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Présidentielle : plus antisystème que moi, tu meurs !

C'est la mode. Un bon nombre de candidats à la présidentielle se disputent le créneau "rejet du système". Trois d'entre eux ont la cote dans les sondages. Décryptage.

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
De gauche à droite, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et François Bayrou, candidats à la présidentielle qui se revendiquent tous trois "antisystème".  (AFP PHOTO / MONTAGE FTVi)

C'est le positionnement le plus prisé de la campagne présidentielle : apparaître comme le candidat au-delà des partis, au-dessus de la mêlée, hors de la traditionnelle dichotomie gauche-droite, bref "antisystème".

Et ils sont nombreux sur le créneau, tapant sur tout ce qu’ils peuvent, sondages, médias, grands partis. Leur charisme, l’éternel pessimisme des Français mais surtout "l'enchaînement d'alternances aux effets difficilement perceptibles par une partie de l'électorat" selon le CNRS, expliquent leur succès. En pleine ascension dans les sondages : François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon, sans oublier Marine Le Pen. FTVi décrypte leur stratégie.

• Marine Le Pen : détruire le système

Le personnage Honneur aux dames. Marine Le Pen, qui a pris la suite de son père à la tête du Front national il y a un an, est extrêmement bien rodée sur la question. Perpétuellement indignée sur tout et à propos de tout le monde, Marine Le Pen manie le positionnement antisystème comme une seconde nature. Tout comme la victimisation puisque le système est contre elle. Exemple : elle dénonce une manipulation des grands partis qui viserait selon elle à l'empêcher d'obtenir  les 500 parrainages nécessaires pour se présenter à l’élection.

Le vocabulaire "2012 : pour une révolution Bleu Marine", le slogan de sa campagne en tête de son site internet, met d’emblée l’accent sur la rupture radicale que souhaite le FN. Autre expression phare utilisée dans tous ses discours, "l’UMPS", mix de l’UMP et du PS, sigle grâce auquel elle rejette le "système établi" dans son ensemble, incarné par les partis de gouvernement.

Et si elle ne prononce pas le "tous pourris", c’est la logique qui transpire dans ses communiqués, comme celui concernant le think-tank Terra Nova, proche du PS : "Il se contente d’aligner les habituels poncifs que défendent en chœur depuis des années le Medef, l’UMP et le PS."

Et de dénoncer un pouvoir "oligarchique", aux mains d’"élites", véritable "caste vivant dans les sommets". Enfin, Marine Le Pen use et abuse des adjectifs qualificatifs du champ lexical de l’outrage.

Les propositions La candidate FN à la présidentielle souhaite "que le système implose". En attendant, sa proposition de rupture majeure reste la sortie de l’euro, qu’elle défend lors de chacune de ses interventions publiques. Tout comme le protectionnisme et la fermeture des frontières de la France, qu’elle oppose à l’"ultralibéralisme" et au "mondialisme", piliers du système accusés d'être à l'origine de tous les maux de la France.

L’embrouille Pourtant Marine Le Pen cherche bel et bien à atteindre le pouvoir et ne promet pas de changement dans les institutions. Par l’opération de "dédiabolisation" du FN qu’elle a menée, elle a parfaitement intégré son parti au "système". Alors que son père fustigeait "la bande des quatre", elle est désormais en troisième position dans les sondages.

Ces études d’opinion, elle ne cesse d'ailleurs de les invoquer pour demander au système de "ne pas exclure les 20 % d’électeurs [qu’elle] représente". De même, elle ne peut plus se plaindre de ne pas être invitée dans les médias. Dernier signe, selon un sondage Ifop, 31 % des personnes interrogées estime que le parti d’extrême droite a la capacité de participer à un gouvernement. 

• Jean-Luc Mélenchon : résister au système

Le personnage Grand orateur, Jean-Luc Mélenchon est coutumier des envolées vindicatives, le poing levé. Souvent les sourcils froncés, il s’en prend aux "quatre Dalton de l'austérité", c’est-à-dire François Hollande, Nicolas Sarkozy, François Bayrou, et Marine Le Pen. Il est aussi connu pour ses sorties virulentes contre les médias et les journalistes, membres à part entière d’une "élite politico-médiatique" qu’il exècre tant qu’il frôle régulièrement le dérapage.

