Cet article date de plus d'onze ans.

Les exemples à suivre (ou pas) par Sarkozy pour revenir en politique

A Londres, l'ex-président a laissé planer le doute sur son retour au premier plan. Depuis 1945, plusieurs hommes d'Etat s'y sont essayés. Rarement avec succès.

Article rédigé par Michael Bloch
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Nicolas Sarkozy, le 22 mai 2013 à Netanya (Israël). (DAVID BUIMOVITCH / AFP)

Nicolas Sarkozy a, de nouveau, semé des indices sur son prochain retour dans la vie politique. L’ancien chef de l’Etat s’est dit "prêt à revenir (…) si l’on a besoin de lui", lors d'une conférence tenue à Londres le 3 juin à huis clos, mais dont Le Monde et France Info ont obtenu des échos.

Depuis son retrait de la vie publique, au soir de sa défaite à la présidentielle le 6 mai 2012, Nicolas Sarkozy instille le doute sur un éventuel retour. L’hypothèse a été renforcée par des propos rapportés par l’hebdomadaire de droite Valeurs actuelles début mars. L'ancien président y affirmait qu’"il y aura malheureusement un moment où la question ne sera plus : 'Avez-vous envie ?' mais 'aurez-vous le choix ?'".

Avant lui, d'autres hommes d'Etat, comme Valéry Giscard d'Estaing, Lionel Jospin ou Charles de Gaulle, ont quitté le pouvoir, avant d'essayer d'y revenir, pas toujours avec succès. Plongée dans l'histoire pour y trouver des enseignements à l'attention de Nicolas Sarkozy.

Ce qui a fonctionné

Utiliser des circonstances exceptionnelles. L'exemple le plus frappant est celui de Charles de Gaulle. Chef du gouvernement provisoire de la IVe République, l'ancien chef de la France libre démissionne 20 janvier 1946, en désaccord face à l'orientation de la nouvelle Constitution, favorable aux partis. Il restera éloigné du pouvoir pendant douze ans avant de revenir à la faveur de la guerre d'Algérie.

Pour le politologue Olivier Duhamel, contacté par francetv info, il s'agit du "cas le plus exemplaire", même s'il ne peut pas forcément "servir de précédent". "N'oublions jamais qu'en janvier 1958, ni l'opinion, ni les gaullistes ne s'attendaient à un retour du général. Il a fallu l'aggravation de la guerre d'Algérie, une insurrection civile et militaire à Alger, une menace de coup d'Etat en métropole… Rien de moins."

Dans les prochaines années, les circonstances exceptionnelles pourraient être un Front national très fort, une crise économique qui se poursuit et une UMP extrêmement divisée.

Forcer le destin. Même Charles de Gaulle a dû prendre en main sa destinée en 1958 en montrant qu'il désirait réellement reprendre le pouvoir. Le 15 mai 1958, en pleine crise à Alger, De Gaulle se déclare "prêt à assumer les pouvoirs de la République". "On ne vient jamais vous chercher. Personne n’est indispensable, pas même le général de Gaulle, rappelle l'historien Christian Delporte, de l'université de Versailles Saint-Quentin (Yvelines), joint par francetv info. Personne ne fera de cadeau à Sarkozy. S'il revient, c’est qu'il est sûr de battre Hollande. Or, un Hollande affaibli ouvrira beaucoup d'appétits à l’UMP."

Entretenir le désir dans l'opinion. Pour revenir au pouvoir, il faut garder le contact avec l'opinion publique et les médias afin de ne pas se faire oublier. Dans le cas de De Gaulle, après douze ans de "traversée du désert" à Colombey-les-Deux-Eglises, des journalistes et des sondages s'interrogent encore sur un éventuel retour au pouvoir du héros de la seconde guerre mondiale. En janvier 1958, 13% des Français souhaitent son retour. Dans Le Monde de mars 1958, deux mois avant les événements d'Alger, l'éditorialiste Maurice Duverger écrit que "la vraie question", c'est de savoir "quand commencera le deuxième gouvernement De Gaulle".

Ce qu’il faut éviter

Se déclarer trop tard. "J’assume pleinement la responsabilité de cet échec et j’en tire les conséquences en me retirant de la vie politique après la fin de l’élection présidentielle." Lionel Jospin prononce cette phrase historique, au soir du premier tour de la présidentielle du 21 avril 2002, alors que Jean-Marie Le Pen vient d'accéder au second tour du scrutin.

Après quelques mois, l'ancien Premier ministre finit par regretter cette parole définitive. Il écrit un livre et "multiplie [les] apparitions publiques et [les] petites phrases, manifestant ainsi sa volonté de revenir dans le jeu politique", comme le relève Le Monde en août 2004. Quand il finit par se déclarer officiellement en juin 2006, la place est déjà prise dans l'opinion par Ségolène Royal. "Jospin a choisi le mauvais timing, tranche Christian Delporte. Il faut revenir au bon moment, ni trop tôt, ni trop tard. Cela va être le problème de Sarkozy dans les prochaines années."

Revenir par la base. Etre ancien président de la République et finir à l'Assemblée nationale. C'est le destin que se choisit Valéry Giscard d'Estaing, en se faisant élire député du Puy-de-Dôme en 1984. VGE redevient un politique parmi les autres, concurrencé sur sa droite par Jacques Chirac et dans son propre camp par Raymond Barre, qui se présente à la présidentielle de 1988. Valéry Giscard d'Estaing tente bien de récupérer la présidence de l’Assemblée nationale, comme l'explique Le Monde (article payant), en 1993, mais il ne parvient qu'à conquérir la présidence de la commission des Affaires étrangères. "En 1990, il était bien le premier dans les sondages. Mais il était encore trop tôt pour la présidentielle de 1995", souligne Christian Delporte.

Pour Olivier Duhamel, si VGE et Lionel Jospin ont raté leur retour en politique, c'est "probablement un peu pour quelques erreurs dans leur manière de jouer le partir-revenir". Mais "plus profondément parce que dans nos démocraties, lorsque celui qui a dirigé le pays est battu par le suffrage universel, la règle veut qu'il ne revienne pas", ajoute le politologue, citant les exemples de Jimmy Carter, John Major, Helmut Kohl, Gerhard Schröder et Romano Prodi. Des précédents à méditer pour Nicolas Sarkozy. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.