Le parquet de Paris a requis mardi la relaxe générale de Jacques Chirac, jugé en son absence depuis le 5 septembre
Le procureur Michel Maes a d'abord demandé la relaxe de l'ex-chef de l'Etat et de ses neuf coprévenus dans le principal volet de l'affaire des emplois présumés fictifs de la ville de Paris.
Dans un 2e temps, il a requis la relaxe dans l'autre volet de l'affaire, qui avait été instruit à Nanterre et dans lequel Jacques Chirac est le seul prévenu.
Le volet parisien concernait 21 emplois, contre sept pour le dossier des Hauts-de-Seine.
L'ancien chef de l'Etat, absent du procès pour raison de santé, est jugé pour détournement de fonds publics lorsqu'il était maire de Paris en 1992-1995.
Les deux vice-procureurs, Michel Maes et Chantal de Leiris, se sont évertués pendant deux heures et demie à démontrer que les 28 emplois litigieux, rémunérés par la ville de Paris au début des années 90, avaient bien une utilité pour la municipalité. Pour les rares postes où ils ont admis un doute, ils ont affirmé que la responsabilité de l'ex-président de la République n'était "pas établie", pas plus que celle de ses directeurs de cabinet Michel Roussin et Rémy Chardon, qui n'étaient, à leurs yeux, "qu'un maillon de la chaîne de recrutement".
"Les éléments manquent pour caractériser tant l'aspect intentionnel que matériel d'une infraction, c'est pourquoi je requiers la relaxe des dix prévenus", a dit Michel Maes au sujet du dossier parisien. "La preuve n'est pas rapportée que Jacques Chirac avait connaissance des situations individuelles", a-t-il ajouté. Le représentant du parquet a cependant admis qu'on pouvait éventuellement "relever une infraction" dans le cas du chauffeur-garde du corps octroyé par Jacques Chirac à Marc Blondel, ancien secrétaire général de Force Ouvrière. "Si vous deviez considérer que le délit est constitué, vous prononceriez une dispense de peine", a-t-il demandé au tribunal.
L'autre représentante du ministère public, Chantal de Leiris, avait auparavant vivement contesté que les procédures de recrutement des chargés de mission reprochés à Jacques Chirac et ses coprévenus aient été "occultes" ou "frauduleuses". "Les procédures péchaient par un manque de rigueur administrative" et une possible "dilution des responsabilités", a concédé Chantal de Leiris. Mais,"en tous cas, il n'y a pas de système frauduleux", "encore moins mafieux", a-t-elle affirmé.
Ces réquisitions ne sont pas une surprise, puisque le parquet avait déjà requis un non-lieu en fin d'instruction en 2009, alors que le procureur de Paris était Jean-Claude Marin, haut fonctionnaire au ministère de la Justice sous le second mandat de Jacques Chirac comme maire de Paris.
Deux juges d'instruction avaient cependant refusé de suivre cet avis et ordonné ce procès, estimant que les faits révélaient l'existence d'un "système" visant à utiliser les fonds publics pour les ambitions politiques de Jacques Chirac.
La défense de l'ancien chef de l'Etat plaidera la relaxe sans doute vendredi, à la fin du procès, puis le jugement sera mis en délibéré.
Réactions
"C'est totalement caricatural, à la limite du ridicule", a réagi à l'extérieur de la salle d'audience Me Jérôme Karsenti, avocat de l'association anticorruption Anticor, qui s'est constituée partie civile au procès. Cela démontre "la maladie de la justice française, on voit bien l'asservissement au pouvoir politique", a-t-il ajouté.
L'un des défenseurs de Jacques Chirac, Me Georges Kiejman, s'est en revanche félicité de la demande de relaxe. "Le plus important, c'est qu'elle a été motivée." "La théorie affirmée avec un peu de légèreté qu'il y aurait eu un sombre complot me paraît avoir été mise à mal", a-t-il estimé.
Le député vert Noël Mamère: "A la suite de toutes les affaires qui empoisonnent le climat politique, cette relaxe ne peut que nourrir ceux qui repètent en boucle 'tous pourris' et écarter encore un peu plus les citoyens des urnes".
La candidate à la présidentielle pour Europe Ecologie-Les Verts (EELV) a déploré que "le parquet persiste et signe", jugeant sa position "incohérente" avec "les abus" apparus dans le dossier. "On voit combien c'est important d'avoir des juges d'instruction indépendants pour ne pas priver le pays du débat de l'audience", a-t-elle ajouté.
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