"Sarkogirl", dancefloor et phrases chocs : la politique explosive de Nadine Morano
En dénonçant sur Twitter la présence d'une femme portant une burqa dans la gare de l'Est à Paris mardi, l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy a de nouveau suscité la controverse. La routine pour l'eurodéputée.
Nadine Morano vit à Toul (Meurthe-et-Moselle). Députée européenne depuis mai, elle passe pas mal de temps dans les trains qui relient Bruxelles, Paris, et sa région natale. Mardi 14 octobre, elle traverse donc la gare de l'Est, à Paris, lorsqu'elle croise une femme vêtue d'une burqa. Scandalisée, l'élue UMP interpelle l'intéressée, puis la police et, enfin, la twittosphère.
Scène en Gare de l'Est à Paris, je viens de croiser une femme avec une burqa à qui je demande de respecter la loi.. Son mépris est total
— Nadine Morano (@nadine__morano) October 14, 2014
Elle l'a déjà prouvé, il ne lui faut guère plus de 140 signes pour faire éclater une polémique. C'est ainsi qu'elle opère. Projetée sur le devant de la scène politique à l'approche de la présidentielle de 2007, en tant que porte-parole de l'UMP, Nadine Morano s'est imposée en quelques années comme une figure incontournable du paysage politique français. Turbulente, passionnée, clivante et fidèle : retour sur la tornade blonde de l'UMP.
Une "Sarcosette" qui monte au front
Nadine Morano n'est pas un cliché. Elle n'est pas née dans une famille aisée (son père est chauffeur de poids lourds et sa mère standardiste), a passé les 23 premières années de sa vie dans les barres HLM du nord de Nancy et n'a pas fait l'ENA. "On ne partait pas en vacances mais on n'était pas malheureux", résume-t-elle en 2007 sur le plateau de Thierry Ardisson, sur France 2. Quelques mois avant l'élection présidentielle, les Français découvrent celle que Libération qualifie de "Sarcosette". Une fille de l'Est, comme dans la chanson de Patricia Kaas (qu'elle affectionne), convertie au sarkozysme. Ou plutôt à Sarkozy, qu'elle a rencontré dans la deuxième moitié des années 1980. Elle est alors déléguée de Meurthe-et-Moselle des jeunes RPR, et lui, ambitieux maire de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).
Pendant la présidentielle de 2007, la députée est "sa femme de terrain, sa fille des cités. (...) La dimension populaire du sarkozysme", résume pour les téléspectateurs Thierry Ardisson. Contrepoids au "bling-bling" du candidat UMP, Madame Tout-le-monde (en "pimpante veste de tailleur Etam", souligne Libération) ose tout. Suivie par les caméras d'"Envoyé spécial", Nadine Morano s'invite dans un congrès où doit s'exprimer Ségolène Royal, alors en pleine campagne présidentielle. "C'est Madame Moreno ? (sic)", demande la candidate socialiste, étonnée de découvrir l'élue en train de phagocyter son intervention. Ses méthodes peu orthodoxes l'éloignent un temps de la garde rapprochée du nouveau président de la République. Mais dès le premier remaniement, elle intègre le gouvernement et se fait définitivement un nom.
Secrétaire d'Etat à la Famille en 2008, puis ministre de l'Apprentissage et de la Formation professionnelle en 2010, elle intègre en 2011 la cellule "riposte" , fraîchement créée pour défendre le bilan du président sortant, candidat à sa propre succession. "Nadine, ce n’est peut-être pas la finesse incarnée, mais c’est une combattante, reconnaît Nicolas Sarkozy en janvier 2012, cité par Le JDD. Je l’aime bien. J’ai besoin de personnes comme elles qui montent au front par tous les temps."
Trésorière de l'association les Amis de Nicolas Sarkozy pendant la retraite politique de l'ancien chef d'Etat après sa défaite à la présidentielle de 2012, elle n'a cessé de réclamer son retour. Alors, quand, en septembre, son champion annonce son retour sans l'intégrer à son nouveau staff de campagne, elle peste contre son "chihuahua" de porte-parole, Gérald Darmanin, rapporte Le Canard Enchaîné. Des propos démentis le 1er octobre par l'intéressée, précise Le Lab.fr.
La "poissonnière" du gouvernement
Alors que triomphe l'"infotainment" à la télévision (mélange d'informations et de divertissement), Nadine Morano attire les médias grâce à ses phrases chocs et ses pas de danse décomplexés, comme ici au campus de l'UMP 2008. Une séquence qu'elle a répétée plusieurs fois. En 2009, 2010 ou 2014.
