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Le permis de conduire sur la bande d'arrêt d'urgence

Trop long, trop cher... Alors que les examinateurs sont en grève pour demander une revalorisation de leurs salaires, FTVi revient sur les travers de l'examen le plus passé en France.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Une jeune femme apprend à conduire avec un moniteur d'auto-école du Mans (Sarthe), le 19 mars 2012.  (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

Quoi qu'en disent les automobilistes, mains sur le klaxon et poing levé après une queue de poisson, cela fait belle lurette qu'on ne distribue plus le permis de conduire dans des pochettes surprises. Les quelque 258 candidats venus présenter l'examen (toutes catégories confondues), lundi 19 mars, au centre de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) l'ont sans doute regretté, au moment de découvrir leur centre d'examen fermé pour cause de grève des inspecteurs.

Mobilisé à l'appel du syndicat majoritaire Snica-FO, les examinateurs réclament des hausses de salaires, promises depuis 2007 selon le syndicat, et confirmées à l'issue du mouvement d'octobre 2011. Alors que des délais interminables et des tarifs prohibitifs barrent la route des futurs conducteurs, les examinateurs dénoncent, eux, des sous-effectifs et des salaires à peine supérieurs au Smic. Trois ans après la réforme du permis de conduire, FTVi revient sur un secteur en panne.

          •  Galère n°1 : le permis, c’est trop cher 

Sauf si vous l'avez du premier coup, au bout de vingt heures de cours

Difficile d'évaluer le prix du permis de conduire. Pour les as qui décrochent le papier rose en vingt heures de cours obligatoires, l'opération se fait sans (trop de) douleur. En moyenne, le prix du permis (un forfait vingt heures de leçon et quelques heures supplémentaires) s'établit autour de 1 200 euros. Pour les angoissés, ou ceux qui luttent quarante heures avant de maîtriser le créneau, la facture est beaucoup plus salée. A Paris et dans les grandes villes, l'heure sup coûte environ 45 euros. Pour ce prix-là, on peut louer les services d'un informaticien nu en Afrique du Sud, c'est dire.

Des aides financières renforcées, mais marginales

Dans sa grande réforme du permis de conduire en 2009, le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) a mis l'accent sur trois dispositifs. "Le permis à 1 euro par jour a été renforcé", assure le Comité dans un premier bilan réalisé à la mi-2010. Il estime que "cette caution publique [qui fonctionne comme un prêt] concernera 20 000 jeunes par an". Autre initiative : la bourse au permis. Mais en 2010, ce dispositif qui permet à un jeune de travailler pour une collectivité locale en échange du financement de son permis ne s'appliquait qu'à 84 communes et cinq communautés de communes... Enfin  6 300 jeunes étaient bénéficiaires de l'opération "10 000 permis pour réussir". Ces deux dernières initiatives sont encourageantes, mais restent très marginales.

La hausse du prix du carburant plombe les auto-écoles

Depuis 2009, "la conduite supervisée" permet aux plus de 18 ans de conduire durant trois mois avec un adulte afin de se roder en dehors des heures de cours. A condition de parcourir 1 000 km, l'apprenti conducteur peut présenter de nouveau l'examen sans se ruiner en heures de cours supplémentaires. Problème, cette solution repose sur la présence d'un adulte pédagogue et disponible et ne règle pas en tant que telle la question du coût de l'apprentissage. Surtout qu'un facteur extérieur menace encore d'augmenter le coût de l'heure de conduite : la hausse du prix de l'essence. Une galère supplémentaire, ici détaillée par France 3 Provence-Alpes Côte d'Azur.

          • Galère n°2 : le permis, c'est trop long 

Les Français inégaux face aux délais

Là encore, les gagnants qui remportent le sésame du premier coup sont épargnés. Mais en cas d'échec, pour repasser l'examen, c'est souvent l'embouteillage. Selon un enquête réalisée en juin 2011 par le magazine spécialisé Auto Plus, le délai pour se présenter à nouveau varie de trois semaines dans certaines régions… à six mois pour d'autres. Vingt-huit semaines d'attente dans les Bouches-du-Rhône, 24 dans le Var ou 18 en Ardèche, etc. Les aspirants conducteurs doivent prendre leur mal en patience. 

Une série de bouleversements

"Ces dernières années, les inspecteurs ont absorbé les 35 heures, soit une demi-journée de travail en moins, explique Jean-Louis Bouscaren, président de l'Union nationale intersyndicale des enseignants de la conduite (Unidec), interrogé en juin 2011 par La Dépêche du Midi. Il faut ajouter à ce constat la suppression du service militaire : chaque année, 80 000 permis poids lourds étaient passés à l'armée, et à peu près pareil dans le civil (...) De plus, depuis la réforme [de 2005], l'examen de conduite du permis se déroule en 35 minutes au lieu de 22, poursuit-il. Tout ça mis bout à bout justifie les délais qu'on connaît." Les inspecteurs sont en efett passés d'un rythme de 20 à 12 candidats par jour.

Par ailleurs, la politique menée par la sécurité routière pour faire baisser le nombre de tués sur les routes s'est accompagnée logiquement d'un plus grand nombre de suspension de permis. Quatre millions de points sont retirés chaque année, et 100 000 permis de conduire sont annulés. Conséquence : les conducteurs sanctionnés doivent passer à nouveau leur permis, ce qui allonge d'autant plus les files d'attente pour l'examen.

Il manque 200 inspecteurs, selon les syndicats

Lorsque la durée de l'examen est passée à 35 minutes en 2005, les examinateurs sont passés d'un rythme de 20 à 12 candidats par jour et par inspecteur. La réforme de 2009 a ainsi acté le remplacement de tous les départs à la retraite d'inspecteurs, ainsi que le recrutement de 55 inspecteurs supplémentaires. Insuffisant, clament les syndicats, qui estiment qu'il manque encore 200 inspecteurs. Le précédent mouvement de grève, en octobre 2011, avait d'ailleurs provoqué le report du passage de plusieurs milliers de candidats.

          • Galère n° 3 : le permis, c'est plus dur qu'avant ?

Un taux de réussite décevant

Plus dur ? Pas forcément. Différent ? Sans aucun doute. L’épreuve du permis est désormais basée sur un bilan de compétence et non plus sur un relevé d’erreurs, note le ministère de l'Intérieur, lequel se félicite de constater qu'à la mi-2010, "le taux de réussite de l’épreuve de conduite a franchi pour la première fois le seuil des 60%. Il était de 56,6% fin 2008." Un résultat nuancé début 2012 en fonction des préfectures, explique 20 Minutes Lille. Au niveau national, le taux reste à 58% de réussite à la première tentative, contre une ambition de 66% affichée en 2009.

Un examen toujours contesté

"On dispose d'une nouvelle grille d'évaluation pour les examens pratiques, mais le fond risque de ne guère varier, indiquait dès 2010 Christian Grolier, de Snica-FO, dans le FigaroLes fautes éliminatoires [entre autres : circuler sur la bande d'arrêt d'urgence, griller un feu ou un stop], qui devaient être retirées des nouvelles épreuves, [ont été] finalement maintenues (...) Le permis ne sera donc pas plus facile à obtenir," avait-il prévenu. Mais pas plus dur, non plus. Des points supplémentaires pour conduite écologique et courtoise permettent notamment de faire grimper la note. 

En réaction à ce système en bout de course, les alternatives (passage en candidat libre avec location de voiture, permis passés à l'étranger, formules accélérées) se développent massivement. D'autres abandonnent : en France, 300 000 conducteurs en infraction roulent illégalement, sans permis. 

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