 postes Eclair ouverts par le ministère. "Le vrai problème, c'est l'absence de candidats", confirme Philippe Tournier, secrétaire général du syndicat majoritaire des chefs d'établissement SNPDEN-Unsa, interrogé par Libération.
• Qu'est-ce qui va changer dans le mode de recrutement ?
Les postes Eclair seront désormais ouverts sur une base nationale et non plus académique, a annoncé Luc Chatel mardi. Pour élargir les possibilités de recrutement, un enseignant de l'académie de Rennes pourra donc envoyer son CV et sa lettre de motivation à Marseille ou Saint-Denis.
Les enseignants volontaires pourront postuler sur internet aux postes déclarés vacants. Le chef d'établissement, qui jusqu'ici n'avait pas son mot à dire, donnera alors au rectorat son avis sur le candidat, après entretien et lecture de son dernier rapport d'inspection. L'autonomie des chefs d'établissement sera donc accrue, selon le ministère, dans la mesure où ils pourront participer à la composition de leur équipe éducative.
L'affectation d'un enseignant du public dépendait jusque-là surtout de son ancienneté, sa situation familiale, son concours et son lieu d'habitation.
• En quoi consiste la prime ?
L'enseignant volontaire a le droit à une indemnité pouvant s'élever "jusqu'à 3 556 euros annuels", selon le ministère. Elle comprend deux volets : une prime fixe de 1 156 euros par an versée mensuellement et une autre pouvant aller jusqu'à 2 400 euros. Cette dernière, versée en fin d'année scolaire, est conditionnée à "la participation et à l'engagement des intéressés", évalués par l'inspection (pour les professeurs des écoles) ou le chef d'établissement (pour le second degré).
"Pour aller dans des établissements difficiles, on a besoin d'enseignants qui ont envie de relever un challenge, avance le cabinet de Luc Chatel. L'idée, c'est de donner une marge d'autonomie pour répondre aux difficultés des élèves."
• Qu'en pensent les syndicats ?
"Ça n'est ni plus ni moins qu'une prime au mérite", juge Guillaume Delmas, secrétaire national du Snes, syndicat majoritaire dans le second degré. Interrogé par Le Parisien, il y voit "une autre manière de tenir les enseignants, de leur mettre la pression" et redoute "un mode de recrutement sur le mode du privé".
"Quand on recrute des profs avec un adoubement à l'entrée, c'est pour en faire de bons petits soldats, pour se constituer une équipe corvéable. C'est destructeur", s'emporte un professeur d'histoire-géographie de Montreuil (Seine-Saint-Denis), cité par Libération. Son établissement, anciennement classé zone d'éducation prioritaire, est passé Eclair à la rentrée.
Chez les chefs d'établissement, le SNPDEN-Unsa se dit sceptique, et le syndicat minoritaire Snupden-FSU est plus virulent. "Non seulement le recrutement direct remet en cause le statut de fonctionnaire, mais ce n'est pas notre métier. On n'est pas des recruteurs de chez Danone !" oppose sa secrétaire générale, Catherine Manciaux, qui avance le risque "de pourrir les relations dans l'établissement".
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