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Le ministre de l'Intérieur a été condamné vendredi pour atteinte à la présomption d'innocence du magistrat David Sénat

Son avocat a immédiatement annoncé son intention de faire appel. Brice Hortefeux a insisté sur le caractère "pas définitif" de sa condamnation.David Sénat, 45 ans, placé en garde à vue cette semaine pour être interrogé sur son implication présumée dans des fuites au Monde sur les dossiers Bettencourt, avait assigné le ministre en référé.
Article rédigé par France2.fr
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Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux (le 19 novembre 2010 à Marseille) (AFP - ANNE-CHRISTINE POUJOULAT)

Son avocat a immédiatement annoncé son intention de faire appel. Brice Hortefeux a insisté sur le caractère "pas définitif" de sa condamnation.

David Sénat, 45 ans, placé en garde à vue cette semaine pour être interrogé sur son implication présumée dans des fuites au Monde sur les dossiers Bettencourt, avait assigné le ministre en référé.

Il s'agit de la deuxième condamnation en six mois pour le ministre de l'Intérieur, six mois après une condamnation pour injures raciales.

Condamnation pour atteinte à la présomption d'innocence
Ancien conseiller de Michèle Alliot-Marie à la Chancellerie (il avait quitté le cabinet de la ministre cet été pour une mission de préfiguration de la cour d'appel de Cayenne), David Sénat avait assigné Brice Hortefeux en référé pour des propos lui imputant une violation du secret professionnel.

Interrogé en octobre sur les conditions dans lesquelles Daniel Sénat avait été identifié par les services du contre-espionnage comme source possible du Monde, le ministre avait répondu qu'"un haut fonctionnaire, magistrat, membre de cabinet ministériel, ayant donc accès à des documents précisément confidentiels, alimentait, selon ces sources, vérifiées, un journaliste sur des enquêtes". "Ca tombe sous le coup du non respect du secret professionnel", avait ajouté Brice Hortefeux. Des propos décrétés "attentatoires à la présomption d'innocence de David Sénat", selon le jugement rendu vendredi.

Le tribunal a jugé que "par les propos qu'il a tenus, Brice Hortefeux a manifesté, de manière explicite et non équivoque, une conviction tenant pour acquise la culpabilité de David Sénat". "Il l'a exprimé dans des conditions ne pouvant laisser subsister aucun doute sur cette culpabilité dans l'esprit des auditeurs", poursuit le jugement qui a condamné vendredi le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux à 1 euro de dommages et intérêts. Le tribunal a jugé "qu'un conseiller exerçant ses fonctions dans un cabinet ministériel peut légitimement être appelé à fournir des informations, le cas échéant sensibles, à des journalistes (...)".

David Sénat réclamait 10.000 euros de dommages et intérêts ainsi que la publication d'un communiqué.

Il a par ailleurs été débouté vendredi dans une action en référé contre Le Figaro, qu'il accusait également d'atteinte à la présomption d'innocence. Le quotidien avait écrit le 6 novembre que Michèle Alliot-Marie avait été fragilisée dans la course pour Matignon "par la démission de David Sénat", qui "donnait des informations sensibles à la presse". Le tribunal a relevé l'absence d'élément de contexte dans cette phrase. Ce magistrat avait été mis en examen le 1er octobre pour complicité d'infraction à la législation sur les jeux dans l'affaire Visionex.

Propos "outrageants"
Il y a six mois, le 4 juin, le ministre de l'Intérieur avait été condamné à 750 euros d'amende pour avoir tenu en septembre 2009 des propos jugés "outrageants" envers les personnes d'origine arabe.

Il avait également fait appel de cette condamnation, qui concernait des propos diffusés sur Internet, alors qu'il posait pour une photo avec un jeune militant UMP né de père algérien, lors de l'université d'été du parti majoritaire à Seignosse (Landes) en septembre 2009.

Réactions politiques
Le porte-parole du PS, Benoît Hamon, a estimé que Brice Hortefeux devait "démissionner". "Désormais, on a un ministre de l'Intérieur condamné à deux reprises", a-t-il dit. "Il y a là une conception de la République irréprochable qui pose problème", a-t-il affirmé en allusion à la "République irréprochable" prônée par Nicolas Sarkozy.

Le PCF a jugé "totalement incompréhensible (le) maintien comme ministre (de Brice Hortefeux)". "On touche le fond ! Cet épisode s'ajoutant à celui de son soutien pour le moins critiquable aux policiers condamnés pour faux témoignages", ajoute le communiqué du Parti communuiste.

Revue de presse
De nombreux éditorialistes de la presse écrite ne cachaient pas leur "malaise" samedi face à la situation du ministre de l'Intérieur, deux fois condamné en six mois.

"Sale temps pour Brice Hortefeux ! Et cette fois, la neige n'y est pour rien", ironise Jacques Guyon dans la Charente libre. "On dira que l'exemple, censé venir d'en haut, ne trône pas vraiment place Beauvau", commente de son côté Gilles Debernardi dans Le
Dauphiné libéré. "A collectionner ainsi les délits, le'premier flic de France' finit par créer un malaise", estime l'éditorialiste du quotidien grenoblois. Ces "démêlés récurrents (...) avec la justice sont du plus mauvais effet", ajoute Jacques Camus dans La République du Centre.

"Un ministre condamné deux fois en six mois, cela fait désordre. Quand il s'agit de celui de l'Intérieur, chargé de faire appliquer la loi, cela pose problème", renchérit Chantal Didier dans l'Est républicain. Pour Jean-Michel Roustand de l'Union, "cela commence à faire beaucoup pour un seul homme. Qui plus est ministre et de surcroît de l'Intérieur".

"Ministre de l'Intérieur et deux fois condamné. On connaît des ministres qui ont démissionné sur de simples soupçons", remarque l'éditorialiste de Sud-Ouest, Yves Harté. Jacques Guyon (La Charente Libre) estime que cela "va finir par devenir
compliqué pour Nicolas Sarkozy (...) de conserver encore longtemps un ministre Père-la-Morale qui accumule les condamnations et les plaintes".

Même si Brice Hortefeux "souligne ingénument qu'il demeure 'présumé innocent', ces faux pas de son ami de trente ans pourraient, à la longue, faire déraper Nicolas Sarkozy", commente Hervé Cannet dans la Nouvelle République du Centre Ouest.

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