Le vocabulaire Une "alternative gouvernementale réelle" et l'"altermondialisme", voilà les fils conducteurs de Jean-Luc Mélenchon face à "l’esbroufe" du PS, ou encore à Marine Le Pen, "semi-démente" qu’il invite à sortir de "son château de Montretout".

Plus que la révolution, Jean-Luc Mélenchon fait de l'opposition : "Nous sommes la nouvelle résistance qui fait renaître l’idée d’un partage radical des richesses", déclare-t-il à Libération. Le candidat du Front de gauche à la présidentielle s’arc-boute plus particulièrement contre les dérives de la finance. Et s’appuie sur le lexique de la lutte des classes, opposant "capitalistes", patrons et agences de notation aux "travailleurs" et salariés.

Les propositions Dans son programme, le Front de gauche veut en finir avec l'"Europe passoire" grâce à la mise en place de "visas sociaux et environnementaux" pour les marchandises. Mais aussi mettre fin à la logique productiviste via "une planification écologique", plafonner les loyers et instaurer un salaire maximum.

L’embrouille Avant d’être le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon est un ancien du Parti socialiste dont il a été membre pendant 30 ans. Il a également été ministre délégué à l’Enseignement professionnel du gouvernement Jospin de 2000 à 2002. 

Comme les autres, il est très attentif aux sondages. A Metz (Moselle), mercredi 18 janvier, il souriait : "Pour aller de 8 % à 51 %, il y a du chemin" mais "on a déjà monté quelques marches, le reste va suivre !" Parce qu’il maîtrise parfaitement le fonctionnement dudit système, son vrai objectif est d'acquérir un poids suffisant pour infléchir la politique du PS : "A 10 %, il n'y a plus de majorité sans nous", a récemment déclaré, comme le relate L'Express, celui qui perce à 8 % dans les derniers sondages. Car oui, "la gauche fera bloc au second tour".  

• François Bayrou : réformer le système

Le personnage Contrairement aux deux précédents, dont c'est le premier round en tant que candidat de leur parti, c’est la troisième fois que François Bayou se présente à l’élection présidentielle. Alors qu’il n’avait pas dépassé 7 % en 2002, il a créé la surprise en 2007, rassemblant 18,6 % des voix au premier tour grâce, déjà, à des discours pourfendant les puissants et la dichotomie gauche/droite. Rarement énervé, il compte attirer les "modérés" de tous bords.

Le vocabulaire Même s’il parle parfois de "renverser le système", François Bayrou souhaite surtout le remettre sur pied. Il aspire à "un redressement durable de la France". Comme le Front national et son "UMPS", il s’est lui aussi créé une formule : les "PPP" pour "partis provisoirement principaux", qui se sont, selon lui, "éloignés" des préoccupations quotidiennes des Français.

Il dénonce aussi  toutes sortes de "manœuvres médiatiques" dont celles qui viseraient "à gonfler le vote FN".  

Les propositions Plus que ses idées, c’est son positionnement sur l’échiquier politique qui donne à François Bayrou son caractère antisystème. Le candidat du MoDem fait fi de la logique de bipartisme qui domine la vie politique de la Ve République et propose un "centre" autonome.

Il prend aussi à revers le tempo politique en tentant de fonder son programme sur les résultats souhaités à long terme. C’est le sens de son agenda 2012-2020, qui décrit l’état souhaité de la France dans huit ans avant d’en déduire des mesures.

L’embrouille Libéral, pro-européen, et défenseur depuis longtemps d’une rigueur budgétaire stricte, François Bayrou est l’un des candidats les plus compatibles avec le système économique actuel et ses exigences. Il incarne "la quintessence du candidat du système", dixit Thomas Legrand, journaliste sur France Inter, dans un de ses éditos. Il a également été ministre de l’Education nationale de 1993 à 1997. 

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