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Pourquoi les Français boudent les restaurants

La fréquentation des restaurants a chuté de 1% dans l'Hexagone au premier semestre 2014. Francetv info s'est intéressé aux raisons pour lequelles les Français préfèrent manger chez eux... ou dans un fast-food. 

Article rédigé par Tatiana Lissitzky
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La fréquentation des restaurants français (ici, à Paris) a baissé de 0,9% au premier semestre 2014. (GARDEL BERTRAND / AFP)

Vous n'allez plus déjeuner avec vos collègues dans la petite brasserie en bas du bureau ? La fête d'anniversaire de votre grand-père se fera à la maison ? Vous n'êtes pas les seuls... L'opération Tous au restaurant (jusqu'à dimanche) et la fête de la gastronomie (qui débute aujourd'hui et se termine dimanche) ont pour but de valoriser "un trésor national", en célébrant les savoir-faire de notre pays. Mais pour les restaurateurs, le constat est amer : les Français continuent de bouder les restaurants. 

La fréquentation des restaurants a ainsi baissé de près de 1% au premier semestre 2014 par rapport à la même période en 2013. Et la dégringolade avait débuté en 2012, selon L'Express. Pourquoi les Français sont-ils fâchés avec les restos ? Francetv info vous donne quelques éléments de réponse. 

Ils trouvent la note trop salée

Avec la crise économique et la baisse du pouvoir d'achat, les Français rognent toujours plus sur les dépenses et fréquentent moins les restaurants. Ils dépensent en moyenne 8,60 euros pour un déjeuner à l’extérieur, selon le NPD Group, un cabinet d’études marketing et de consommation (6 euros pour un repas dans la restauration rapide et 14 euros dans un restaurant classique). "Le prix est un facteur déterminant, explique Pascale Hébel, directrice du département consommation du Crédoc. Les prix de la restauration ont augmenté avec le passage à l'euro en janvier 2002. Et la baisse de la fréquentation a été immédiate", ajoute-t-elle. "Alors que seulement 10% des Français citaient le prix comme critère de choix principal d’un établissement de restauration en 2008, le pourcentage s’élève à 18% en 2014", confirme Maria Bertoch, spécialiste de la restauration chez NPD Group.

Cependant, les Français restent prêts à mettre le prix lorsqu'il s'agit de manger sainement. L'explosion du "fast-casual" (restauration rapide haut de gamme), qui enregistre une hausse de 12% en un an, le prouve. Bert’s, Cojean, Francesca, Exki, Prêt à manger...Ces établissements se sont implantés un peu partout en France. Des "fast-casual" qui "répondent à l’exigence actuelle de qualité et de produits frais à un prix raisonnable. Ils sont un compromis entre les fast-foods et la restauration à table", explique Maria Bertoch.

La restauration rapide gagne toujours plus de terrain sur la restauration à table. Selon NPD Group, elle affiche une augmentation de 2% des visites à l'heure du déjeuner, par rapport à l'année précédente. A contrario, la restauration servie à table a reculé de 1% en nombre de visites pour le déjeuner. Mais c'est à l'heure du dîner que les Français boudent le plus les restaurants. "Les Français déjeunent plus facilement le midi à l'extérieur, mais préfèrent dîner chez eux", analyse Maria Bertoch. Et lorsqu'ils vont au restaurant, "les Français ne mangent pas les mêmes plats qu'avant. Ils choisissent plutôt des apéros dinatoires. Tous les moyens sont bon pour dépenser moins", souligne la spécialiste.

A midi, ils n'ont que 40 minutes pour manger

Si les Français vont moins au restaurant, c'est aussi parce que leur mode de vie évolue. Le facteur temps est déterminant. "Alors que les employés avaient, il y a encore cinq ou sept ans, près d'une heure et demie pour manger, ils n'ont plus aujourd'hui qu'une quarantaine de minutes en moyenne", explique Maria Bertoch. Selon Pascale Hébel, du Crédoc, la fréquentation des restaurants a aussi été touchée par la réduction du temps de travail dans les années 2000. Les salariés passant moins de temps en entreprise, ils sont aussi moins amené à déjeuner à l'extérieur.

Lorsqu'ils sont au travail, les salariés privilégient largement les ventes à emporter et les fast-foods, qui concentrent 70% des visites en restauration : au déjeuner, "la restauration rapide répond mieux aux exigences de rapidité, de variété de choix et de prix que le consommateur recherche", analyse Maria Bertoch. 

Les salariés ont aussi tendance à privilégier les cantines d'entreprises – lorsqu'il en existe une sur leur lieu de travail – au moment du déjeuner. Moins onéreuses, car subventionnées, elles répondent à la demande de rapidité puisqu'elles se situent tout près de leur bureau. La plupart des restaurants d'entreprise ont su développer un marketing adapté aux demandes des consommateurs "en augmentant le choix des repas ou en proposant une offre à emporter", précise Maria Bertoch.

Ils sont refroidis par les produits industriels 

Selon les professionnels, les différents scandales alimentaires qui se sont succédé ont largement entaché l'image de la restauration. Ainsi, en 2013, dans Le Figaro, Roland Héguy, président national de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih), estimait que "la baisse de fréquentation des restaurants est une conséquence directe des scandales alimentaires récents, qui ont entamé la confiance des consommateurs". Il faisait alors allusion au scandale de la viande de cheval vendue pour de la viande de bœuf qui, pourtant, avait peu touché les restaurants, puisqu'il concernait principalement des plats surgelés cuisinés vendus en supermarchés.

En revanche, le fait que près d'un tiers des restaurateurs (voire 75%, selon le chef étoilé Alain Ducasse) aient recours à des plats industriels a durablement terni l'image des professionnels, et n'incite pas vraiment à pousser la porte de leurs établissements. Le client doute ("fait maison" ou réchauffé au micro-ondes ?) et a parfois l'impression que le restaurateur ne joue pas le jeu. Pascale Hébel souligne ainsi que "la baisse de la TVA [le 1er juillet 2009] n'a pas été assez répercutée sur les prix". Pourtant, les restaurateurs s'y étaient engagés, mais la réduction des prix n’a pas été flagrante pour le consommateur.

Conséquence de cette défiance des Français envers les restaurants, ils préfèrent dorénavant s'inviter les uns chez les autres. "Alors que le pouvoir d'achat baisse, les Français s'invitent de plus en plus à manger à la maison", souligne Pascale Hébel. 

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