La nuit endiablée de Nadine Morano et Patrick... par leparisien
Ce style, qui tranche avec la retenue habituelle des politiques, lui vaut d'être qualifiée de "poissonnière" et de "madame sans gêne" du gouvernement par ses détracteurs. "Nadine Morano incarne une nouvelle figure du politicien conservateur (...) : celle du 'crétin exemplaire', analyse en 2012 le blog de L'Express Yes They Can, consacré à la communication politique. L’homme politique que les médias jugent stupide, parce qu’il fait des fautes d’orthographe, qu’il n’est pas précis dans sa géographie. Mais qui parvient à se faire élire et à se rendre populaire, parce qu’il est – profondément – accessible, semblable à nous." Caricaturée en illettrée par les Guignols de l'info, en bonne place sur le fameux "mur des cons" découvert au Syndicat de la magistrature, Nadine Morano divise.
Une sérial-twitteuse qui "tape plus vite que ses doigts"
"Populaire" pour ses fans ou pour le chroniqueur Guy Carlier, qui lui consacre un livre, elle devient "vulgaire" pour ses détracteurs et une cible de choix pour les humoristes : après l'avoir injuriée lors d'un spectacle à Toul en octobre 2013, Guy Bedos persiste quelques jours plus tard sur le plateau de "C à vous" : "Quand je dis que c'est une conne, ce n'est pas de la diffamation, c'est de l'information." Il n'empêche que le comique a été mis en examen pour "injure publique" en juillet.
Nadine Morano se heurte violemment à l'humour corrosif d'une Sophia Aram ou d'un Stéphane Guillon. Tous des "bobos parisiens prétentieux", tranche l'élue, qui se défend à sa manière, sans se démonter, malgré les railleries. Sur internet, elle attaque et dépose une plainte contre Dailymotion en 2009, auquel elle reproche d'avoir publié des commentaires d'internautes qu'elle juge injurieux à son égard. Et sur les réseaux sociaux, elle tweete. Tout le temps. Voire un peu n'importe comment, signale Télérama en mars 2012.
Je rêve comme tous ceux que je croise de voir leur tête de bobos parisiens prétentieux et dégoulinants de vérité sur les autres.
— Nadine Morano (@nadine__morano) December 25, 2011
Orthographe hasardeuse, selfies en pagaille, déclarations mystérieuses, livetweet incongru de son quotidien et autres impairs (comme ce "DM fail" adressé au ministre de l'Industrie, Eric Besson, ou ce retweet d'une vidéo appelant à voter Marine Le Pen) font le bonheur des internautes depuis que Nadine Morano s'est inscrite sur Twitter en décembre 2011. "Je tape plus vite que mes doigts mais je corrige aussi vite que ma pensée :-)", se défend-elle.
Amatrice de couscous, mais pas du voile
Son ton brut de décoffrage la pousse parfois en marge de son parti. Ainsi, en 2008, elle défend la gestation pour autrui (GPA). Pendant les législatives de 2012, alors qu'elle est en difficulté dans la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle, elle s'affranchit de la consigne de son parti et fait de l'œil aux électeurs frontistes : "J'en appelle aux électeurs du Front national, qui partagent nos valeurs du travail, du mérite, du refus de l'assistanat, du refus du droit de vote des étrangers", lance-t-elle devant les caméras des chaînes d'information. En vain : elle est battue au second tour par le socialiste Dominique Potier.
Raciste, Nadine Morano ? L'eurodéputée s'en défend et avance deux arguments qui lui semblent imparables : Solange, sa meilleure amie d'origine tchadienne, est "plus noire qu'une Arabe" et elle adore "le couscous et les bricks à l'œuf". Suffisant visiblement, selon elle, pour lier, sans complexe, délinquance et immigration et tacler indifféremment jeunes de banlieue et familles "polygames". Ainsi, sur un marché en 2008, elle interpelle un Sénégalais devant les caméras. Lui trouve "normal" de venir vivre en France, ancien pays colonisateur défendu par ses aînés. La députée lui rétorque : "Le Sénégal, c'est votre pays, vous êtes indépendant. On ne peut pas accueillir tous les Sénégalais."
Outre l'immigration, elle fustige l'islam : si ses récentes interventions sur Twitter portent sur la menace jihadiste, elle dressait en 2009 le portrait du jeune musulman à l'occasion du débat controversé sur l'identité nationale. "Moi, ce que je veux du jeune musulman, c'est qu'il se sente français quand il est français. C'est qu'il aime la France quand il vit dans ce pays. C'est qu'il trouve un travail. C'est qu'il ne parle pas le verlan. Qu'il ne mette pas sa casquette à l'envers", martèle-t-elle sur l'estrade.
Plus encore que la casquette, elle abhorre le voile. A l'été 2014, elle prend en photo une femme voilée sur une plage : "Une atteinte à notre culture qui heurte en matière d'égalité homme-femme", assure-t-elle en partageant le cliché sur Facebook. "Voir cela sur le territoire des droits de l'homme est exaspérant !", s'emporte l'élue. Les prémices d'une nouvelle indignation à la gare de l'Est face à une femme en burqa. Dernier passage sur les médias de la tornade Morano.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.